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Comment le leader des républicains en Israël a appris à aimer Trump

Trump ne devrait pas devenir président, avait déclaré Marc Zell il y a huit mois. Maintenant, il chante les louanges du candidat, et accuse les Clinton d'avoir violé le public américain

Raphael Ahren est le correspondant diplomatique du Times of Israël

Marc Zell, le co-président des républicains en Israël, dans son bureau à Jérusalem, le 23 août 2016 (Photo: Raphael Ahren / Times of Israel)
Marc Zell, le co-président des républicains en Israël, dans son bureau à Jérusalem, le 23 août 2016 (Photo: Raphael Ahren / Times of Israel)

En 1992, Marc Zell, qui venait de créer la branche israélienne des républicains à l’étranger, se révolta publiquement contre le parti. Il estimait que James Baker, le secrétaire d’Etat de George Bush, était un antisémite qui traitait Israël comme un paillasson. Plutôt que de voter pour un second mandat de Bush, Zell a soutenu Bill Clinton.

« Je suis désolé de l’avoir fait, parce que Clinton s’est avéré être un désastre pour Israël. Mais à cette époque Clinton a dit qu’il ne s’intéressait pas à la politique étrangère, » a rappelé Zell cette semaine.

La campagne présidentielle de 2016 a également présenté un dilemme pour Zell. Pendant les primaires républicaines, Zell a soutenu le sénateur de Floride Marco Rubio, et a soutenu que Donald Trump manquait de tempérament pour être président. Mais maintenant, alors même que la campagne du magnat de l’immobilier attire de plus en plus la controverse, Zell soutient Trump.

En décembre, Zell avait déclaré : « Les électeurs comprennent que pour diriger les États-Unis, vous avez besoin d’une personne qui en sait plus que la meilleure façon de vendre des produits, avec tout le respect dû à Donald Trump, et tout ce qu’il a accompli dans sa carrière … A mon avis , il ne peut pas être le président des États-Unis ».

Huit mois et une nomination présidentielle républicaine en faveur de Trump plus tard, Zell, un avocat international basé à Jérusalem, chante un air différent. Toujours pas emballé par le comportement souvent impetueux de Trump, Zell soutient le candidat et défend son choix en faisant une distinction entre le personnage public et sa politique.

Qu’est ce qui transforme un opposant en un fervent partisan ?

Dans un premier temps, a admis Zell dans une interview, il a dû faire face au succès inattendu du milliardaire de New York. « Je me suis dit, après l’avoir attaqué dans les primaires, comment puis-je le représenter, lui et le parti, dans les médias et ailleurs ? »

Zell est allé jusqu’à presenter sa démission – à la fois en tant que président des Républicains en Israël et en tant que vice-président des Républicains de l’étranger. Mais les conseils d’administration des deux organisations ont refusé. « Cela m’a forcé à composer avec la situation. »

Zell, qui a grandi dans les environs de Washington et a immigré en Israël en 1986, a expliqué son changement dramatique en citant le modèle Kübler-Ross, qui décrit les différentes étapes dans le deuil.

« Je suis passé par un processus qui était assez semblable à un processus de deuil : Vous refusez d’admettre, puis vous êtes en colère et déprimé, et finalement vous arrivez à l’accepter, » a-t-il dit. « Et comme je suis passé par ce processus, j’ai appris quelques petites choses qui m’ont aidé à changer d’avis. »

Le fait que Trump a recueilli plus de voix aux primaires que tout autre candidat dans l’histoire du parti républicain, remportant 37 Etats et battant les 16 autres candidats en lice, figure en tête de la longue liste de Zell pour expliquer sa volte-face. « Tout d’abord, les gens ont parlé, et ils ont parlé d’une manière non équivoque, » a-t-il dit au Times of Israel dans son bureau au 15e étage d’un building au centre de Jérusalem, avec un pin ‘Trump 2016’ brillant sur son revers.

