Comment la tournée de Richard Falk au Royaume-Uni a pris fin plus tôt que prévu
Après la tenue d'une conférence agitée dans un établissement d'enseignement supérieur, la tournée de promotion du livre d'un rapporteur spécial de l'ONU qui avait accusé Israël de 'nettoyage ethnique' et 'd'apartheid' a connu une fin précoce à Londres
LONDRES — Une tournée de conférences du professeur Richard Falk sur des campus anglais a récemment connu une fin précoce, lorsque l’université du Middlesex a annulé son intervention prévue mercredi.
Ce cycle de conférences avait été organisé pour la promotion du livre « Palestine’s Horizon: Towards a Just Peace » (« L’horizon de la Palestine : Vers une paix équitable »). Falk est un ancien enquêteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme au sein des Territoires palestiniens, ardent critique d’Israël et des Etats-Unis. Né à New York dans une famille juive, Falk est professeur émérite de droit international à l’université de Princeton.
Falk est arrivé au Royaume-Uni après un affrontement majeur portant sur un rapport qu’il avait co-écrit au nom de la Commission économique et sociale pour l’Asie de l’ouest (ESCWA), qui concluait qu’Israël imposait un « régime d’apartheid » aux Palestiniens.
Après des protestations d’Israël et de l’ambassadrice américaine aux Nations unies, Nikki Haley, le rapport a été désavoué par le secrétaire général de l’ONU et retiré du site de l’ESCWA, provoquant la démission de Rima Khalaf, président de l’ESCWA. Haley a qualifié Falk, lors de cet incident « d’individu qui a répété sans relâche des commentaires partiaux et profondément offensants envers Israël et épousé des théories conspirationnistes ridicules ».
Middlesex, dont le campus se trouve au coeur de la communauté juive, à l’ouest de Londres, a invoqué des raisons de sécurité pour justifier l’annulation de l’événement où Falk – dénoncé à trois reprises par le gouvernement britannique pour antisémitisme – devait intervenir à la faculté de droit.
En 2012, le Foreign office britannique avait déjà condamné Falk pour avoir donné son approbation à un livre fortement antisémite qui dépeignait les Juifs comme des nazis et se demandait si « Hitler n’avait pas eu finalement raison après tout ».
En 2011, le Premier ministre alors en place David Cameron avait « condamné avec force » la publication par Falk d’une caricature antisémite. L’image publiée par Falk sur son blog montrait un chien portant une kippa urinant sur une représentation de la justice et dévorant un squelette sanguinolent.
Falk avait été publiquement réprimandé par l’ancien secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon en 2011 pour avoir suggéré que les attentats terroristes du 11 septembre avaient été orchestrés par le gouvernement américain. Il avait aussi attribué les explosions à la bombe survenue lors du marathon de Boston à la « domination américaine » et à « Tel Aviv ».
L’Autorité palestinienne avait par ailleurs tenté de le faire expulser de l’ONU en raison de sa glorification du Hamas.
Falk devait prendre la parole à l’université d’East London (UEL), mais l’établissement a également déprogrammé cette intervention.
Un porte-parole de l’université a expliqué que cette dernière « a pris la décision difficile d’annuler la soirée de promotion du livre du professeur Richard Falk qui devait avoir lieu le 21 mars sur le campus de Stratford. Il nous est très clairement apparu, la veille de cet événement, que la politique des intervenants extérieurs telle qu’elle est définie par l’université n’a pas été suivie de manière appropriée ».
L’université a dit être « un environnement inclusif et diversifié », qui accueille de nombreux événements et intervenants. Elle « croit fortement que les universités doivent être un lieu de débat et de libre expression. Nous pourrions accueillir le professeur Falk à l’avenir sur notre campus si les politiques et les procédures adéquates sont respectées », a ajouté le porte-parole.
Comment réagirait l’UEL si toutes les procédures étaient correctement suivies ? L’université s’est refusée à faire d’autres commentaires.
Derrière ces annulations se cachent une action effrénée de la part de la communauté juive après la tenue d’un événement tumultueux à la London School of Economics (LSE), au cours duquel des étudiants juifs ont été pris à partie verbalement. Un des partisans de Falk aurait également dit aux étudiants de lire les travaux du tristement célèbre négationniste de l’Holocauste, David Irving.
Des militants pro-Israël ont également été renvoyés de la salle dans un contexte de grande agitation.
Cet événement du LSE avait été organisé par l’université avec le soutien du Caabu (Council for the Advancement of Arab-British Understanding), considéré comme un groupe de lobby palestinien plus modéré. Son directeur Chris Doyle a interviewé Falk sur son livre dans lequel il clame que Jérusalem a subi un « nettoyage ethnique ».
