Chypre : La Britannique dit avoir été forcée de retirer son accusation de viol
Après avoir été condamnée pour fausse accusation de viol, la touriste insiste sur une agression des Israéliens qui, dit-elle, était préméditée ; elle détaille ce qu'il s'est passé
Une touriste britannique qui a été reconnue coupable d’avoir menti au sujet d’un viol en réunion présumé, qui aurait eu lieu à Chypre, a défendu son récit de l’incident survenu au mois de juillet dans une interview qui a été publiée vendredi, clamant que les agissements des Israéliens qu’elle avait accusés étaient « prémédités ».
Elle a ajouté que le document stipulant qu’elle retirait les accusations de viol initialement lancées avait été obtenu sous la contrainte, en raison des pressions intenses des enquêteurs dans une situation oppressante et à l’issue de longues heures d’interrogatoire.
« Il est tard et j’ai une famille qui m’attend à la maison », lui avait dit un agent de police. « Vous allez retourner en cellule si vous ne signez pas ce document de rétractation ».
Dans une longue conversation avec le journal britannique Daily Mail, la jeune fille de 19 ans – dont la publication du nom n’est pas autorisée – a décrit en détail les événements survenus avant, pendant et après la nuit en question.
Ses échanges avec le groupe d’Israéliens avaient commencé plusieurs jours avant le viol présumé, raconte-t-elle. Elle buvait des consommations en compagnie de quatre ou de cinq jeunes filles à l’hôtel d’Ayia Napa où elles séjournaient, lorsqu’un groupe d’une vingtaine d’Israéliens s’était approché.
« Ils buvaient de la vodka artisanale en tentant clairement de nous impressionner », dit la jeune femme au Mail.
Parmi ces jeunes, un dénommé Sam, qui avait entamé la conversation avec l’accusatrice. Tout d’abord hésitante – le jeune homme lui paraissant « possessif » – elle avait indiqué se réjouir de l’opportunité de vivre « un flirt de vacances ».
« Dès le premier jour de notre aventure amoureuse, il m’a dit qu’il m’aimait, il a dit à tous ses amis qu’il voulait m’épouser et me demander de m’installer en Israël. Je me suis demandée si c’était la culture israélienne qui était comme ça, mais c’était bizarre », confie-t-elle au journaliste.
Le couple a des relations intimes à plusieurs occasions, mais la jeune femme se sent rapidement mal à l’aise devant les amis de Sam qui « semblaient toujours désireux d’entrer dans la chambre quand elle et Sam étaient ensemble ».
« Avec le recul, il est manifeste que je ne contrôlais pas la situation, qu’elle était en train d’aller dans la mauvaise direction », explique-t-elle.
Selon elle, c’est quatre jours après leur rencontre et le jour du départ prévu pour Israël de Sam, 21 ans, que le viol présumé a eu lieu. « Et il était absolument prémédité », déclare-t-elle au Mail.
Décrivant la nuit en question, elle indique que le couple était en train de s’embrasser dans la chambre d’hôtel.
« Puis tout a changé. Je me souviens avoir vu de la lumière sous la porte et un groupe d’amis de Sam est entré. Ils criaient, ils se moquaient ».
« Lui, il hurlait des choses en hébreu à ses amis israéliens et eux, ils couraient partout en riant. Je me sentais très mal. J’ai crié : ‘Non ! Sortez, non !’, puis j’ai essayé de croiser les jambes ».
« Puis Sam s’est agenouillé sur ma poitrine et il m’a obligée à lui faire une fellation, je pouvais à peine respirer. J’agitais mes bras dans tous les sens. J’essayais désespérément de m’enfuir. Puis Sam s’est énervé. Il m’a attrapé le genou gauche et il l’a cloué au sol, et j’étais donc accessible pour les autres ».
« Je ne pouvais pas voir ce qui était en train de se passer. Sam était devant moi. Les autres ont attrapé les hanches et ils m’ont violée, les uns après les autres. Après, je suis parvenue à me dégager. J’ai rampé sur le sol, j’ai remonté mon short et j’ai attrapé mon sac à main ».
Elle raconte comment, après s’être levée, elle a glissé, sa tête frappant le sol, avant de fuir la chambre. Elle est ensuite hâtivement allée voir une amie et lui a dit avoir été agressée, note-t-elle.
« Je ne crois pas lui avoir dit explicitement ce qui était arrivé », précise-t-elle. « J’ai juste dit : ‘Ils me l’ont tous fait’. »
Elle poursuit, disant qu’elle s’est rendue au commissariat dans la nuit même et qu’elle a attendu le matin pour faire sa déclaration. Un médecin n’a pu l’examiner qu’à 15 heures.
« J’avais des hématomes entraînés par les mains des agresseurs sur toutes mes jambes et une infection terrible à la gorge. Mon cou et mes ganglions lymphatiques étaient gonflés. J’avais des bleus autour des yeux », dit-elle.
