Claire Golomb, survivante de la Shoah et pédopsychologue, décède à 95 ans
Née à Francfort, elle part en Israël en 1948 et sert dans l'armée avant d'immigrer avec son mari aux États-Unis, où elle étudie la façon dont les enfants discernent rêve et réalité
JTA – Claire Golomb avait 10 ans et vivait à Francfort, en Allemagne, lorsqu’un matin, des coups violents ont été frappés à sa porte.
Les nazis étaient venus chercher son père. Elle, sa mère et sa sœur aînée se sont alors réfugiées en Hollande, où elles sont restées cachées jusqu’à la fin de la guerre.
« On peut dire que je me suis réveillée en sursaut toutes ces années-là », a-t-elle confié dans un témoignage publié en 2008. « Je dirais que cela a marqué la fin de mon enfance, vers l’âge de 10 ans, et que j’avais une vision très réaliste de la situation. »
Si son enfance s’est arrêtée là, son intérêt pour la psychologie des enfants – en particulier leur créativité et leur intelligence dès le plus jeune âge – n’a jamais faibli. Après avoir déménagé en Israël, puis aux États-Unis, Golomb est devenue psychologue et spécialiste de la recherche. Ses travaux portent sur l’art des enfants, les jeux d’imagination, la construction d’histoires et le rôle du genre dans ces activités.
Dans des ouvrages tels que The Creation of Imaginary Worlds, publié en 2011, Golomb étudie la manière dont les enfants perçoivent la fantaisie et les faits réels et sont capables de faire la différence entre les deux.
« Être le maître d’un univers imaginaire (dans l’art, le jeu, les rêves et les histoires) est source de grande satisfaction, car cela donne des pouvoirs à l’enfant, permet d’exprimer des sentiments souvent mal compris, offre une compensation au sentiment d’impuissance ou de détresse, et procure la joie d’avoir inventé un monde à part entière », déclare-t-elle dans l’entretien qu’elle a accordé à l’éditeur du livre.
Claire Golomb, professeur émérite au département de psychologie de l’université du Massachusetts à Boston depuis plus de 40 ans, est décédée à son domicile près de Boston le 26 juillet. Elle avait 95 ans.
Lors de son interview, Golomb a établi un lien entre son enfance et son travail.
« Les événements de la Shoah et leurs conséquences sur ma famille et ma communauté ont sans aucun doute influencé ma décision de choisir une carrière orientée vers le bien public, un désir d’améliorer le monde d’une manière ou d’une autre », a-t-elle déclaré. « Parce qu’évidemment, je devais trouver un sens à ma vie et faire en sorte que le fait d’avoir survécu soit une réponse, une réponse positive à ce qui s’était passé, d’une certaine manière. Je ne pouvais pas simplement continuer ma vie, certainement pas avec l’état d’esprit que j’avais en termes de recherche de sens et de changement.
Claire Schimmel est née le 30 janvier 1928 à Francfort. Elle est la deuxième fille de Fanny Monderer Schimmel, femme au foyer, et de Chaskel Schimmel, homme d’affaires qui se consacrait à la lecture de la littérature hébraïque et à l’étude du Talmud.
Suite à l’arrestation de son père en octobre 1938, peu avant la Nuit de Cristal, au cours de laquelle les nazis et leurs collaborateurs ont brûlé et pillé les synagogues et les magasins juifs à travers l’Allemagne et l’Autriche, un évènement qui sera considéré comme le début de la Shoah, les femmes de la famille fuient aux Pays-Bas. Son père les y rejoindra, mais brièvement. Après l’occupation du pays par les nazis en 1940, il sera de nouveau été arrêté et envoyé dans un camp de concentration, où il sera tué.
À la fin de la guerre, après des années de clandestinité, Claire rejoint l’Organisation de la jeunesse sioniste et se consacre aux jeunes qui ont perdu leur famille. Elle arrive en 1948 dans ce qui allait devenir Israël – illégalement, pour les Britanniques chargés de l’immigration – et sert dans l’armée du nouvel État pendant environ un an. Elle vivra ensuite dans un kibboutz avant de s’inscrire à l’Université hébraïque, réussissant l’examen d’entrée alors qu’elle n’a pas terminé ses études secondaires aux Pays-Bas.
En Israël, elle rencontrera Dan Golomb, un survivant d’Auschwitz étudiant en chimie physique. Ils se marient en 1954 et déménagent peu après aux États-Unis. Dan y obtiendra une bourse postdoctorale à l’université Rutgers, dans le New Jersey, et Claire fréquentera la New School for Social Research, à New York.
Dan Golomb, professeur émérite en sciences de l’environnement, de la terre et de l’atmosphère à l’université du Massachusetts Lowell, est décédé en 2013. Mayana Golomb, leur fille, psychiatre, est décédée d’un cancer en 2006. Une deuxième fille, Anath Golomb, psychologue, vit à Durham, dans le New Hampshire.
Claire Golomb a étudié aux côtés de nombreux psychologues spécialisés dans une discipline où les chercheurs juifs, y compris les réfugiés d’Europe, occupaient une place importante, parmi lesquels Solomon Asch, Eugenia Hanfmann, Ulric Neisser et Abraham Maslow. Elle a été particulièrement influencée par Rudolf Arnheim, premier professeur de psychologie de l’art à l’université de Harvard.
En 1969, elle a obtenu son doctorat en psychologie à l’université Brandeis. Avant de rejoindre l’UMass Boston en 1974, elle a été professeur de psychologie au Wellesley College de 1969 à 1970. De 1971 à 1974, elle a été professeur adjoint à l’université Brandeis.
Tous les membres de sa famille maternelle ont été tués pendant la guerre. En octobre 2019, Golomb est retournée aux Pays-Bas pour assister à la pose de Stolpersteine, des pavés de mémoire en cuivre placés sur les trottoirs, commémorant quatre des membres de sa famille tués pendant la Shoah.
Interrogée sur l’influence qu’ont eue ses expériences pendant la guerre sur sa vie et sa carrière, Golomb a évoqué lors de l’entretien sa « volonté de remettre en question l’autorité, même l’autorité que je trouvais moi-même imposante ou impressionnante ».
« Cela a eu un effet beaucoup plus profond en termes de remise en question de l’autorité, et c’est ce que l’on pourrait dire que j’ai fait dans ma vie professionnelle », a-t-elle ajouté.