La président de Harvard, Claudine Gay, accusée de plagiat
Le comité a rejeté l'essentiel des allégations, portant sur 40 citations non attribuées. Les réactions à l'audition de la doyenne à propos de l'antisémitisme sur le campus sont mitigées
La doyenne de l’Université Harvard, la Dre Claudine Gay, fait face à des accusations de plagiat, ces dernières semaines, et a demandé que soient apportées des corrections à ses travaux universitaires, avec le soutien du conseil d’administration de l’université, qui l’a jusqu’ici innocentée de toutes formes d’actes répréhensibles.
Selon la Harvard Corporation, la plus haute instance dirigeante de l’université, les premières plaintes contre Gay ont fait surface fin octobre et ont récemment pris de l’ampleur, suite aux critiques formulées envers elle et deux autres présidentes de grandes universités pour des propos tenus ce mois-ci, lors d’une audition du Congrès consacrée à l’antisémitisme sur les campus depuis le conflit entre Israël et les terroristes du Hamas.
A la tête de la prestigieuse université américaine depuis juillet 2023, Gay a été interrogée sur la question de savoir si les appels au « génocide » contre les Juifs étaient contraires au code de conduite de Harvard, ce à quoi elle n’a pas clairement répondu, disant que cela dépendait du « contexte ».
La doyenne du MIT, Sally Kornbluth, et l’ex-doyenne de l’Université de Pennsylvanie, Liz Magill, ont répondu sensiblement de la même manière, ce qui a provoqué un tollé dans les rangs Républicains, comme chez les anciens élèves et donateurs, persuadés que les autorités de l’université ne défendent pas correctement les étudiants juifs confrontés à une forte augmentation des incidents antisémites depuis les attaques choquantes du Hamas du 7 octobre dernier, qui ont tué 1 200 personnes et fait 240 otages.
Magill a démissionné peu de temps après sa comparution devant le Comité de l’éducation et de l’emploi de la Chambre des Représentants : Gay a elle présenté des excuses et conservé son poste. Kornbluth reste également à la tête du MIT.
La Harvard Corporation a déclaré avoir pris connaissance des plaintes pour plagiat formées contre Gay il y a de cela deux mois à propos de trois de ses articles et de sa thèse de doctorat de 1997. L’organe directeur a précisé avoir étudié l’affaire et trouvé des « citations inadéquates », mais aucune trace de violation des normes de Harvard en matière de travaux de recherche.
Toujours selon la Harvard Corporation, Gay a demandé de son propre chef que soient apportées quatre corrections à deux de ses articles afin d’y insérer des citations et des guillemets omis dans les publications originales.
Cette semaine, Harvard a déclaré qu’il ne prendrait aucune mesure disciplinaire à son encontre suite à la plainte faisant état de plus de 40 cas de plagiat, a rapporté le Wall Street Journal.
Cette nouvelle plainte pour plagiat de la part de Gay abonde d’exemples d’emprunts présumés de phrases entières d’autres travaux, a rapporté mardi le Washington Free Beacon, site d’information conservateur. Selon cette source, l’auteur de la plainte – soumise de manière anonyme de crainte de harcèlement de la part de la communauté universitaire – serait un universitaire d’un autre établissement.
Un sous-comité du conseil d’administration de Harvard a relativisé l’importance de cette plainte, a rapporté jeudi le Wall Street Journal, affirmant avoir déjà examiné la plupart des accusations et blanchi Gay de toute forme de manquement.
Gay ajoutera des citations manquantes dans trois sections de sa thèse de doctorat, a déclaré l’école mercredi dans un communiqué qui a été compris comme signifiant que Harvard avait, cette fois encore, blanchi Gay de tout manquement.
La plupart des accusations portées dans cette nouvelle plainte avaient déjà été examinées, et les quatre nouvelles ont été jugées « sans fondement », a fait savoir le sous-comité de Harvard.
