Ce à quoi les Saoudiens pensent quand ils parlent de la paix avec Israël
L’ouverture de l'espace aérien n’aurait rien à voir avec Israël et il n’y aura pas de normalisation tant qu’il n’y aura pas d’État palestinien. Mais en fait, le sujet est l’Iran
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
Au moment où j’écris ces lignes, les avions israéliens ne peuvent pas encore emprunter l’espace aérien saoudien pour rallier l’Inde, la Chine ou d’autres destinations. Cette année, les musulmans israéliens n’auront pas pu prendre de vols charters israéliens directs depuis l’aéroport Ben Gurion pour se rendre en Arabie saoudite en vue du hajj.
Mais à la veille de la visite du président américain Joe Biden dans le royaume le week-end dernier, les Saoudiens ont annoncé que leur espace aérien était désormais ouvert à « tous les transporteurs aériens ». Ils auraient par ailleurs annoncé la conclusion d’un accord pour autoriser des vols directs israélo-saoudiens pour le hajj, en 2023.
Les déclarations publiques des dirigeants israéliens, américains et saoudiens sur ces avancées en matière de transport aérien ont été pour le moins contradictoires.
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Biden et le Premier ministre Yair Lapid ont salué ce qu’ils ont présenté comme un « premier pas » significatif vers une normalisation des relations israélo-saoudiennes. De manière on ne peut plus antagoniste, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, a affirmé que l’ouverture de l’espace aérien n’avait « rien à voir avec les relations diplomatiques avec Israël » et n’était « en aucun cas le présage de nouvelles mesures » vers la normalisation.
De toute évidence, même les monarchies absolues doivent préparer leurs citoyens à des revirements radicaux de politique régionale. Après des décennies d’antisémitisme institutionnel et d’hostilité envers Israël, les Juifs et leur patrie nationale ne vont pas se transformer en alliés du jour au lendemain.
Mais avec tout le respect que je dois aux dénégations du prince Fayçal, il n’est pas certain que la libéralisation des règles de survol des Saoudiens profite à d’autres qu’à Israël. Désormais, à tout moment semble-t-il, le pilote d’un avion de ligne El Al ou Arkia pourra établir un contact radio avec un contrôleur aérien saoudien, ce qui constituera une interaction civile formelle de routine entre les deux pays, un premier petit pas sur la voie d’une normalisation plus ambitieuse.
La question de savoir où tout ceci va nous mener est sujet à débat. Dans une interview accordée à CNN au moment de la visite de Biden en Israël, en Cisjordanie et en Arabie saoudite, le ministre d’État aux Affaires étrangères saoudiennes, Adel al-Jubeir, a admis que la paix avec Israël était « possible », de l’ordre d’une « option stratégique », mais que l’on était loin d’un accord.
Al-Jubeir a subordonné la paix avec Israël à la création d’un État palestinien, rappelant l’engagement saoudien en faveur d’une « solution à deux États, avec un État palestinien dans les territoires occupés, avec Jérusalem-Est comme capitale ».
Pour autant, les Saoudiens ont tacitement donné leur bénédiction aux Émirats arabes unis et à Bahreïn, qui ont conclu des accords de paix avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham de 2020, en dépit de l’absence de progrès sur la question israélo-palestinienne et des accusations de trahison de l’Autorité palestinienne.
Pour Ryad comme pour de possibles nouveaux partenaires des Accords d’Abraham, la question clé n’est pas le conflit palestinien, mais plutôt la rapacité des ayatollahs de Téhéran. Ainsi, lorsqu’ils étudient la perspective de relations avec Israël, ils évaluent en fait la meilleure façon de défier la menace iranienne.
Au cours de son séjour en Israël, Biden a rappelé l’amour et l’estime qu’il a pour notre pays, ses réalisations et son peuple. « Voir Israël prospérer, voir les rêves les plus fous des pères et mères fondateurs d’Israël devenir une réalité dont bénéficient les enfants d’Israël aujourd’hui, est pour moi presque de l’ordre du miracle », a-t-il proclamé à la résidence du président, dans l’un des discours les plus sincères d’une série de discours particulièrement chaleureux.