Après le dépôt d’une plainte, la police chypriote a arrêté 12 Israéliens soupçonnés d’être impliqués dans le viol présumé. La mère de la victime est venue précipitamment depuis la Grande-Bretagne pour soutenir sa fille.
Mais neuf jours après la nuit en question, un agent, une femme, qui avait recueilli le témoignage de la jeune touriste lui a demandé de la rencontrer pour clarifier des détails de son récit.
Une enquêtrice « qui s’appelait Jorja, à qui je faisais confiance, m’a téléphoné en me disant que certains points devaient être clarifiés. Quelques secondes plus tard, elle était là. Je suis descendue. Maman voulait venir avec moi mais j’ai insisté sur le fait que tout irait bien, que ce n’était qu’une formalité et que ce ne serait pas long ».
« Je m’attendais à aller au commissariat voisin, à Ayia Napa, mais nous sommes allés dans une voiture banalisée à Paralimni. Là-bas, tout était fermé, obscur, à l’exception d’un corridor. J’ai eu une crise de panique », raconte-t-elle.
« Ils ont commencé à me questionner, des questions posées à très vive allure, et ils m’ont dit qu’ils avaient vu une vidéo de moi me montrant en train d’avoir des relations sexuelles consensuelles en groupe et que je mentais en parlant d’un viol », s’exclame-t-elle.
Elle ajoute que l’interrogatoire a duré huit heures dans une aile sombre et verrouillée du commissariat de police.
« Rien n’a été enregistré. Je n’avais pas d’avocat à mes côtés. Je voulais envoyer un message à maman. Je me suis sentie coincée mais j’ai d’abord tenu le coup », se souvient-elle.
Puis un agent a perdu patience et a menacé de l’arrêter si elle ne se rétractait pas, clame-t-elle.
« L’un des agents, un homme, a commencé véritablement à s’énerver. Il a
dit : ‘Il est tard et j’ai une famille qui m’attend à la maison. Vous allez être incarcérée en cellule si vous ne signez pas ce document de rétractation ».
« J’ai eu le sentiment d’être tombée dans un piège. C’était surréaliste. Ce n’est compréhensible que si vous-même avez été interrogé sans relâche pendant des heures », poursuit-elle, expliquant sa décision de signer un accord « monté de toutes pièces ».
« Il a gagné. Au même moment, j’ai su que j’avais eu totalement tort de faire ça. Je me suis demandée pourquoi diable j’avais signé cet aveu », clame-t-elle.
« Et à cet instant, tout est parti de travers. On a délivré un mandat d’arrestation à mon nom en me disant que j’étais accusée de méfait public – d’avoir inventé un crime qui n’avait pas eu lieu. J’étais abasourdie ».
La jeune femme a été condamnée, le 30 décembre, par un tribunal chypriote pour avoir dénoncé de manière mensongère un viol en réunion. Elle a été reconnue coupable de « méfait public », avec une sanction possible allant jusqu’à un an de prison en plus d’une amende.
Le juge a déclaré que la jeune femme avait admis devant les enquêteurs qu’elle avait inventé les accusations parce qu’elle avait « honte » après avoir découvert que certains des Israéliens avaient filmé des vidéos la montrant en train d’avoir des relations sexuelles consenties en groupe. La police aurait clamé que les images entraient en contradiction avec les accusations de viol initiales de la jeune femme.
Le mois dernier, elle a écopé d’une peine de quatre mois de prison avec sursis dans le dossier et d’une amende de 140 euros avant d’être autorisée à retourner dans son pays.
Les avocats britanniques de la jeune fille ont déposé un appel devant la cour suprême de Chypre contre cette condamnation.
Le dossier avait largement retenu l’attention des médias en Israël comme au Royaume-Uni. Les activistes défendant les droits des femmes – et notamment de nombreuses Israéliennes – avaient protesté contre le traitement réservé par les autorités chypriotes à la touriste.
En Grande-Bretagne, les militants, sur les réseaux sociaux, avaient appelé au boycott de la nation insulaire en raison de la conduite des autorités.
Plus de 50 Israéliennes s’étaient rendu à Chypre à l’occasion du procès de la jeune femme pour lui apporter leur soutien.
Depuis, le Foreign office britannique a fait savoir être « très inquiet des garanties d’équité apportées lors du procès entraîné par ce dossier profondément perturbant ».
Après leur libération, les Israéliens qui avaient été accusés ont été accueillis en héros lors de leur retour au sein de l’Etat juif. S’ils n’ont pas nié avoir eu des relations sexuelles avec la jeune femme, ils ont clamé que ces dernières avaient été consenties.
Aucun d’entre eux n’a été cité comme témoin dans l’affaire.