Un des exemples cités dans cette plainte est tiré de l’article de Gay intitulé « Entre Noirs et Blancs : la complexité des relations raciales brésiliennes », écrit en 1993 alors qu’elle était déjà diplômée de Harvard. A propos des centres de lutte contre le racisme au Brésil, Gay avait écrit qu’ils devaient « être formés dans les zones de travail, les villages, les prisons, les temples de candomblé et d’umbanda, les écoles de samba, les églises et les favelas ».
Selon la plainte, cette formule est tirée d’un essai de 1990 de David Conin publié dans le Journal of Black Studies. Il utilise exactement la même formulation avec l’ajout d’un mot, afoxés, après « écoles de samba ». Or, le travail de Conin n’est pas mentionné dans l’article de Gay, d’où les accusations de plagiat, manquement à l’éthique majeur dans le milieu universitaire.
L’auteur et militant conservateur Christopher Rufo a mis en évidence d’autres cas, comme le plagiat présumé de Gay, non seulement dans ses travaux de recherche, mais aussi dans les crédits de sa thèse de 1997.
Elle a remercié un autre chercheur de lui avoir enseigné « l’importance de recueillir de bonnes données et de les suivre là où elles mènent, sans crainte ni favoritisme », en utilisant la même phrase que Jennifer Hochschild, une autre universitaire de Harvard, avait utilisée pour remercier un autre chercheur dans les crédits de sa thèse. Hochschild avait également remercié le chercheur de l’avoir encouragée « plus que je ne le voulais parfois ». Gay a utilisé la même phrase pour remercier ses proches.
Un exemple plus récent est tiré d’un des travaux de Gay publié en 2017, intitulé « A Room For One’s Own ? » où elle déclare : « Pour prouver la mesure dans laquelle le parti au pouvoir fausse les financements, j’inclus l’interaction entre le parti détenteur du poste de gouverneur et la partialité du comté. »
Un essai de 2006 de Stephen Ansolabehere et James M. Snyder, Jr. contient presque exactement cette phrase, à l’exception d’une modification grammaticale de peu d’importance et du mot « nous » au lieu du « je », employé par Gay. Il parle également du « gouvernement de l’État » au lieu du bureau du gouverneur.
Gay est la toute première doyenne afro-américaine de Harvard. Selon certains de ses détracteurs conservateurs, qui n’apportent aucune preuve à leurs allégations, c’est en partie pour cette raison que le conseil d’administration de Harvard la soutient malgré les controverses qui l’entourent.
« L’Amérique sait que le maintien de Claudine Gay à son poste est intenable. Harvard a trop peur de l’extrême gauche pour défendre l’intégrité académique et morale », a écrit vendredi dans un article à propos des accusations de plagiat, Elise Stefanik, législatrice Républicaine qui avait interrogé Gay à propos de l’antisémitisme.
Lors de l’audience du 5 décembre dernier, Gay a témoigné avec ses homologues de l’Université de Pennsylvanie, Liz Magill, et du MIT, Sally Kornbluth. Toutes deux ont donné des réponses similaires aux siennes, soulignant l’importance du contexte des appels à commettre un génocide contre les Juifs pour qualifier ces appels de violation des codes de conduite des universités respectives.
Magill a démissionné le 10 décembre dernier, après avoir déclaré qu’elle « aurait dû » penser avant toute chose que l’appel à l’extermination des Juifs était « mauvais », une forme de « harcèlement ou d’intimidation ». Magill reste tout de même membre du corps professoral.
Suite au tollé provoqué par son témoignage, Gay a également tenté de s’expliquer dans une déclaration, le 6 décembre, disant : « Les appels à la violence ou au génocide contre la communauté juive, ou tout autre groupe religieux ou ethnique sont ignobles, ils n’ont pas leur place à Harvard, et ceux qui menacent nos étudiants juifs seront poursuivis. »
Kornbluth, du MIT, qui est juive, n’a pas présenté d’excuses.
Le 15 décembre, une majorité de la Chambre des Représentants des États-Unis a voté en faveur d’une résolution appelant Gay et Kornbluth à démissionner.