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Ce candidat à la tête du Parti conservateur britannique résolument pro-Israël

Marié à une Israélienne, l'ex-ministre de l'Immigration Robert Jenrick dit qu'avec lui, les Conservateurs reviendront au pouvoir et l'ambassade sera établie à Jérusalem

Robert Jenrick assiste à la commémoration du premier anniversaire du pogrom commis par le Hamas le 7 octobre, à Hyde Park à Londres, le 6 octobre 2024. (Reuters/Hollie Adams)
Robert Jenrick assiste à la commémoration du premier anniversaire du pogrom commis par le Hamas le 7 octobre, à Hyde Park à Londres, le 6 octobre 2024. (Reuters/Hollie Adams)

LONDRES – Les détracteurs de Robert Jenrick, actuellement en lice pour la direction du Parti conservateur britannique, le dépeignent comme un opportuniste passé du centrisme libéral sur le plan social à la droite favorable à Trump tout en courtisant les électeurs de sa base.

L’ex-ministre de l’Immigration, âgé de 42 ans, « s’adapte au vent politique qui souffle au sein du Parti conservateur », estime un de ses anciens collègues.

Mais, sur une question au moins, Jenrick, qui est marié à « l’avocate d’affaires d’origine israélienne » Michal Berkner, se montre inébranlablement cohérent, celle de son soutien à Israël et à la communauté juive de Grande-Bretagne.

Même au Royaume-Uni, la lutte pour la direction du parti conservateur, qui prendra fin la semaine prochaine, passe inaperçue.

Le Parti travailliste a rassemblé une majorité parlementaire écrasante lors des élections générales de juillet dernier, ce qui, en dépit des débuts hésitants du gouvernement et de la baisse de sa cote de popularité, devrait être difficile à inverser par les conservateurs dans cinq ans, à l’occasion des prochaines élections.

Pour autant, il se pourrait qu’à la faveur de l’instabilité politique – rappelons-nous la défaite écrasante des Travaillistes, en 2019, qui lui a valu dix ans dans l’opposition – et de la capacité des Conservateurs à se réinventer, le prochain chef des Conservateurs accède au 10 Downing Street.

En effet, ces cent dernières années, trois seulement parmi les dix-sept dirigeants conservateurs n’ont pas été Premier ministre.

S’il remportait le vote des membres du parti – le scrutin se termine le 31 octobre avec un résultat attendu le 2 novembre –, Jenrick pourrait renforcer la position pro-israélienne des Conservateurs et mettre le Parti travailliste en difficultés sur la question de son soutien – jusqu’alors mitigé – à l’État juif.

La position de Jenrick envers Israël mêle l’intime et le politique.

[Son épouse] Berkner, âgée de 51 ans, est la petite-fille de rescapés de la Shoah qui se considère comme « une partisane intransigeante d’Israël ».

Les trois filles du couple ont été élevées dans le respect de la religion juive et l’une d’elles porte en deuxième prénom « Thatcher » en hoommage à l’héroïne politique de Jenrick, l’ex-Première ministre Margaret Thatcher.

Le candidat à la direction du Parti conservateur, Robert Jenrick, ici en compagnie de son épouse Michal Berkner, au troisième jour de la conférence annuelle du Parti conservateur à Birmingham, dans le centre de l’Angleterre, le 1er octobre 2024. (Crédit : Henry Nicholls/AFP)

Partisan de tout premier plan des Amis conservateurs d’Israël (CFI) depuis son entrée au Parlement en 2014, Jenrick a rapidement gravi les échelons ministériels.

En 2019, il a fait partie du gouvernement de Boris Johnson au poste de secrétaire aux communautés, où il a fait de la lutte contre l’antisémitisme une priorité clé, poussé les universités à adopter la définition de l’antisémitisme de l’Alliance internationale pour la mémoire de la Shoah et été un ardent défenseur de la construction du mémorial de la Shoah et du centre d’enseignement de la Shoah à Westminster.

« Pour moi qui suis marié à une Juive et père de trois filles juives, il est impossible d’imaginer une Grande-Bretagne sans nos amis, voisins et proches juifs », a-t-il déclaré à la tribune du Conseil des députés des Juifs britanniques en 2019.

Au cours des quatre mois de la course à la succession de l’ex-Premier ministre Rishi Sunak, Jenrick a dit à plusieurs reprises qu’il soutenait Israël.

Lors de la conférence du Parti conservateur, ce mois-ci, il a fermement défendu l’État juif et s’est dit sceptique des chances d’émergence d’un État palestinien.

