Coronavirus : La Knesset va voter une loi limitant son propre contrôle
Des manifestants ont tenté de bloquer l'entrée du Parlement ; un compromis prévoit que la Knesset aura 24 heures pour approuver ou rejeter les mesures avant leur mise en vigueur
La Knesset devrait voter, mercredi, une loi très controversée accordant au gouvernement le pouvoir d’imposer des restrictions d’ampleur pour entraver la pandémie de coronavirus, et ce jusqu’au mois de juin 2021. Cette législation prévoit une limitation du contrôle du Parlement sur les décisions prises par la coalition et ôterait les pouvoirs d’une commission déterminante qui a rejeté plusieurs décrets du gouvernement dans la lutte contre la pandémie.
Des discussions marathon au sein de la Commission de la Constitution, du Droit et de la Justice se sont achevées, mardi soir, avec la conclusion d’un compromis : le texte de loi sera révisé de manière à ce que la Knesset – au lieu d’approuver ou de rejeter les régulations soumises de manière rétroactive – puisse disposer de 24 heures pour ce faire avant leur mise en oeuvre automatique.
Les législateurs de l’opposition auraient réclamé un prolongement de cette période, demandant qu’elle passe à 72 heures, pour permettre « un débat qui ait du sens », mais la coalition s’est opposée à cette demande.
Après la mise en vigueur des mesures de lutte contre le coronavirus imposées par le gouvernement, quatre commissions de la Knesset pourront approuver ou rejeter ces directives pendant une semaine ou deux en fonction de la nature de ces limitations.
Malgré les changements de dernières minute apportés à la loi, des manifestants anti-gouvernement sont arrivés aux abords de la Knesset et ont tenté d’en bloquer les entrées, affirmant que la nouvelle législation transformerait le Parlement en « simple tampon ». Quatre protestataires ont été arrêtés.
Après une longue nuit de manifestations à Jérusalem, au cours de laquelle 34 personnes ont été placées en état d’arrestation, les participants à ce mouvement se sont attachés à des piliers à l’aide de chaînes en métal, certains s’indignant que le gouvernement soit « en train de changer le système de gouvernance en Israël ».
Les députés avaient approuvé la législation d’origine le 7 juillet, permettant au gouvernement d’imposer dans un premier temps des restrictions justifiées par l’épidémie de coronavirus en ne sollicitant que dans un second temps l’approbation de la Knesset.
Ces mesures provisoires, en vigueur pendant un mois, avaient entraîné des luttes de pouvoir chaotiques avec notamment l’annonce par le gouvernement de la fermeture de certains pans de l’économie, que le Parlement israélien, prenant le contre-pied de ce dernier, avait décidé de rouvrir quelques jours plus tard.
Selon la loi, le gouvernement peut mettre en vigueur une directive qui ne pourra être abrogée seulement si la Knesset est dans l’incapacité de l’approuver ou qu’un vote à son sujet n’est pas organisé dans les sept jours. Auparavant, les décisions du gouvernement devaient nécessairement être approuvées par la commission du coronavirus à la Knesset ou un autre panel concerné.
Le conseiller juridique de la commission, Gur Bligh, a estimé que cette législation était problématique et sans précédent et que, même si elle était préférable à la version antérieure, « elle pourrait être encore améliorée » en prolongeant le délai offert à la Knesset pour débattre des directives décidées.
Après la discussion en commission, la législation devrait être votée en deuxième et troisième lecture en séance plénière de la Knesset – les derniers obstacles avant l’adoption pleine et entière de la loi.
Si elle est approuvée, la législation entrera en vigueur le 10 août, date d’expiration de la loi de substitution qui avait été adoptée au début du mois. Elle sera applicable jusqu’au 30 juin 2021 et elle permettra au gouvernement d’annoncer des mesures d’urgence qui pourront être imposées pour une durée allant jusqu’à 28 jours.
Selon la loi, le gouvernement n’aura pas le pouvoir d’empêcher des mouvements de protestation, des prières et autres cérémonies religieuses, mais il sera autorisé à établir des conditions à respecter entourant ce type d’événements. Une institution recevant l’ordre de fermer ses portes devra le faire dans les 72 heures, voire dans les 120 heures dans certains cas particuliers.
Une partie essentielle de la nouvelle législation a été définie pour parvenir à mettre à l’écart la députée du Likud Yifat Shasha-Biton, cheffe de la commission du coronavirus à la Knesset, qui avait rejeté plusieurs décisions prises par le gouvernement, affirmant que les données concernant les infections qui avaient été mises à sa disposition n’étaient pas suffisantes pour approuver les mesures. Elle avait résisté aux pressions exercées par le chef de son parti, le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui avait cherché à la démettre de sa fonction à la tête du panel.
Il y a une semaine, Shasha-Biton avait entraîné la fureur du gouvernement quand sa commission avait rejeté une ordonnance de ce dernier qui imposait la fermeture des piscines et des salles de sport. Ce positionnement avait entraîné des mises en garde menaçantes de représailles de la part des poids-lourds du Likud et lancé un débat national sur la supervision parlementaire et sur la responsabilité du gouvernement.
La députée avait doublé la mise lundi, en pressant sa commission de rejeter une décision ministérielle qui déterminait la fermeture des plages et des piscines dans tout le pays, pendant le week-end. Et elle avait une nouvelle fois bloqué Netanyahu et ses ministres mardi, revenant sur leur décision de fermer les restaurants en autorisant leur ouverture, sous réserve de respect des limitations liées à l’épidémie de la COVID-19.
Plutôt que de limoger directement la législatrice, le nouveau texte enlève simplement à la commission du coronavirus sa compétence à approuver ou à rejeter les mesures gouvernementales, faisant du panel une simple instance de discussion dans l’incapacité de prendre des décisions contraignantes.
L’approbation ou le rejet des mesures seront transférés à quatre autres commissions – la commission de la Constitution, du droit et de la justice, la commission de l’Education, la commission du Travail et des Affaires sociales et la commission de l’Economie.