Le candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump, pendant un meeting de campagne à North Charleston, en Caroline du Sud, le 19 février 2016. (Crédit photo: Jim Watson/AFP)
Le candidat républicain à la présidentielle, Donald Trump, pendant un meeting de campagne à North Charleston, en Caroline du Sud, le 19 février 2016. (Crédit photo: Jim Watson/AFP)

Précisant que son changement d’avis n’était en aucun cas dû à l’opportunisme politique, mais plutôt à une véritable – quoique récemment trouvée – conviction, Zell a passionnément plaidé pour une présidence de Trump.

D’abord, il salue le soutien de Trump à Israël. Bien qu’ayant été initialement inquiet au sujet de la position du candidat sur le conflit israélo-palestinien, il dit maintenant qu’il n’a plus aucun doute que Trump sera meilleur pour Jérusalem que sa rivale démocrate Hillary Clinton. Plus précisément, Zell a cité la plate-forme républicaine, qui ne mentionne plus une solution à 2 Etats. « C’est un précédent historique par rapport aux plans plus édulcorés sur Israël, comme ceux des démocrates actuellement », a-t-il dit.

Lui-même habitant de l’implantation de Tekoa en Cisjordanie, Zell a jugé « brillant » le fait que son parti ait abandonné les appels pour un Etat palestinien. « Je suis contre les politiques irréalistes. Je suis contre essayer d’adapter une cheville carrée à un trou rond. Il n’y a pas de contexte dans lequel une solution à 2 Etats dans le monde d’aujourd’hui fonctionnerait ».

D’autre part, Zell s’emballe aussi sur Mike Pence, le colistier de Trump, en disant qu’il connaît personnellement Pence et peut attester de sa bonne foi dans ses opinions pro-israéliennes. La nomination de Pence était inattendue et pèse massivement en faveur de Trump, a-t-il fait valoir, en écho aux sentiments de nombreux Juifs républicains aux États-Unis.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) avec le gouverneur de l'Indiana Mike Pence à Jérusalem le 29 décembre 2014 (Crédit : Capture d'écran Facebook / Le Premier ministre d'Israël / GPO)
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu (à droite) avec le gouverneur de l’Indiana Mike Pence à Jérusalem le 29 décembre 2014 (Crédit : Capture d’écran Facebook / Le Premier ministre d’Israël / GPO)

Trump a également beaucoup mérité, a continué Zell, pour avoir mis sous les projecteurs de la campagne plusieurs sujets qui autrement n’auraient pas été évoqués, tels que l’immigration, les accords commerciaux de l’Amérique, et sa relation avec l’OTAN. « Voici un gars qui, juste par sa façon peu orthodoxe de faire campagne, a introduit ces sujets dans le débat public. C’est fantastique. Cela montre déjà sa capacité à influencer l’opinion publique et à changer l’ordre des choses ».

Trump est le seul à avoir reconnu la colère de l’électorat envers l’establishment politique, a ajouté Zell, diplômé de Princeton et de l’Université du Maryland. « Il l’a compris, instinctivement ou délibérément, et a surfé sur cette vague de mécontentement qui l’a mené à la victoire (aux primaires). »

Cela n’a rien à voir avec du populisme ou de la démagogie, a insisté Zell, qui a 8 enfants et 14 petits-enfants. « Le système a besoin d’être secoué, tant au niveau national qu’en politique étrangère. »

La candidate démocrate à la présidence Hillary Clinton lors d'un événement organisé par le parti démocrate le 25 juillet 2016 à Charlotte, en Caroline du Nord (Crédit : Justin Sullivan/Getty Images/AFP)
La candidate démocrate à la présidence Hillary Clinton lors d’un événement organisé par le parti démocrate le 25 juillet 2016 à Charlotte, en Caroline du Nord (Crédit : Justin Sullivan/Getty Images/AFP)

Un autre facteur qui fait pencher la balance en faveur de Trump est l’identité de son adversaire démocrate. Hillary Clinton, selon Zell, « a toute cette expérience, c’est vrai. Mais elle manque de jugement. » Zell a décrit l’ancienne secrétaire d’Etat comme incompétente, malhonnête et corrompue. Et il a accusé la famille Clinton de rien moins que de violer le public américain, citant des controverses impliquant la Fondation Clinton, les conférences publiques et lucratives de Bill Clinton, l’emploi de Chelsea Clinton, et d’autres : « C’est une entreprise familiale, et elle est très florissante. Mais ils reviennent à Washington, ces colporteurs d’influence, et ils vont en profiter, ils vont violer le peuple américain à nouveau », at-il dit. « C’est inacceptable. »

Lorsqu’on lui demande s’il veut vraiment utiliser ce mot, Zell a reconnu qu’il s’agit d’un terme fort, mais qu’il le maintient.