« Israël est la seule et unique démocratie du Moyen-Orient », a-t-il déclaré aux délégués. « J’aimerais pouvoir me dire qu’un État palestinien serait aussi démocratique, libéral et libre qu’Israël. Mais on en est encore loin. »

Le candidat à la direction du Parti conservateur Robert Jenrick et son épouse Michal Berkner sur un stand, au troisième jour de la conférence annuelle du Parti conservateur à Birmingham, en Angleterre, le 1er octobre 2024. (Crédit : Henry Nicholls/AFP)

À la veille de l’anniversaire du pogrom perpétré par le Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, il a invité les Britanniques à faire preuve de davantage d’empathie envers l’État juif.

« Comment réagirions-nous si 1 200 hommes, femmes et enfants étaient assassinés ? », a-t-il demandé. « Si nos concitoyens étaient violés. S’il s’agissait de Glastonbury et non du festival de musique Nova ? Si nous avions à nos portes des organisations terroristes comme le Hamas ou le Hezbollah ? »

Jenrick a assisté à une veillée devant Downing Street, peu de temps après le massacre, et pris la parole lors d’un rassemblement de grande ampleur contre l’antisémitisme dans le centre de Londres, en novembre dernier.

La défaite du groupe terroriste, avait-il déclaré à cette occasion, serait « une bénédiction pour le monde entier ».

Le fameux sweat à capuche

Jenrick accompagne ce soutien de petits gestes accrocheurs et d’engagements politiques concrets.

En septembre dernier, par exemple, un selfie de l’ex-ministre revêtu d’un sweat à capuche sur lequel on pouvait lire « Le Hamas est une organisation terroriste » diffusé sur les réseaux sociaux a suscité la colère de la présentatrice de Sky News, Kay Burley, qui a demandé sur X : « Est-il approprié que le futur chef du Parti conservateur se promène dans Londres avec un pull sur lequel on peut lire ‘Le Hamas est une organisation terroriste’ ? »

Loin de se laisser intimider, Jenrick a remis ce sweat à capuche lors de la réception de la conférence des Amis conservateurs d’Israël.

« Kay Burley a dit que je faisais de la provocation en faisant ça. Je ne vois pas en quoi je devrais m’inquiéter de provoquer les partisans du Hamas », a-t-il déclaré. « Ils devraient être arrêtés. »

Les propos de Jenrick sont en phase avec son intransigence envers les manifestants anti-Israël qui sont descendus dans la rue à de nombreuses reprises, à Londres, depuis le 7 octobre.

« Si vous venez dans ce pays, alors vous en respectez les valeurs »

En tant que ministre de l’Immigration, il s’était engagé à ce que le visa des étrangers pris en flagrant délit de propagation de la « haine et de la division » soit révoqué, quand bien même leurs actions n’étaient pas contraires à la loi.

« Ce comportement est proprement abject. Je ne veux pas de ça dans nos rues », disait-il à Times Radio en octobre dernier.

« Je ne pourrais pas regarder un Juif britannique dans les yeux, en tant que ministre de l’Immigration, et lui dire que je permets à des individus qui se comportent de la sorte de rester dans ce pays – ce serait mal. Si vous venez dans ce pays, alors vous en respectez les valeurs. »

À plusieurs reprises, là encore, Jenrick a manifesté son inquiétude face aux conditions du maintien de l’ordre lors des manifestations, déclarant en février dernier : « Nous laissons nos rues à des extrémistes islamistes alors que les Juifs britanniques, et d’autres encore, ont peur de se promener dans le centre de Londres. »

Qualifiant les manifestants d’« anti-Israël ou anti-Juifs, mais aussi d’anti-Britanniques », Jenrick a dit avoir à plusieurs reprises demandé au chef de la police de Londres d’adopter une ligne plus dure envers les manifestants, revenant sur l’impuissance de la police, incapable d’interpeler l’homme qui avait crié « djihad » lors d’une manifestation dans la capitale, l’an dernier, ou encore son inaction face aux slogans « De la rivière à la mer », projetés sur la façade de Big Ben lors d’un vote au Parlement sur la question du cessez-le-feu en février.

Le photojournaliste palestinien Motaz Azaiza (au centre) rejoint des manifestants anti-Israël qui se préparent à défiler dans le centre de Londres, le 18 mai 2024. (Crédit : Benjamin Cremel/AFP)

Cette ligne de conduite n’est pas exempte de critiques.

Cet été, Jenrick a été accusé d’islamophobie après avoir dit que les manifestants qui scandaient « Allahu Akbar » (« Dieu est grand », en arabe) auraient dû être arrêtés par la police.

En faire plus pour Israël

Les propos de Jenrick traduisent aussi son mécontentement envers le précédent gouvernement conservateur, dont il considère qu’il n’en a pas fait assez pour venir en aide à Israël.

Il a, par exemple, demandé le renforcement de l’arsenal législatif de lutte contre l’extrémisme.