‘Ce professeur a jeté son intelligence et son intégrité à la rivière’
Mary Kaldor, professeur de gouvernance internationale à la LSE, a d’abord indiqué que Falk était « un très vieil ami ». Son discours d’introduction, qui a donné le ton de l’événement dans sa globalité, a laissé suggérer que le rejet par l’ONU du rapport récent de Falk était « la dernière variante » d’un conflit portant sur la libre expression et Israël, explique le blogueur David Collier, présent lors de la conférence.
Kaldor a déclaré à l’auditoire qu’elle se sentait « profondément honteuse, au nom de la LSE, qu’il y ait des gens qui viennent à une réunion de ce type et qui se comportent d’une telle manière… Cela illustre totalement combien il est inacceptable que la libre expression soit ainsi compromise dans ce pays à mes yeux ».
Elle a ajouté que les agitations prouvaient la justesse du point de vue de Falk – que les partisans d’Israël « attaquent dorénavant le messager ».
Collier s’insurge ensuite en dénonçant le fait que Kaldor « se soit sentie contrainte d’annoncer sa ‘honte’ face à la manière dont les Juifs présents sur place ont dû faire face aux incitations. Ce professeur a fait fi de son intelligence et de son intégrité et peut dorénavant être comptée comme un des êtres humains les plus stupides de la galaxie ».
Dans la soirée de lundi, l’Israël society de l’école d’économie a publié un communiqué sur les médias sociaux affirmant qu’elle « avait été consternée par le traitement des étudiants juifs ».
‘Nous sommes convaincus qu’il faut encourager le libre échange des idées dans une atmosphère de respect mutuel’
“Il est complètement inacceptable que les étudiants juifs aient dû subir de tels commentaires durant la conférence d’aujourd’hui », ajoutait le communiqué. « Nous attendons que l’université prenne des mesures fortes pour garantir le bien-être et la sécurité des étudiants juifs au sein de la LSE ».
Un porte-parole de l’institution a indiqué que l’école « est convaincue qu’il faut encourager le libre échange des idées dans une atmosphère de respect mutuel, même sur des questions impliquant des points de vue profondément différents, comme la situation politique au Moyen Orient. »
« Comme dans tous ses événements publics, la LSE a pris des initiatives qui visent à protéger la liberté de parole dans le cadre de la loi et à engager un dialogue ouvert », a ajouté le porte-parole.
Dans la matinée de mardi, Middlesex avait déclaré au Times of Israel que la rencontre aurait bien lieu, à présent que l’établissement est satisfait du bon suivi des « protocoles » et affirme que l’université « s’engage au respect de la libre expression et à offrir aux étudiants un espace sécurisé pour explorer ces problèmes ».
Mais plusieurs heures plus tard, l’université a fait savoir qu’il y avait des « inquiétudes de type sécuritaire » qui entraînaient l’annulation de l’intervention de Falk à la faculté de droit.
‘La liberté de parole et la liberté universitaire sont fondamentales dans notre système de l’enseignement supérieur’
« La liberté de parole et la liberté universitaire sont fondamentales dans notre système de l’enseignement supérieur et il revient finalement à une institution d’évaluer les risques associés à un événement et à décider s’il doit être maintenu », a expliqué un porte-parole du ministère de l’Education au Times of Israel.
« Nous attendons de la part des institutions de l’enseignement supérieur qu’elles présentent des politiques claires pour les événements autorisant l’échange et le débat, mais nous affirmons avec force que la haine, le racisme ou la discrimination comme l’antisémitisme n’ont pas leur place dans la société. »
Le porte-parole a ajouté que le ministre des Universités Jo Johnson, frère du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Boris Johnson, avait « répété cela dans un courrier adressé à Universities UK et au Guild of Higher Education au début de l’année. »
Mais le président du Conseil des représentants des Juifs britanniques Jonathan Arkush a indiqué qu’il « était loin d’être certain que les étudiants Juifs étaient en sécurité là où Falk intervient. Le Conseil des représentants a fait parvenir à la LSE et à la faculté du Middlesex un dossier répertoriant les propos antisémites de Falk.
« Richard Falk est célèbre pour ses commentaires antisémites… Il a accusé tous les Juifs d’être collectivement responsables de la souffrance du peuple palestinien », a expliqué Arkush.
« Il est totalement inacceptable qu’il ait été invité par la LSE et l’université de Middlesex pour aider à propager ses mensonges et ses calomnies. Les appels à la liberté d’expression ne sont pas valables lorsqu’un intervenant va probablement répéter les fameuses calomnies antisémites de Falk », a ajouté Arkush.
La Campagne contre l’Antisémitisme a porté officiellement plainte contre les interventions de Falk à la LSE et au Conseil de l’Education supérieur. Elle a fait savoir que Falk n’aurait jamais dû être considéré comme un intervenant potentiel.
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