Deux Donald Trumps

Si l’opposition à Clinton est prévisible pour un républicain, comment se fait-il que Zell, qui, il n’y a pas si longtemps avait exprimé ses préoccupations tant sur la personnalité de Trump que sur certains aspects importants de sa politique, défende le candidat républicain au milieu des controverses qui l’entourent ?

La réponse de Zell : Il se peut que les propositions politiques apparemment scandaleuses de Trump n’ont pas été formulées avec beaucoup d’élégance, mais derrière elles on trouve toujours une bonne politique. (L’interview a eu lieu la semaine dernière, avant l’éruption de la tempête entourant les propos de Trump vus par certains comme un appel à la violence contre Clinton.)

‘En fait, il y a deux Donald Trump. Le personnage public, qui fonctionne selon une tactique de marketing. Et puis il y a le Donald Trump qui sait comment gérer une entreprise’

Par exemple, l’une des choses qui ont extrait Zell de son « processus de deuil » fut plusieurs discussions qu’il a eues avec des dirigeants du parti républicain qui s’étaient également initialement opposés à Trump mais qui, après l’avoir rencontré, lui ont finalement accordé leur soutien. Un sénateur a confié à Zell comment il avait été surpris de voir comment Trump s’était très bien préparé pour une réunion avec lui, l’avait écouté attentivement et lui avait posé des questions intelligentes. Pour Zell, « c’est totalement à l’opposé de l’image de Trump qu’a le public ».

En fait, il y a deux Donald Trump, a-t-il affirmé. « Il y a le personnage public, qui fonctionne selon une tactique de marque, de marketing, de campagne. Et puis il y a le Donald Trump qui sait comment diriger une entreprise. Il a connu des échecs, il a eu des succès, mais vous ne dirigez une entreprise qu’en écoutant. Vous devez écouter vos conseillers, vous devez prendre des décisions intelligentes. Voilà ce qu’il fait. »

Par exemple, il a fait valoir que la proposition de Trump à interdire aux Musulmans d’entrer aux États-Unis – ou de les « examiner minutieusement », comme le dit Zell – est simplement une copie de ce qui se passe quotidiennement en Israël. « Nous profilons. Quand on voit un Musulman venir en Israël ou quitter Israël, ils sont soumis à des interrogatoires spéciaux pour s’assurer qu’ils sont en ordre. Ce n’est pas du tout politiquement correct dans le contexte occidental. Mais ça marche ».

L’administration Obama ne veut pas aborder la question de front, ce qui met en danger des vies américaines, accuse Zell. « C’est tout simplement erroné. Il [Trump] dit : il faut agir autrement. Il a raison. Vous n’aimez pas la façon dont il le dit. Je suis désolé. Il ne le dit pas d’une manière particulièrement élégante. Mais il a raison à propos de singulariser ce groupe particulier de personnes et de les vérifier particulièrement pour faire en sorte qu’ils n’ont pas d’intentions terroristes ».

L’islam n’est pas une religion comme une autre, a poursuivi Zell, en faisant valoir que ce n’est « pas un hasard » que plus de 90 % des attentats terroristes récents ont été commis par des Musulmans. « Je n’ai pas aimé le ton de sa déclaration. Mais il a raison sur les Musulmans. Il a raison sur la nécessité de protéger la patrie contre cette menace ».

En refusant de parler de « l’islam radical », l’administration Obama ne reconnaît même pas la nature du problème, et a ainsi « contribué, fondamentalement, à l’existence de ce problème », a accusé Zell. Avec ses propos sur les Musulmans, Trump a simplement enoncé une vérité simple, a-t-il ajouté. « Maintenant, vous n’aimez pas la façon dont il exprime son point de vue ? Je vais vous dire quelque chose : Parfois je ne suis pas satisfait de la façon dont il exprime ses opinions. Mais il a fait en sorte que ces questions fondamentales fassent partie du débat ».