Jenrick souhaite ainsi faire interdire les organisations qui, si elles ne soutiennent pas ouvertement le terrorisme, « nuisent à nos communautés et à l’ordre public », noms de groupes pro-palestiniens à l’appui. (À leur tour, ces derniers ont reproché à Jenrick de se livrer à une « honteuse cabale qui ne dit pas son nom » et de faire campagne autour de « la haine, de la division et du mépris des libertés et droits humains les plus fondamentaux ».)

Jenrick a également déclaré que, s’il remportait la course à la direction [du Parti conservateur], le prochain programme du parti « ferait de Jérusalem la capitale légitime de l’État d’Israël », ce qui aurait pour conséquence de déplacer l’ambassade britannique de Tel Aviv.

« Si le Foreign Office et les fonctionnaires ne le font pas, je le ferai moi-même », a-t-il déclaré à propos de son désir de voir l’ambassade du Royaume-Uni être transférée à Jérusalem.

Jenrick a par ailleurs révélé que, durant son passage au ministère de l’Intérieur, il avait tenté d’obtenir que les voyageurs en provenance d’Israël puissent utiliser les sas électroniques des aéroports (actuellement réservés aux Britanniques, aux ressortissants de l’UE et à ceux d’un tout petit nombre de pays amis comme les États-Unis ou l’Australie).

« Je veux que ce pays soit on ne peut plus accueillant envers les Israéliens et la communauté juive dans son ensemble », a-t-il déclaré.

Il a poursuivi en expliquant que, selon son idée, à « chaque aéroport et point d’entrée de notre grand pays, il y aurait une étoile de David, symbole de notre soutien à Israël, du fait que nous sommes à ses côtés », ce que ses partisans ont qualifié de « fioriture rhétorique ».

Ces propos ont suscité l’engouement des milieux pro-Israël.

« Il est prêt à en faire encore plus », a écrit ce mois-ci Zoe Strimpel dans le Sunday Telegraph, ajoutant : « J’ai longtemps pensé que le fait d’imposer l’existence d’Israël aux immigrants par le biais de cette étoile symbolique serait un moyen astucieux de froisser ceux qui le méritent. »

Le candidat à la direction du Parti conservateur, Robert Jenrick, s’adresse à ses membres lors de la conférence du parti au Centre international des congrès de Birmingham, en Angleterre, le 2 octobre 2024. (Crédit : AP Photo/Kin Cheung)

Plus fortement encore, Jenrick a clairement dit sa déception envers l’ex-gouvernement conservateur, qui n’a pas fait interdire le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran.

Au moment où des rumeurs laissent entendre que le Parti travailliste, qui s’est pourtant engagé à prendre cette interdiction, aurait quelques doutes, Jenrick a écrit le mois dernier : « Lorsque j’étais ministre, j’ai constamment plaidé en coulisse en faveur de l’interdiction du CGRI. Malheureusement, nous n’avons pas convaincu le reste du gouvernement, en grande partie à cause de l’orthodoxie du Foreign Office, qui a fait en sorte de bloquer toutes ces initiatives en laissant entendre tout le bénéfice que nous tirions du fait de ne pas interdire le CGRI. »

Jenrick parle de l’incapacité des conservateurs à faire interdire le CGRI, lorsqu’ils étaient au pouvoir, comme d’« une marque d’infâmie ».

Les candidats à la direction du Parti conservateur – de gauche à droite, Kemi Badenoch, Robert Jenrick, James Cleverly et Tom Tugendhat – sur l’estrade de la conférence du Parti conservateur à l’International Convention Centre de Birmingham, en Angleterre, le 2 octobre 2024. (Crédit : AP Photo/Kin Cheung)

Bien qu’il ait manifesté son soutien à Donald Trump, Jenrick dit que son modèle est Pierre Poilievre, chef du Parti conservateur d’opposition canadien, lui aussi un fervent partisan d’Israël.

Mais, contrairement à Poilievre, Jenrick va devoir renoncer à sa réputation de caméléon politique.

« C’est un beau parleur, hâbleur, que l’on dirait capable de séduire les foules sauf qu’il n’y parvient pas», a écrit dans le Times Matthew Parris, lui-même ex-député conservateur.

En effet, Jenrick a déjà dû démentir que, s’il remportait les élections pour la direction du parti, il reviendrait rapidement au centre pour s’attirer une base plus large.

Le chemin de Jenrick vers le poste de Premier ministre britannique n’est pas sans obstacles.

La semaine prochaine, il saura si les membres conservateurs l’ont choisi lui, plutôt que sa collègue et rivale, l’ex-secrétaire d’État au Commerce, Kemi Badenoch.

Ouvertement anti-woke et de droite, elle est une fervente partisane d’Israël, mais d’une manière plus discrère que Jenrick.

Si Jenrick sort victorieux de cette épreuve, il devra alors faire face aux retombées politiques de la terrible défaite des Conservateurs en juillet dernier.

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