Décès de l’ancienne députée Yael Dayan, féministe et activiste de la paix
L'ex-élue d'Avoda avait été l'une des voix les plus influentes, dans le pays, à réclamer l'égalité des droits ; elle était une autrice reconnue et la fille de Moshe Dayan
Yael Dayan, membre pionnière de la Knesset et activiste de la paix qui était née dans une célèbre famille israélienne, s’est éteinte samedi à l’âge de 85 ans.
Féministe de toujours, députée du parti Avoda pendant longtemps et autrice saluée, Dayan avait connu une carrière d’écrivaine couronnée de succès avant d’entrer dans l’arène politique nationale et locale.
Fille de Moshe Dayan, homme d’État de premier plan, et nièce du président Ezer Weizmann, Dayan était toujours restée sous le feu des projecteurs en Israël – mais aussi au-delà.
Elle avait été l’une des voix les plus fortes, dans le pays, à réclamer l’égalité des droits et à prôner les droits des femmes – elle avait été la marraine d’une législation qui avait mis hors-la-loi le harcèlement sexuel. Elle avait aussi défendu les droits des homosexuels et elle devait appeler, durant toute sa vie, à un accord de paix avec les Palestiniens. En 1992, elle avait été la présidente et fondatrice de la commission, à la Knesset, qui se consacre à la question du statut des femmes et à celle de l’égalité entre les sexes.
Dayan souffrait, depuis de nombreuses années, de bronchopneumopathie chronique obstructive (ou BPCO) – ce qui l’avait obligée, vers la fin de sa vie, à ne plus sortir de chez elle. Elle recevait de l’oxygène et ne se déplaçait plus qu’en chaise roulante. Toutefois, même au crépuscule de sa vie, Dayan se rendait encore parfois à des manifestations et se faisait entendre sur des problématiques qu’elle considérait comme déterminantes.
« A un âge avancé, il y a également, dans chaque réflexion sur les idéaux du passé, une réflexion pour l’avenir et il y a des choses que je n’ai pas encore pleinement réglées », avait-elle dit dans un entretien accordé en 2015 à la chaîne publique israélienne, alors âgée de 76 ans. « Mais je peux continuer dans cette voie, même en chaise roulante, même avec un tuyau à oxygène dans mon nez ; je peux encore être présente, prendre un micro et m’exprimer ».
Yael était née à Nahalal, un petit moshav agricole situé dans la Palestine sous mandat britannique, au sein du foyer de Moshe et de Ruth Dayan, en 1939. Elle avait fait son service militaire obligatoire – qu’elle avait passé au sein de l’unité du porte-parole de Tsahal, se hissant au grade de capitaine – quand son père était chef d’état-major.
En 1959, à l’âge de 20 ans, Dayan avait publié son premier roman en anglais, « New Face in the Mirror, » un livre salué dans le monde entier racontant l’histoire d’une jeune soldate israélienne née dans une famille de militaires. Le New York Times avait estimé à l’époque que l’ouvrage avait « une honnêteté et une intensité obsessionnelle » et qu’il était un exemple « de maîtrise sidérante d’une langue étrangère ».
Un an plus tard, elle avait sorti son deuxième roman, « Envy the Frightened, », qui explorait également les thématiques de la responsabilité militaire et des attentes paternelles. Elle avait continué à écrire des livres de fiction et de non-fiction en anglais et en hébreu au fil des décennies suivantes, ainsi que des chroniques pour les journaux Maariv et Yediot Aharonot.
En 1967, alors qu’elle servait dans la réserve pendant la guerre des Six jours en tant que journaliste sur le front du Sinaï, elle avait rencontré Dov Sion, un colonel de l’armée de 18 ans son aîné, et elle l’avait épousé quelques semaines plus tard.
