D’anciens collaborateurs de Trump avertissent que ce dernier ne soutiendra pas forcément l’annexion au cours de son second mandat
Les membres du cabinet ont été informés que le soutien à cette initiative controversée pourrait nuire à d'autres objectifs de politique étrangère aux États-Unis, et qu'elle ne pourrait être mise en œuvre que dans le cadre d'un plan de paix - auquel l'extrême droite s'oppose
Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.
Au moins deux officiels de l’ancienne administration du président Donald Trump ont mis en garde les ministres israéliens, leur demandant de ne pas partir du principe que ce dernier, qui vient d’être réélu, apportera son soutien à une annexion par Israël de la Cisjordanie au cours de son deuxième mandat, ont confié trois sources au Times of Israel.
Même si ce message a été délivré lors de réunions et de conversations distinctes qui avaient eu lieu dans les mois qui ont précédé la victoire de Trump dans la course à la Maison Blanche, la semaine dernière, les membres d’extrême-droite qui siègent au cabinet n’ont guère semblé troublés par ces paroles. Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir avait ainsi indiqué, la semaine dernière, que « le moment de la souveraineté est arrivé ». Dans la journée de lundi, pour sa part, le ministre des Finances Smotrich a déclaré que 2025 sera « l’année de la souveraineté en Judée-Samarie [Cisjordanie] » et ce grâce au retour de Trump.
Des propos qui ont suscité la colère du côté de l’Autorité palestinienne – qui a riposté à Smotrich en affirmant que 2025 serait « l’année de l’établissement d’un État palestinien indépendant ».
Le porte parole d’Abbas et vice-Premier ministre de l’Autorité palestinienne, Nabil Abu Rudeineh, a ainsi condamné « le plan d’annexion dangereux » du ministre des Finances et il a appelé la communauté internationale à « obliger Israël à abandonner ces mesures dangereuses ».
Il a aussi appelé les pays à rompre les relations diplomatiques avec l’État juif et à suspendre son adhésion aux Nations unies, selon des informations.
Vendredi, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé que le prochain ambassadeur américain aux États-Unis sera Yechiel Leiter, ancien leader du mouvement pro-implantation qui prône l’annexion de larges pans de la Cisjordanie et qui s’oppose farouchement à toute perspective d’État palestinien.
Au cours de récentes rencontres avec plusieurs ministres israéliens de haut-rang, ces anciens conseillers de Trump n’ont pas exclu que le président élu puisse apporter son soutien à une telle initiative – tout en insistant sur le fait qu’il ne fallait pas considérer ce soutien comme acquis, a noté un officiel israélien qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat.
Une telle démarche d’annexion entraînerait immanquablement l’opposition féroce des alliés des États-Unis dans le Golfe, comme l’Arabie saoudite ou les Émirats arabes unis, sur lesquels Trump pourrait s’appuyer pour tenter de s’attaquer à des questions plus pressantes en matière de politique étrangère, comme la lutte contre les agressions iraniennes, la concurrence avec la Chine et la fin de la guerre en Ukraine, selon un deuxième officiel israélien qui a eu connaissance du contenu de l’un des échanges qui ont eu lieu entre un ex-collaborateur de Trump et un ministre du cabinet.
Si Trump avait présenté un plan de paix, en 2020, qui prévoyait qu’Israël annexerait toutes ses implantations, la proposition ouvrait encore la porte à l’établissement d’un État palestinien dans les secteurs restants de la Cisjordanie.
Netanyahu avait accueilli cette proposition à l’époque en émettant des réserves tandis que Smotrich et un grand nombre de leaders du mouvement pro-implantation – qui, la semaine dernière, ont célébré la victoire de Trump en la considérant comme une chance de mener à bien leur projet d’annexion – avaient condamné le plan de paix.
Un ancien collaborateur de Trump a confié à un ministre israélien que sa seconde administration ne soutiendrait pas l’application de la souveraineté israélienne aux implantations « dans le vide » – comme elle ne l’avait pas fait d’ailleurs en 2020, a raconté le deuxième officiel israélien.
Après le rejet immédiat, par l’Autorité palestinienne, du plan « Paix pour la prospérité » de Trump, l’administration avait œuvré, aux côtés d’Israël, en faveur de la programmation d’une annexion partielle de la Cisjordanie – un effort qui avait été mis de côté lors de la négociation des Accords d’Abraham, dans le cadre plus spécifique de la normalisation des liens entre les Émirats arabes unis et l’État juif.
L’engagement qui avait été pris à l’égard des EAU par les États-Unis – ils avaient juré de bloquer toute initiative d’annexion – devrait expirer à la fin de l’année 2024 mais un ancien responsable de l’administration Trump a déclaré au Times of Israel que les conditions nécessaires pour que les États-Unis soutiennent l’application de la souveraineté israélienne sur les implantations ne devraient pas changer de manière notable.
« Si cela arrive, cela entrera dans le cadre d’un processus plus large », a affirmé l’ancien responsable de Trump.
Dans une déclaration faite au Times of Israel en réponse à ces informations, l’ancien envoyé de Trump au Moyen-Orient, Jason Greenblatt, a tenu des propos similaires.
« Je pense qu’il est important pour ceux qui, en Israël, célèbrent la victoire du président Trump de le faire en raison du fort soutien apporté par le président Trump à Israël, comme en témoignent les nombreuses choses historiques qu’il avait faites au cours de son premier mandat. Certains ministres israéliens partent du principe que l’extension de la souveraineté israélienne en Judée-Samarie est désormais une affaire réglée et qu’elle se produira dès la prestation de serment du président Trump », a-t-il dit.
« Je suggère à ces ministres de respirer un bon coup et de se reprendre. Si je devais donner un conseil à ces ministres, je leur recommanderais vivement de se concentrer dans un premier temps sur une collaboration étroite avec le Premier ministre Netanyahu pour lui permettre d’approfondir les relations d’Israël avec les États-Unis, et pour lui permettre de travailler sur les énormes menaces et défis qu’Israël doit aujourd’hui relever. Il y aura un moment pour débattre de la question de la Judée-Samarie, mais le contexte actuel et la période que nous vivons sont importants », a-t-il ajouté.