Comment des Juifs de diaspora ont découvert les attaques contre Israël
Le jour normalement joyeux de Simhat Torah, nombre de Juifs n'utilisent ni appareils électroniques ni téléphones. C'est le bouche-à-oreille qui leur a appris les tragiques nouvelles

Samedi matin, à son arrivée dans sa synagogue orthodoxe moderne de Livingston, dans le New Jersey, le rabbin James Proops a rencontré trois personnes qui l’attendaient de pied ferme : deux membres du comité de sécurité et un garde non juif.
« Je me suis approché et ils me regardaient… je voyais bien qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas », se rappelle Proops lundi. « C’est alors qu’ils m’ont dit : ‘Rabbi, vous ne savez pas encore, n’est-ce pas ?’ J’ai répondu : ‘Je ne sais pas quoi ?’ »
C’est ainsi que Proops a su quelles horreurs se déroulaient en Israël, l’attaque du Hamas et ses 900 Israéliens morts, ses blessés et ses otages, tous victimes d’une extrême brutalité.
C’est à lui qu’allait incomber la responsabilité d’annoncer à sa communauté la triste nouvelle : en effet, la synagogue de Proops, Suburban Torah, est orthodoxe et la majorité de ses fidèles s’interdisent d’utiliser des appareils électroniques le jour de Shabbat et le lendemain, qui correspondait à la fête juive de Sim’hat Torah. Cela voulait dire, souligne-t-il, que « la grande majorité des personnes venues à la synagogue ce matin-là n’avaient aucune idée de ce qui se passait. »
Proops a choisi le moment de l’office où la communauté récite une prière pour ceux qui ont besoin de guérison pour annoncer que de nombreux Juifs avaient été blessés. Il a donné un chiffre abasourdissant quoique bien deçà de ce qui allait advenir.
« La synagogue s’est plongée dans un silence absolu lorsque j’ai commencé à parler de ce qui se passait en Israël », a-t-il dit. « Je pouvais voir sur les visages le choc et la perplexité. »
Cette scène s’est déroulée un nombre incalculable de fois au cours du week-end. Pas en Israël évidemment, où les Juifs qui observent Shabbat et les autres fêtes ont été informés de l’attaque contre leur pays, samedi matin, par les sirènes d’alerte avertissant des tirs de roquettes, les alertes téléphoniques et le rappel des réservistes. Ils ont eu plus de détails samedi soir lorsque les fêtes de Sim’hat Torah et Shemini Atzeret se sont terminées en Israël et qu’ils ont rallumé leurs téléphones.

Mais dans le reste du monde, où les deux fêtes sont célébrées deux jours d’affilée, la prise de conscience a été plus tardive. Les Juifs orthodoxes en ont souvent été informés par des non-Juifs, qui leur ont donné des détails sur la catastrophe en cours dans ce pays où ils comptent amis et famille.
Avital Chizhik-Goldschmidt était en route pour donner un cours de Torah pour les filles en âge de faire leur bat mitzvah lorsqu’un membre de sa synagogue s’est approché d’elle.
« Vous ne savez pas ce qui se passe en ce moment. C’est vraiment terrible », lui a dit la femme.
« Je ne comprenais pas ce qu’elle me disait », se souvient Chizhik-Goldschmidt, ex-journaliste pour le New York Times et The Atlantic, aujourd’hui à la tête de la synagogue Altneu de New York avec son mari. En rejoignant sa classe, elle a réalisé que quelque chose de grave s’était passé.
« Il y avait des gens absolument partout, le lieu était comble », se souvient-elle. « On voyait sur leur visage qu’ils avaient vu des choses très traumatisantes. Qu’ils ne savaient pas comment gérer. Leur regard suffisait. »

Tout au long de la matinée, se rappelle Chizhik-Goldschmidt, plusieurs personnes sont venues la voir pour lui dire qu’elle ne savait pas ce qui se passait.
« J’ai compris à ce moment-là que c’était plus que des tirs de roquettes ». « C’est très étrange d’être dans la peau d’un observateur : vous êtes en quelque sorte dans une bulle presque hermétiquement fermée, à la fois dans le temps et l’espace. »
Vivre à New York, explique Chizhik-Goldschmidt, fait que l’on est en contact avec beaucoup de personnes au courant de ce qui se passait, qui avaient vu les informations. Elle commence alors à entrer dans les magasins à la recherche d’informations. Elle parle à son portier. Au moment du kiddouch, à la synagogue, elle parle avec les serveurs, leur demandent en espagnol combien de personnes sont mortes.
« C’était comme avant, quand les nouvelles circulaient par le bouche-à-oreille, et que l’on ne savait pas ce qui était vrai », confie Chizhik-Goldschmidt. « J’ai entendu dire qu’il y avait eu un pogrom. J’ai entendu dire qu’il y avait eu un pogrom dans une autre ville. J’ai entendu dire qu’il y avait des Juifs. J’ai entendu dire qu’il y avait eu des viols. J’ai entendu, j’ai entendu, j’ai entendu tellement de choses. Quel effroyable gâchis. … Malheureusement, tout était vrai, mais il était impossible de croire à ce moment-là que ces choses pouvaient vraiment arriver. »

Avi Rovinsky, qui fréquente une synagogue orthodoxe de Cleveland, a appris la nouvelle lorsque le rabbin en a informé la congrégation au milieu de la prière du matin samedi. La congrégation a interrompu ses prières pour réciter trois chapitres des Psaumes, la traditionnelle réponse juive aux tragédies. « Chaque fois que le rabbin parlait de la joie de la fête, tout le monde avait en fait le cœur brisé », confie Rovinsky.
Le rabbin Aaron Finkelstein d’Anshe Sholom B’nai Israel à Chicago l’a appris d’un fidèle israélien qui l’attendait à la synagogue avec une bouteille. Finkelstein a plaisanté, disant qu’il était bien trop tôt pour boire, avant de prendre conscience de ce qui se passait en Israël. Il en a ensuite informé sa congrégation pendant l’office, juste avant la prière de deuil de Yizkor, récitée quatre fois par an, dont ce samedi.
« Quel fardeau de partager pareille information », a-t-il déclaré.
Proops a obtenu des informations grâce à Debbie, l’ex-policière embauchée par la synagogue pour assurer la sécurité pendant le week-end, comme le font de nombreuses synagogues américaines.

Lorsqu’elle était encore policière, Debbie s’était rendue en Israël pour un stage de formation à la sécurité et avait été accueillie par la famille d’un policier israélien. Elle a appris très tôt, confie Proops, que son hôte avait été tué dans l’attaque de samedi.
« La femme qui se trouvait dehors pour nous protéger a ressenti la même chose que nous. Ce fut un moment très émouvant et douloureux », a-t-il déclaré.
Il y a eu un autre moment douloureux et anxiogène, a-t-il déclaré : à 19h15, le dimanche soir, lorsque les deux jours de fêtes ont pris fin.
« Je vais être honnête avec vous, je redoutais d’allumer mon téléphone. Parce que vous savez, 36 heures s’étaient écoulées depuis le début des attaques. Je n’avais aucune idée des nouvelles que j’allais trouver à propos de proches, amis, collègues ». « Avec appréhension, nous avons terminé l’office du soir avec quelques psaumes supplémentaires. Et il a fallu nous reconnecter avec le monde réel, pour dire les choses ainsi. »
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