Convoquée pour une mise en examen, Le Pen refuse toujours d’être entendue par la justice
La présidente du FN estime que les conditions de "légalité", de "sérénité" et de "confiance" ne sont pas réunies pour qu'elle soit entendue
A sept semaines de la présidentielle, Marine Le Pen poursuit son bras de fer avec la justice : convoquée par les juges pour une possible mise en examen dans le dossier des assistants parlementaires du Front national (FN), la candidate a fait savoir qu’elle n’honorerait pas ce rendez-vous judiciaire.
La présidente du FN est convoquée vendredi prochain par les juges d’instruction du pôle financier, en vue d’une mise en examen pour abus de confiance, a appris l’AFP vendredi d’une source proche du dossier, ce qu’a confirmé son avocat, Me Rodolphe Bosselut.
Il lui serait notamment reproché d’avoir salarié en tant que députée européenne et avec des fonds de Bruxelles, sous le statut d’assistante parlementaire, l’une de ses plus proches collaboratices, Catherine Griset, alors que celle-ci exerçait des fonctions de chef de cabinet au siège du parti, à Nanterre.
Si la présidente du FN était entendue, elle pourrait sortir de l’audition comme témoin assisté, un statut plus favorable, à mi-chemin entre celui de témoin simple et de mis en examen.
Mais à la différence de François Fillon, qui promet de se rendre chez les juges le 15 mars dans l’affaire d’emplois fictifs présumés qui a plongé sa propre campagne dans la tourmente, Marine Le Pen a annoncé qu’elle n’honorerait pas cette convocation avant la fin des échéances électorales.
Dans un courrier transmis à la justice, dont des extraits ont été rapportés à l’AFP par une source proche du dossier, elle s’étonne d’être convoquée 40 jours avant l’élection. Elle dénonce des violations du secret de l’enquête, une instrumentalisation de l’affaire et estime que les conditions de « légalité », de « sérénité » et de « confiance » ne sont pas réunies pour qu’elle soit entendue.
Elle estime aussi que la procédure est « mal fondée ». A ses yeux, son activité de parlementaire ne doit pas être soumise au contrôle de l’autorité judiciaire, ajoute-t-elle, toujours selon la même source. Son argument fait écho à celui des avocats de François Fillon dans sa propre affaire.
Marine Le Pen se défend aussi de toute obstruction à la justice, a indiqué la source.
Une proche mise en examen
Contrairement à un justiciable ordinaire, les juges d’instruction n’ont pas la possibilité de contraindre la députée européenne à se présenter devant eux. Pour toute mesure de coercition, ils doivent d’abord obtenir la levée de son immunité auprès du Parlement européen, comme cela a été effectué jeudi dans un autre dossier, où il lui est reproché d’avoir diffusé des images d’exactions du groupe terroriste Etat islamique (EI) sur Twitter.
La candidate à la présidentielle avait déjà refusé de se rendre à la convocation des policiers de l’Office anticorruption de la police judiciaire (Oclciff) le 22 février, alors que deux de ses anciens assistants parlementaires, son garde du corps Thierry Légier et sa chef de cabinet Catherine Griset étaient placés en garde à vue.
Seule Catherine Griset, rémunérée comme assistante parlementaire de 2010 à 2016, avait finalement été mise en examen, pour recel d’abus de confiance. Le Parlement réclame environ 340 000 euros à Marine Le Pen pour ces salaires et ceux de Thierry Légier, qu’il considère indus.
Les juges d’instruction cherchent à savoir si le Front national a organisé un système plus large pour rémunérer des cadres ou employés du parti en France avec des fonds publics de l’Union européenne, via ces contrats d’assistants au Parlement européen.
En mars 2015, le président du Parlement européen de l’époque, le socialiste allemand Martin Schulz, avait saisi le gendarme antifraude de l’Union européenne (Olaf) et le parquet de Paris, après les élections européennes remportées en France par le FN, qui avait envoyé 24 des siens à Strasbourg.
La présence de 20 assistants parlementaires à des postes figurant dans l’organigramme du parti en France laissait supposer qu’ils étaient affectés à d’autres tâches que celles pour lesquelles ils étaient rémunérés.
« On ne peut pas être payé par le Parlement européen et travailler pour un parti », avait indiqué Martin Schulz.
Le parquet de Paris a mené une enquête préliminaire avant de confier le dossier aux juges d’instruction en décembre dernier.