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Analyse

Comment le gouvernement pourrait changer la politique sur le mont du Temple

Le leader d'extrême-droite est un défenseur de longue date de la prière juive sur le mont du Temple et les activistes espèrent qu'il tiendra ses promesses sur cette question

Jeremy Sharon

Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.

Itamar Ben Gvir, membre de la Knesset, visite l’enceinte du Mont du Temple, escorté par des policiers le 31 mars 2022 (Crédit : Capture d’écran Facebook utilisée en vertu de l’article 27a de la Loi sur le droit d’auteur)
Itamar Ben Gvir, membre de la Knesset, visite l’enceinte du Mont du Temple, escorté par des policiers le 31 mars 2022 (Crédit : Capture d’écran Facebook utilisée en vertu de l’article 27a de la Loi sur le droit d’auteur)

Le député Itamar Ben Gvir, leader d’Otzma Yehudit, est un défenseur notoire des droits des Juifs sur le mont du Temple de Jérusalem où les activités des non-musulmans – y-compris le droit à la prière – sont strictement limités.

Le chef d’extrême-droite et son parti devraient être une composante cruciale de la coalition au pouvoir mise en avant par Benjamin Netanyahu. Dans ce cadre, Ben Gvir a réclamé le portefeuille de la Sécurité intérieure, un rôle qui lui donnerait toute autorité sur les politiques israéliennes qui sont mises en place sur le mont du Temple. Dans cette mesure, quels changements le nouveau gouvernement pourrait imposer aux arrangement déjà décidés en ce qui concerne le lieu saint ?

Au cours des deux dernières décennies, des organisations activistes ont prôné un renforcement des droits des Juifs sur le mont du Temple – le lieu le plus saint du judaïsme et, parce qu’il accueille la mosquée Al-Aqsa, l’un des sanctuaires les plus sacrés de l’Islam aux yeux des musulmans.

Le mont du Temple se trouve aussi au centre des revendications territoriales d’Israël et des Palestiniens, et les actions des forces de sécurité et des politiciens israéliens sur le site ont, à plusieurs occasions, entraîné des épisodes de violence intense avec les Palestiniens. Israël a élargi sa souveraineté sur le mont et sur le reste de la Vieille Ville quand l’État juif a capturé Jérusalem-Est et la Cisjordanie, alors entre les mains des Jordaniens, en 1967. Mais le pays a permis au Waqf (le trust jordanien) de continuer à administrer ses lieux saints, déterminant que les Juifs pourraient se rendre sur le mont du Temple mais qu’il leur serait interdit d’y prier.

Ben Gvir est fréquemment allé, depuis de nombreuses années, sur le mont du Temple et d’autres membres de son parti – et de la formation HaTzionout HaDatit, à laquelle Otzma Yehudit est allié – sont, comme lui, de fervents défenseurs de l’élargissement des droits des Juifs dans le lieu saint et ils sont partisans du contrôle israélien du site.

Les 14 sièges obtenus par l’alliance HaTzionout HaDatit-Otzma Yehudit vont donner à Ben Gvir et à ses alliés une influence qu’ils n’avaient pas jusque-là. Ben Gvir a déclaré, durant sa campagne électorale, que les Juifs méritaient de bénéficier de l’égalité des droits sur le mont.

Un Juif prie sur le mont du Temple de Jérusalem, le 19 juillet 2021. (Crédit : Jeremy Sharon)

C’est la police israélienne qui, de manière cruciale, détermine la politique en matière de prière juive et d’heures de visite sur le mont du Temple. Si Ben Gvir est nommé ministre de la Sécurité intérieure, que c’est lui qui a la responsabilité de superviser la police, c’est lui qui détiendra, dans les faits, l’autorité nécessaire pour prendre de telles décisions.

Si la Haute cour de justice a affirmé le droit des Juifs à prier sur le mont, elle a estimé que la police avait le droit de restreindre ce droit s’il apparaissait que l’autoriser était susceptible de mettre en danger la sécurité publique.

En résultat, les forces de l’ordre ont imposé une interdiction pure et simple de la prière juive et de l’utilisation d’objets rituels – châle de prière ou phylactères – sur le mont, conformément à l’accord de statu quo signé entre Israël et la Jordanie en 1967.

L’agenda des activistes

Avant les élections générales, l’organisation Beyadenu, qui prône les droits des Juifs sur le mont du Temple, a présenté une liste de dix initiatives visant à élargir les droits des Juifs et à imposer un plus grand contrôle israélien au lieu saint aux candidats aux Primaires du Likud et de HaTzionout HaDatit.

Des Juifs prient en quorum sur le mont du Temple de Jérusalem, le 19 juillet 2021. (Crédit : Jeremy Sharon)

La liste du groupe Beyadenu, intitulée « Les dix principes vers la souveraineté sur le mont du Temple », comprend l’octroi aux Juifs de la liberté de culte sur le mont du Temple et l’ajout du site sur la liste des lieux saints israéliens tels qu’ils sont définis dans la Loi pour les lieux saints.