Le fait, qu’au-delà de tout scénario, il se soit agenouillé pour s’entretenir longuement avec deux survivantes de la Shoah à Yad Vashem symbolise la solidarité et la profonde empathie qu’il a mis au cœur de son voyage.
Et le texte de la Déclaration de Jérusalem, qu’il a solennellement signée avec Lapid, nous renseigne sur le contexte formel de cette solidarité – un engagement « stratégique » « à préserver et renforcer la capacité d’Israël à dissuader ses ennemis et se défendre par lui-même contre toute menace ».
La déclaration rappelle le caractère unique de la menace posée par l’Iran et comporte un engagement américain « à ne jamais permettre que l’Iran se dote de l’arme nucléaire » et à utiliser « tous les éléments » de la puissance américaine « pour parvenir à ce résultat ».
Mais comme Lapid et, lors de leur brève rencontre, l’ex-Premier ministre Benjamin Netanyahu, l’ont souligné avec conviction, la diplomatie ne va pas arrêter le programme nucléaire iranien.
Lapid a déclaré lors de leur conférence de presse conjointe, jeudi dernier : « Les mots ne les arrêteront pas, Monsieur le Président. La diplomatie ne les arrêtera pas. La seule chose qui arrêtera l’Iran, c’est le fait de savoir que, s’il poursuit son programme nucléaire, le monde libre utilisera la force. La seule façon de les arrêter est de mettre une menace militaire crédible sur la table. »
Netanyahu a déclaré, quelques heures après son bref tête-à-tête avec Biden : « Il faut une option militaire offensive crédible… Je lui ai dit qu’en l’absence d’option militaire crédible, l’Iran ne s’arrêterait pas. [Et] Si cela ne suffit pas à dissuader l’Iran, cette option militaire devra être utilisée. »
Mais le leader du monde libre a été catégorique. Pour ce qui est de
« s’assurer que l’Iran n’obtienne jamais l’arme nucléaire », a-t-il dit, « je persiste à croire que la diplomatie est le meilleur moyen d’atteindre ce résultat ».
Depuis les débuts du projet iranien de se doter d’armes nucléaires, la réticence de l’Amérique à brandir la menace d’un usage de la force a enhardi Téhéran, qui se vante maintenant ouvertement d’avoir les
« capacités techniques » d’en fabriquer une.
Ironiquement, la réticence de l’Amérique à faire peser une menace crédible, et la confiance iranienne qui en résulte, augmentent la probabilité d’un usage de la force. Nous nous rapprochons inexorablement d’un choix cornélien : l’Iran avec un arsenal nucléaire ou une intervention militaire.
Dans une interview télévisée israélienne à la veille de sa visite, Biden déclarait qu’il ne ferait usage de la force qu’ « en dernier recours » pour stopper le programme nucléaire iranien.
Comme le président américain le sait bien, cette menace aura été prise à la légère à Téhéran. Elle ne suffira pas à contraindre le régime d’arrêter l’enrichissement de l’uranium, ni à arrêter la fabrication de missiles pas plus qu’à abandonner ses projets d’armement nucléaire.
En l’absence d’une position américaine plus menaçante et d’une capacité d’action américaine plus crédible, le temps presse.
Israël, obsession première de la malveillance des ayatollahs, en vient inexorablement à la conclusion qu’il doit jouer un rôle central dans la dissuasion et, si nécessaire, prendre des mesures contre l’Iran.
Ainsi, quelques heures après le retour de Biden à la Maison Blanche suite à sa visite au Moyen-Orient, le chef d’état-major israélien, Aviv Kohavi, assurait qu’Israël avait « l’obligation morale » de mettre sur pied une réponse militaire contre le programme nucléaire iranien, ajoutant que cette option militaire était au « cœur » des préparatifs de Tsahal.
Pour les Saoudiens, la période est propice aux calculs d’intérêts et au calibrage des alliances, comme nous l’avons tous vu ces derniers jours.
C’est aussi, vraisemblablement, une période pour approfondir les alliances secrètes.
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David Horovitz, rédacteur en chef et fondateur du Times of Israel