Dans White Bird, Helen Mirren, rescapée de la Shoah, vient en aide à son petit-fils difficile
Pour l'auteure de livres pour enfants qui a inspiré ce film, il est important que les non-Juifs aussi transmettent la mémoire de la Shoah
JTA — Dans White Bird, un film sur l’histoire d’une jeune fille juive sauvée par un camarade de classe dans la France occupée par les nazis, la Shoah est la toile de fond qui permet de faire passer aux enfants des valeurs essentielles.
Le film, sorti en avril en Israël, est un spin-off de Wonder (2017), film qui raconte l’histoire d’un collégien bien déterminé à s’intégrer en dépit d’une malformation faciale.
Au début de White Bird, on voit justement Julian (Bryce Gheisar) harceler ce garçon, mais la véritable héroïne est sa grand-mère Sara (interprétée par Helen Mirren et, dans son enfance, par Ariella Glaser). Consciente que son petit-fils a besoin de repères moraux, elle lui raconte ce qu’elle a vécu pendant la Shoah – ce qui constitue l’essentiel du film.
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Réalisé par Marc Forster, cinéaste germano-suisse auquel on doit déjà A Man Called Otto, Neverland et Jean-Christophe et Winnie, White Bird est sorti en salles début octobre aux États-Unis. Initialement prévue pour 2022 puis fin 2023, sa sortie a été retardée en raison de changements au sein des sociétés de production et de distribution, puis de la grève de la SAG l’an dernier.
Selon Deadline, le distributeur Lionsgate a eu du mal à vendre le film et s’est tourné vers Kingdom Story Company, spécialisée dans les films à portée spirituelle, pour l’aider à trouver son public, et ce, bien que White Bird ne corresponde pas au style de ce label, à qui l’on doit par exemple Jesus Revolution.
White Bird et Wonder sont tous deux tirés d’une série à succès écrite par R.J. Palacio, auteure de livres pour enfants, qui s’intéresse beaucoup à la Shoah. Le mari de Palacio est Juif et sa belle-mère a perdu une grande partie de sa famille lors de la Shoah.
Elle explique que c’est l’oncle de son mari, Bernard, directeur d’une école à New York pendant de nombreuses années, qui lui a parlé du manque de livres pour enfants sur la question, surtout avant les classes de quatrième ou de troisième, au cours desquelles Le Journal d’Anne Frank est souvent étudié.
Bien que Palacio ne soit pas juive, elle a ressenti le devoir de combler un manque dans la littérature pour enfants à propos de la Shoah. Bernard l’a encouragée à écrire White Bird, roman graphique destiné aux lecteurs de 8 à 12 ans.
« Parler de la Shoah ne devrait pas être la seule responsabilité des Juifs », explique Palacio à la Jewish Telegraphic Agency. « Le fait d’avoir un mari juif et de facto deux fils qui partagent cet héritage m’a incitée à agir. »
Elle s’est inspirée des Justes, livre de Martin Gilbert dédié aux non-Juifs qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette influence est évidente dans l’histoire de Palacio : lorsque les soldats allemands occupent le village français de Sara, un de ses camarades de classe – Julien (Orlando Schwerdt) —, victime de harcèlement parce qu’il a perdu l’usage d’une jambe à cause de la polio — l’aide à se cacher dans la grange de sa famille, avec le soutien désintéressé de ses parents, et ce pendant plus d’un an.
L’altruisme de Julien contraste fortement avec la cruauté opportuniste de Vincent, camarade de classe que Sara aimait beaucoup avant l’arrivée des nazis et qui s’empresse de collaborer avec eux.
White Bird parle de la bonté et du danger que représente chez les enfants leur caractère influençable.
« Dans la vie d’un individu, c’est une période riche sur le plan émotionnel et pleine de possibilités », explique Palacio. « À 10 ou 13 ans, on découvre qui on est, qui on veut être, on s’invente des personnalités, on prend constamment des petites décisions morales. »
Les figures morales que représentent Julien et Vincent sont aussi compréhensibles pour le petit-fils de Sara que pour les spectateurs de White Bird.
Les leçons que donne leur histoire – l’importance de l’empathie, de la tolérance et de l’intégrité – sont d’autant plus évidentes qu’elles sont liées à la Shoah. Dans le chaos de la Seconde Guerre mondiale, des personnes en ont sauvé d’autres par pur altruisme, pour des questions de bon voisinage mais aussi par amour. Pour d’autres, ce fut une question d’argent et ils n’hésitèrent pas à abandonner les Juifs à court d’argent. Des égoïstes ont pu sauver des vies et des personnes pourtant généreuses, détourner le regard.
Mais dans cette fiction pour enfants, dont les principes moraux sont clairement établis, la leçon est évidente.
White Bird s’inscrit dans une nouvelle tendance, destinée à rendre l’enseignement de la Shoah plus accessible au jeune public, comme en témoigne une exposition sur les Danois ayant sauvé des Juifs, présentée au Musée du Patrimoine juif de New York, et destinée aux enfants de 8 ans et plus. Selon les tenants de cette approche, les enfants sont trop souvent exposés à des récits d’atrocités alors que les plus jeunes sont nettement plus réceptifs aux histoires de justice et d’espoir – concepts avec lesquels ils peuvent plus aisément établir un parallèle personnel.
White Bird réserve à Vincent une fin digne d’un conte de fées des frères Grimm : des loups le dévorent dans la forêt alors qu’il poursuit Sara. C’est l’événement le plus dramatique de l’imaginaire que White Bird emprunte aux contes, qui nous fait par ailleurs effectuer des voyages imaginaires à Paris et New York depuis la cachette de Sara.
Pour Forster, qui a adapté ces épisodes fantastiques du livre de Palacio, c’est l’authenticité émotionnelle de l’histoire qui lui a permis de jouer avec le réalisme magique.
« Quand on raconte une histoire imprégnée de réalisme magique, il est crucial, dès le départ, de bien ancrer l’histoire dans la réalité », explique Forster à la JTA.
« Il faut que l’on sente que l’histoire est vraie, que les personnages et le monde sont enracinés dans le réel. Une fois cette connexion établie, les personnages peuvent vous emmener dans leur imagination. »
Si Vincent n’obtient pas sa rédemption, Julian, en revanche, oui. L’ex-harceleur, qui porte le nom du sauveur de Sara, est transformé lorsqu’il apprend que sa propre grand-mère a été traquée en raison de son identité, et sauvée par un autre exclu. Il présente des excuses à un camarade qu’il avait maltraité, au début du film, et rejoint même les rangs de l’organisation en faveur de la justice sociale de son école.
« Il était très important pour moi que les jeunes qui se reconnaissent en Julian — qui pourraient eux-mêmes être des harceleurs — comprennent que leur destin n’est pas tout tracé et qu’une erreur ne les condamne pas », conclut Palacio.
« On peut toujours tout recommencer. »
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