Coronavirus : les réflexions d’un haut responsable du Magen David Adom
Refael Strugo estime qu'il y a un sentiment prématuré de victoire, et que l'État a perdu le soutien du public en accablant les Israéliens de restrictions

Les Israéliens ne se conformeront pas aux règles comme des « enfants obéissants » en cas de recrudescence future de l’épidémie de coronavirus parce que les restrictions ont été trop extrêmes lors de cette première vague de la maladie, estime le directeur médical des services d’urgence Magen David Adom.
Refael Strugo explique au Times of Israel qu’il y a, selon lui, un sentiment prématuré de victoire contre la pandémie, dont il attribue la responsabilité à l’État.
« Ce n’est pas terminé », prévient-il. « C’est un sentiment erroné que celui-là. Et je pense qu’il provient de la manière dont le gouvernement a abordé l’épidémie devant la population. L’État n’a jamais dit que cette course s’apparentait à un marathon, laissant entendre qu’il s’agirait plutôt d’un court sprint ».
Refael Strugo a été une personnalité centrale dans la lutte israélienne contre le coronavirus depuis plus de deux mois, ses services du MDA ayant pris en charge les dépistages, l’hospitalisation à domicile des malades ainsi que plusieurs autres fonctions essentielles. Il les a assumées pendant les moments les plus difficiles de la crise, les transférant aux organisations chargées de la santé au cours des dernières semaines.
Les responsables du ministère de la Santé ont averti à maintes reprises qu’ils s’attendaient à l’arrivée d’une seconde vague, mais Refael Strugo estime qu’en raison des politiques mises en place jusqu’à présent, la population ne saura pas relever une nouvelle fois le défi.

« Parce que nous avons pris en charge cette première vague de manière à la fois très précoce et très dure, je pense que nous allons avoir un problème avec la seconde », note Refael Strugo qui souligne penser qu’une recrudescence de la maladie est quasiment inévitable. « Je ne pense pas que la population écoutera de la même façon qu’il a pu le faire lors de la première vague ».
Il précise qu’au cours d’une future épidémie, la coopération des Israéliens sera encore une fois déterminante pour garantir que la propagation de la maladie pourra être contenue et que les services de santé ne seront pas débordés.
Mais il ajoute qu’après les mesures « drastiques » mises en place jusqu’à présent, « les gens ne se comporteront pas comme des enfants obéissants, comme cela a été le cas pendant la première vague ».
Refael Strugo « ne pense pas que le système de santé aura assez de temps pour se préparer pour la seconde vague épidémique si le public n’est pas de notre côté. Et la population ne sera pas de notre côté de la même manière que ça a été le cas pour la première épidémie ».
« Les gens disent que le nombre de morts, finalement, n’est pas supérieur à celui des victimes de la grippe hivernale, mais que tout ça a eu un prix considérable pour la société, un prix en termes de santé également avec des personnes qui n’ont pas pu se rendre à leurs rendez-vous chez le cardiologue, qui n’ont pas pu faire de sport et d’exercice, etc. ».

Le responsable du MDA estime qu’Israël « a mené une bonne bataille contre le coronavirus, mais a payé un prix très élevé dans d’autres domaines de la vie », ce qui le rend pessimiste concernant la coopération des Israéliens à l’avenir.
Pour lutter contre l’épidémie de coronavirus, le pays a adopté des régulations strictes, dont la violation était passible d’amendes. Les écoles et les universités avaient été fermées le 12 mars, rapidement suivies par la majorité des lieux de travail, des commerces et des bureaux, et un ordre de confinement à domicile avait été imposé à tous les Israéliens pendant plusieurs semaines.
Les restrictions ont été allégées, et la majorité des bureaux et des magasins ont rouvert, ainsi que les écoles – même si les établissements scolaires n’accueillent pas encore toutes les classes d’âge.
Le directeur général du ministère de la Santé, Moshe Bar Siman-Tov, a insisté sur le fait que cette approche radicale était nécessaire et que si elle n’avait pas été adoptée, Israël aurait pu connaître le même bilan que la Belgique – un pays qui compte une population un peu plus importante qu’Israël et où le coronavirus a fait plus de 8 700 morts. L’État juif, pour sa part, a recensé 258 décès à ce jour.
Mais Refael Strugo pense, pour sa part, que des résultats similaires auraient pu être obtenus avec des « initiatives moins extrêmes », clamant que le gouvernement aurait dû se montrer « plus sélectif » dans les outils mis à sa disposition pour lutter contre la maladie.
Selon lui, il aurait été préférable que le gouvernement « n’impose pas la quarantaine dans tout le pays, mais seulement dans les zones ‘rouges’ et qu’il ne l’utilise que pour les personnes âgées ou présentant un risque élevé d’attraper la maladie, pas pour la population totale ».
De manière plus générale, l’approche gouvernementale a été la bonne, continue-t-il, même si elle a été « trop dure et trop forte, et que je crains que nous devions en payer le prix pendant une seconde vague ».