Donald Trump et son épouse, Melania, après le discours de cette dernière au premier jour de la Convention nationale républicaine, à Cleveland, le 18 juillet 2016. (Crédit : Alex Wong/Getty Images, via JTA)
Donald Trump et son épouse, Melania, après le discours de cette dernière au premier jour de la Convention nationale républicaine, à Cleveland, le 18 juillet 2016. (Crédit : Alex Wong/Getty Images, via JTA)

De même, Zell a defendu la promesse de Trump de construire une clôture et de la faire payer par le Mexique. On peut se demander si Trump parle d’un mur physique ou symbolique, mais l’idée derrière sa proposition – la nécessité d’arrêter l’afflux d’immigrants illégaux – est louable.

« C’est une belle image, » a dit Zell à propos de la proposition de barrière à la frontière. « Ce type, Trump, a un don incroyable pour se vendre. Parfois ce n’est pas forcément facile à entendre, mais il le fait, et il le fait de manière efficace. »

La ligne de défense de Zell pour tous les scandales de Trump fonctionne selon le même principe : Peut-être que cela ne sonne pas très juste, mais le gars est plus intelligent que vous pensez.

« Je ne parlerais pas de cette façon, » a-t-il confié, en référence à la rhétorique souvent agressive de Trump. « Ce n’est pas mon style. Je ne l’aime pas. Mais il y a l’autre Trump. Le type à la tête froide qui prépare ses devoirs, le décideur de derrière la scène. Voilà le Trump je ne connaissais pas « .

Qu’en est-il des dizaines de républicains de premier plan qui quittent le navire, dénonçant Trump et, dans certains cas, soutenant même Clinton ? Zell, qui n’a jamais rencontré le candidat républicain, a estimé que beaucoup de ceux qui avaient initialement appuyé d’autres candidats n’ont pas encore terminé leur processus de deuil. La plupart d’entre eux finiront par se raviser aussi, a-t-il prédit.

La désunion dans le camp républicain israélien

Pendant ce temps, Zell œuvre à convaincre les républicains en Israël de voter pour le candidat du parti, par une campagne sur le thème « Sortez voter » d’une ampleur sans précédent. Environ 50 personnes, rémunérées ou bénévoles, tentent actuellement de convaincre les indécis, dit-il.

La plupart des républicains en Israël ont initialement soutenu Rubio ou Ted Cruz, mais voteront pour Trump en novembre prochain, prédit Zell. Lors d’élections passées, entre 80 et 85 % des Américains d’Israël ont voté républicain (par opposition aux Juifs vivant en Amérique, qui votent massivement pour les démocrates,) mais il prévoit que le nombre risque cette fois d’être plus faible que d’habitude. « Il y a encore des gens qui ont besoin de câlins, » dit-il.

Kory (à gauche) et Philip Bardash lors du dîner annuel de Hanoucca de la Maison Blanche avec le président Bush et la Première Dame en 2012 (Facebook)
Kory (à gauche) et Philip Bardash lors du dîner annuel de Hanoucca de la Maison Blanche avec le président Bush et la Première Dame en 2012 (Facebook)

L’un d’eux pourrait être Kory Bardash, l’autre co-président de la section des républicains en Israël.

Interrogé sur son opinion sur Trump, Bardash a fourni au Times of Israel le communiqué suivant : « Je suis conscient du fait qu’il y a des électeurs républicains qui sont ambivalents au sujet de M. Trump comme candidat. Cependant, je recommande vivement qu’ils votent pour les candidats républicains à la Chambre et au Sénat. En ce qui concerne la politique économique et étrangère, un Congrès républicain peut garantir une meilleure législation. Trop d’élus démocrates se sont montrés hostiles envers l’économie de marché et Israël ».

L’animosité envers Hillaty Clinton pourrait représenter pour le parti une cause commune, mais, comme en témoigne la non-approbation de Bardash, concernant le candidat de leur propre parti, certains républicains israéliens doivent encore achever leur processus de deuil.

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