Cinéma : Le concours de « Miss Hitler » ou l’antisémitisme au quotidien
Yael Roth, co-réalisatrice du court-métrage "Miss", évoque son projet et ses débuts prometteurs derrière la caméra

JTA — « Miss », un court-métrage qui a été diffusé sur Vimeo à Yom HaShoah, la Journée de commémoration de la Shoah, semble à première vue une version britannique de « Girls », de Lena Dunham : Deux jeunes femmes, Nina et Olive, partagent un appartement de Londres et paraissent entretenir une relation délicate.
Nina dit à Olive souhaiter prendre part à un concours de beauté sur internet et demande à sa colocataire, photographe, de réaliser quelques clichés dans ce contexte. A l’issue d’une séance photo, Nina s’absente et Olive jette un coup d’œil sur l’ordinateur de la jeune fille, découvrant que le concours auquel Nina veut se présenter n’est autre que le tristement célèbre « Miss Hitler » – un événement annuel néo-nazi rempli d’insignes SS. Certaines concurrentes au concours de beauté ont été arrêtées dans le passé.
Le titre de ce film de douze minutes et son intrigue se réfèrent à la manière dont l’antisémitisme peut pointer à la surface du quotidien. Yael Roth, co-réalisatrice du film, qui habite Londres, s’est entretenue avec la JTA de ses débuts prometteurs et de la façon dont le court-métrage met en lumière une forme choquante de l’antisémitisme contemporain.
Le film est dorénavant disponible gratuitement sur Vimeo.
JTA : Parlez-moi de vous et de ce qui vous a amenée à ce film.
Roth: J’ai grandi en Belgique, à Anvers, et j’y ai vécu jusqu’à l’âge de 18 ans. Ensuite, je suis partie en Israël pendant un an – j’avais pris une année sabbatique avant d’entrer à l’université – puis je suis allée à l’université. En fait, de formation, je suis dans les relations publiques et cela fait dix ans que je travaille dans ce secteur, en majorité pour l’industrie hôtelière. Une industrie qui a évidemment été frappée de plein fouet par la COVID.
Mais le cinéma est un domaine dans lequel j’ai toujours voulu travailler sans jamais le faire, si ce n’est dans le cadre de tel stage en particulier, de tel travail en particulier, en y touchant ça et là au fil des années… Puis, quand l’épidémie de COVID est arrivée, j’étais inscrite à une formation de six mois en réalisation cinématographique qui a été annulée. Et je me suis dit que personne ne ferait le travail à ma place – qu’il fallait que j’aie l’audace de faire un film. Et voilà donc mon premier court-métrage avec mon amie Ella [Marks], ma formidable partenaire de création qui a écrit le script et qui a assumé la réalisation avec moi – c’est comme ça qu’on a commencé.
Je présume qu’être Juive vous-même a quelque chose à voir avec le choix du sujet de votre film.
Pleinement, pleinement, à 100 %. Je ne cache pas que je suis Juive, je suis fière de l’être, j’adore Israël, tout ce qui se rapporte au judaïsme… C’était au mois de mai, l’année dernière, et je me demandais : « Quel film veux-tu réaliser ? Quel court-métrage, que tu pourrais par ailleurs également financer entièrement ? » et j’ai réfléchi : Qu’est-ce qui me paraissait intéressant ? Qu’est-ce que j’aimais ? et la réponse s’est imposée : Quelque chose qui serait éminemment juif.
Et je suis allée sur un site internet, The Jewish News, un site d’information du Royaume-Uni et le troisième ou quatrième article que j’ai vu en parcourant la page était… un titre, en gros, qui disait « La lauréate du concours de beauté Miss Hitler arrêtée ». J’ai commencé à lire l’article, et, vous savez, quand vous sombrez dans un trou noir et obscur sur internet ? Quelques heures plus tard, j’étais encore plongée dans cette histoire de concours de Miss Hitler.
J’étais choquée, en réalité. Je sais que l’antisémitisme est encore bien vivant, qu’il se porte bien – en particulier au Royaume-Uni avec la COVID – avec beaucoup de gens qui se raccrochent à internet, ça va très mal en ce moment. Mais là, je découvrais encore un nouveau niveau de folie.
Et j’ai donc trouvé cet article et en fin de compte, j’ai pensé que j’allais l’utiliser comme base de mon histoire.
Les concours de beauté vous intéressent-ils en général ?
Non, je n’éprouve aucun intérêt pour eux. Ce n’est pas quelque chose d’important en Belgique, en Europe – tout du moins pas dans l’environnement dans lequel j’ai grandi. Regarder « Miss Camaraderie », c’est ce qui, pour moi, s’est le plus rapproché de ce type d’expérience.
Quand le spectateur apprend la grosse révélation – qu’il s’agit, en fin de compte, du concours Miss Hitler – est-ce que nous devons alors croire qu’elle est une partisane totale du nazisme ? Ou s’agit-il plutôt d’une concurrente ambitieuse de concours qui manquerait d’une boussole morale concernant l’organisateur du concours ? Est-ce que vous avez voulu qu’il reste une ambigüité ou est-ce que vous avez souhaité que nous tirions nos propres conclusions ?
C’était là l’idée – que le spectateur réalise, d’une manière ou d’une autre, qu’elle-même est impliquée dans ce groupe néo-nazi.
Je présume que le titre « Miss » repose sur une double signification – en référence avec la manière dont nous pouvons manquer (miss en anglais) les choses ? J’ai remarqué le mot « miss » dans l’intertitre à la fin.
Oui. Je suis heureuse que vous l’ayez remarqué.
Avez-vous soumis votre court-métrage au circuit des festivals du film juifs ou autres ?
Je me concentre davantage sur les festivals juifs parce que, naturellement, c’est plus leur créneau, il est plus pertinent pour eux, mais je l’ai aussi présenté à deux autres festivals qui, je pense, peuvent l’apprécier.
Avez-vous pensé à le développer sous la forme d’un long-métrage ou a-t-il davantage sa place chez les courts-métrages ?
Nous en discutons. Ce qu’on voulait faire, ici, c’est sensibiliser – l’antisémitisme sur les réseaux sociaux est juste dingue sur internet. Et d’un point de vue éducatif, nous pensons que ce format est plus attrayant, plus drôle, une forme non-violente de transmettre une perspective différente.
Mais s’agissant de réaliser un long-métrage, là, c’est difficile de savoir.
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