Parmi les autres « principes », l’étude du mont du Temple dans les programmes scolaires ; la liberté de déplacement pour les Juifs sur le mont ; la prévention de la destruction d’artéfacts archéologiques sur le site ; des heures de visite égalitaires entre Juifs et musulmans et l’ouverture du site pour les Juifs à Shabbat, lors des fêtes et le soir ; la capacité, pour les Juifs, d’entrer sur le mont par plus d’une seule porte ; l’établissement d’une agence gouvernementale chargée de l’administration des lieux ; la pose d’une signalétique à l’entrée du site et la modernisation de la porte des Maghrébins , qui est actuellement la seule voie d’accès au mont ouverte aux non-musulmans.

Tom Nisani, directeur de l’organisation Beyadenu qui est l’un des principaux groupes activistes qui consacrent leurs activités au mont du Temple, a déclaré que même si plusieurs initiatives figurant sur la liste nécessitaient du temps avant d’être pleinement mises en œuvre, des politiques comme le droit à la prière publique, l’allongement des heures de visites pour les Juifs et la prévention de la destruction d’artéfacts pouvaient être mis en vigueur sans délai.

Nisani a aussi fait part de son espoir de voir une synagogue établie à l’avenir sur le mont du Temple, d’abord au sein d’une structure préexistante et ensuite dans un nouveau bâtiment construit à cet effet.

Il a toutefois reconnu qu’un tel objectif prendrait du temps.

Selon Beyadenu, plusieurs membres de HaTzionout HaDatit et du parti du Likud ont approuvé les principes soumis par l’organisation.

Dans le passé, le député Bezalel Smotrich, chef de HaTzionout HaDatit, avait appelé à la création d’une synagogue sur le mont du Temple, même si lui-même ne s’y rend pas.

Avent les élections générales de mardi, Ben Gvir a répété son appel en faveur de l’égalité des droits pour les Juifs sur le mont du Temple.

« Il y a un problème de racisme sur le mont du Temple qui contrevient au statu quo« , a-t-il dit au Times of Israel, soulignant les grandes différences entre les créneaux de visite proposées aux Juifs et l’accessibilité des musulmans.

« Un Juif qui prie sur le mont du Temple se fait arrêter », a-t-il ajouté. « Pourquoi les Arabes sont-ils autorisés à prier et pourquoi est-ce que la prière est interdite aux Juifs ? C’est du racisme anti-juif. Je veux l’égalité des droits. Que les droits des Juifs pâtissent simplement parce qu’ils sont des Juifs est impossible ».

Opposition ultra-orthodoxe

Si la prière juive à voix haute est encore interdite, la prière silencieuse et sans objets rituels a été autorisée par la police, ces dernières années – ce qui marquait déjà un changement par rapport aux politiques antérieures.

Ce changement avait eu lieu pendant le mandat de Gilad Erdan, ministre de la Sécurité intérieure entre 2015 et 2020, dans deux gouvernements placés sous l’autorité de Netanyahu.

Le ministre de la Sécurité intérieure, Gilad Erdan, dans un portrait le montrant surplombant le mont du Temple et le Dôme du rocher dans la Vieille Ville de Jérusalem, le 27 juin 2018. (Crédit : Hadas Parush/Flash90)

Erdan avait pris plusieurs initiatives visant à alléger les restrictions posées sur les droits des Juifs sur le mont du Temple, avec notamment la nomination d’un commandant de la police du district de Jérusalem favorable aux demandes émanant des groupes et des activistes.

Un facteur susceptible d’empêcher le prochain gouvernement de mettre en œuvre l’agenda des organisations du mont du Temple est la présence, dans la coalition, des partis ultra-orthodoxes, qui sont farouchement opposés à la présence des Juifs sur le site.

Le Shas et Yahadout HaTorah ont tous les deux attaqué activement Ben Gvir, pendant la campagne, pour sa défense des visites juives dans le lieu saint.

Le chef du parti Shas, Aryeh Deri, avec ses partisans à l’annonce des résultats des élections israéliennes à Jérusalem, le 1er novembre 2022. (Crédit : Yossi Zamir/Flash90)

Netanyahu sera soucieux de modérer les ardeurs de ses partenaires de coalition sur cette question incendiaire.

Un changement spectaculaire du statu quo sur le mont du Temple entraînera une grave crise diplomatique avec la Jordanie, dont le statut officieux de tuteur des lieux saints musulmans à Jérusalem – et de la mosquée Al-Aqsa et du Dôme du rocher en particulier – est déterminant pour la légitimité du régime hachémite à la tête du pays.

Netanyahu est aussi parfaitement conscient que les actions israéliennes sur le mont du Temple ont entraîné, à de nombreuses occasions, des éclats de violences intenses.

Les émeutes survenues au mois de mai 2021 et de la guerre à Gaza avait été en partie déclenchées par les actions policières entreprises contre des manifestants palestiniens sur le site – les agents étaient notamment entrés dans la mosquée Al-Aqsa – tandis que la visite effectuée sur le mont du Temple par feu le Premier ministre Ariel Sharon, en l’an 2000, avait été le catalyseur d’une déferlante d’attentats terroristes commis contre les Israéliens par des Palestiniens pendant la Seconde intifada.

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