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Comment des seniors juifs américains luttent contre l’isolement

La grand-mère de 88 ans de la réalisatrice Rachel Myers est la vedette d'un film qui a touché la corde sensible de ceux qui ont vu Wendy's Shabbat sur le net ou dans les festivals

Des personnes âgées de Sun City à Palm Springs, en Californie, se rassemblent pour le repas du Shabbat au fast-food Wendy's, comme on le voit dans le court-métrage "Wendy's Shabbat" (Autorisation : 3 Penny)
Des personnes âgées de Sun City à Palm Springs, en Californie, se rassemblent pour le repas du Shabbat au fast-food Wendy's, comme on le voit dans le court-métrage "Wendy's Shabbat" (Autorisation : 3 Penny)

Oubliés, la carpe farcie, le poulet rôti et la poitrine de boeuf. Des burgers, des frites et des nuggets de poulet sont les plats préférés de ces personnes âgés de Palm Springs, en Californie. Toutes se rassemblent le vendredi soir pour fêter l’arrivée du Shabbat juif dans l’une des franchises de « Wendy’s », qui offre des services de restauration rapide.

Au lieu de rester seuls dans leurs habitations, dans la communauté de retraités de Sun City, ces seniors vont chez Wendy’s, apportent des bougies, de la Hallah et du jus de raisin. Assis à une longue table dressée pour eux par les jeunes employés, ils récitent les prières traditionnelles accueillant le Shabbat, le Shabbat juif. Puis ils dégustent leur chili, leurs morceaux de volaille et bavardent là pendant deux heures.

Ce dîner de Shabbat inhabituel et cette communauté aimée sont dépeints dans un nouveau documentaire rempli de charme, « Wendy’s Shabbat », qui a été réalisé par Rachel Myers, la petite-fille de l’une des habitués de ce repas hors du commun dans un fast-food.

La star de ‘Wendy’s Shabbat’, Roberta Mahler, à gauche, et la réalisatrice Rachel Myers au festival du film juif d’Atlanta, au mois de février 2018 (Autorisation)

Myers, directrice artistique de 37 ans basée à Los Angeles, s’est rendue aux côtés de sa grand-mère, Roberta Mahler, à plusieurs de ces dîners et a pris des photographies.

« J’ai trouvé que c’était tellement adorable, doux, et dingue à la fois. C’est une tradition très agréable et originale », a expliqué Myers au Times of Israel.

Un ami producteur à qui Myers a montré les photos l’a encouragée à faire un film sur le groupe. Myers, qui n’avait jamais réalisé un documentaire, s’est attelée à ce projet, recrutant sa mère Abby Mahler Myers comme productrice et filmant toutes les séquences de ce film de 10 minutes en deux jours au mois de décembre 2016.

Au grand plaisir de Myers, ce travail, fait avec beaucoup d’amour, a été accepté par plusieurs festivals du film, notamment par le festival international du film de Sedona, où il sera projeté à la fin du mois. Le film a eu sa première le 9 février au festival du film juif d’Atlanta, et un teaser du documentaire a été regardé presque 100 000 fois sur Viméo et sur YouTube où il est hébergé.

La fondatrice du groupe du Shabbat chez Wendy’s, Sharon Goodman, apparaît dans le film. Elle se dit sidérée par l’ampleur des réactions positives au documentaire.

« Et vous m’appelez depuis Israël ? », s’est-elle exclamé avec incrédulité lorsque ce journaliste l’a contactée par téléphone.

Goodman et son époux, qui se sont installés à Sun City après avoir quitté Los Angeles il y a 14 ans, avaient décidé d’inviter un autre couple à se rendre au fast-food avec eux, un vendredi soir, il y a cinq ou six ans.

« On était assis au bord de la piscine un vendredi soir, sans savoir où nous pourrions aller. Nous ne sommes pas des gens fantaisistes et nous nous sommes dit que nous pouvions aller chez Wendy’s », raconte Goodman dans le film.

Goodman a mis au point l’idée d’organiser des dîners du Shabbat communautaires avec le gérant de Wendy’s, un établissement situé à cinq minutes de Sun City. Et c’est ainsi que tout a commencé.

« Quelqu’un amène toujours le dessert, et nous apportons la challah et du jus de raisin – parce que le vin n’est pas permis », explique encore Goodman.

Les bénédictions au-dessus des bougies dans ‘Wendy’s Shabbat.’ (Autorisation : 3 Penny)

Depuis des années, le groupe allume aussi de vraies bougies de Shabbat, même s’il utilise depuis une période récente des modèles électriques achetés dans un magasin.

« Nous disons les bénédictions à six puis tout le monde est le bienvenu pour nous rejoindre », raconte Goodman.

Myers communique l’importance du rituel de Shabbat chez Wendy’s – plus que son caractère bizarre – en faisant de Mahler, 88 ans, la protagoniste de son film. Myers offre un aperçu de la vie de sa grand-mère, mettant en exergue l’isolement des anciens.

Certaines scènes tournées dans l’habitation de Mahler la montrent le matin, au lever. Dans ses vêtements de nuit, sans fards, pas coiffée, elle fait son lit.

« Je fais mon lit tous les jours parce que j’ai le sentiment que si on ne le fait pas, on commence à perdre ce qu’on est supposé faire », dit Mahler.

Myers explique avoir pris soin de ne pas montrer sa grand-mère sous un angletrop vulnérable dans le documentaire.

« Elle dit les choses telles qu’elles le sont. Elle est vraie et elle est honnête. J’ai eu un petit choc lorsqu’elle a été interviewée à la caméra, et j’ai senti que je devais la protéger pendant le montage », commente Myers.

Roberta Mahler à Sun City dans sa voiturette de golf avec son chien Manzie dans ‘Wendy’s Shabbat.’ (Autorisation : 3 Penny)

Mahler, qui a perdu son époux, Jack, il y a une décennie après 57 ans de mariage, a indiqué au Times of Israel qu’elle s’efforce d’assister au Shabbat chez Wendy’s tous les vendredis.

« La seule exception réelle, c’est quand je ne suis pas à Sun City parce que je suis allée rendre visite à mes enfants. C’est devenu un lien familial. Quand on est seule, cela vous permet de faire partie d’un groupe. Je suis impatiente d’être au vendredi pour voir tout le monde », a-t-elle noté.

A Atlanta, Mahler a posé sur le tapis rouge aux côtés de sa petite fille et a profité de sa nouvelle renommée.

« Une femme est venue me voir et a demandé si on pouvait se prendre en photo ! », s’est-elle exclamé.

Malheureusement, tous ceux qui ont fait leur apparition dans le film n’ont pas vécu suffisamment longtemps pour voir sa première officielle. Cela a été le cas notamment du rabbin Isaiah Zeldin, fondateur du Temple Stephen Wise à Los Angeles, l’une des plus importantes congrégations réformées des Etats-Unis, qui s’est éteint au mois de janvier à l’âge de 97 ans.

« Pour cette raison, je suis vraiment heureuse que nous ayons pu avoir une projection anticipée et une réception organisée au club-house de Sun City l’été dernier », a affirmé Myers.

Comme on peut s’y attendre pour des septuagénaires, des octogénaires et des nonagénaires, les membres du groupe du Wendy’s ont changé avec le temps.

« Nous avons perdu des amis et nous en avons gagné d’autres », dit Goodman.

Ce qui reste constant est le sens de la communauté recréée tous les vendredi dans ce fast-food.

« Cela concerne notre appartenance à notre patrimoine juif. Peu importe comment on procède », a dit Mahler.

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