Dayan s’était d’abord fondue dans un rôle traditionnel de jeune mère – elle avait eu deux enfants – écrivant en 1977 dans le New York Times qu’elle était « femme au foyer et fière de l’être » et ajoutant qu’elle estimait que la place des femmes n’était pas « sur la ligne de front » au combat. Elle s’était attaquée, toutefois, au monopole des cours rabbiniques sur les questions du mariage et du divorce, déclarant qu’il était « anachronique » et qu’il entraînait « un conflit avec les droits fondamentaux des citoyens qui souhaitent construire leur vie selon leurs désirs ».
Ses parents s’étaient séparés en 1971 après les nombreuses infidélités de son père. Moshe – qui était également ancien ministre de la Défense et ancien ministre des Affaires étrangères – était mort en 1981 et le livre écrit par Yael, en 1985, au sujet de la vie de l’ancien homme d’État, « My Father, His Daughter, » avait fait sourciller certains lecteurs en Israël et dans le monde pour ses descriptions franches. Yael n’avait pas hésité en effet à y évoquer la vie extraconjugale de son père – et elle n’avait pas épargné non plus la seconde épouse de ce dernier, Rachel, qui devait hériter de la vaste majorité des biens de Moshe par testament, entraînant la controverse et des divisions familiales. Et si l’autrice avait salué en lui un héros national, elle n’avait pas fermé les yeux sur ses défauts, écrivant que, les années passant, « l’absence de responsabilité l’a rendu irresponsable et son impatience s’est transformée en arrogance ».
« J’ai grandi dans une famille très aimante, qui aimait l’échange », avait-elle confié en 2015 dans un entretien accordé à la chaîne publique israélienne. « Le fait que mon père et ma mère étaient souvent absents de la maison n’a pas empêché… qu’ils nous prennent avec eux. Enfants, nous étions dans les camps de l’armée et nous allions, nous aussi, aux visites organisées pour les officiers ».
Quelques années après le décès de son père, Dayan avait fait ses premiers pas en politique, se présentant à la Knesset sous l’étiquette du parti qui avait précédé Avoda, le parti de l’Alignement, au cours des élections de 1984. Une tentative qui avait été vaine, son nom étant placé trop bas sur la liste pour qu’elle puisse remporter un siège – une situation qui devait se répéter en 1988. Elle avait finalement fait son entrée au Parlement en 1992 alors qu’elle était à la 37e place sur la liste d’Avoda.
Elle avait servi pendant trois mandats avant de perdre son siège lors des élections de 2003. Pendant qu’elle était députée, Dayan s’était battue pour les droits des femmes avec notamment une législation historique, en 1998, qui avait rendu le harcèlement sexuel illégal.
« C’est une loi qui est née d’une réalité difficile – et qui, malheureusement, dure encore », avait commenté Dayan lors d’un entretien filmé accordé au musée de la Knesset, en 2022. « Les gens ne savaient pas ce qu’était le harcèlement sexuel… Il y avait une très forte opposition ».
Dayan devait déclarer en 2015 qu’avec le recul, la bataille dont elle était la plus fière avait été celle qu’elle avait livrée pour mettre un terme aux violences faites aux femmes : « C’est encore un combat mais les choses qui étaient considérées comme entrant dans la norme – et qui n’y entrent pas … je crois que je peux nous attribuer, à moi et à mes collègues, le mérite d’avoir complètement changé les choses ».
Pendant toute sa carrière au parlement, Dayan avait fait la promotion d’un ordre du jour qui avait souvent provoqué l’opposition des députés plus conservateurs et des législateurs religieux. Dans un discours prononcé en 1993 en séance plénière où elle réclamait davantage de droits pour les militaires LGBTQ, Dayan avait laissé entendre que le roi David était homosexuel, ce qui avait entraîné la colère d’un grand nombre de ses pairs. Elle avait aussi été la première membre de la Knesset à se rendre à un événement de la Marche des fiertés en Israël et elle avait établi une sous-commission chargée d’examiner les discriminations dont la communauté était victime.
Elle était aussi une activiste de la paix et elle devait le rester toute sa vie, réclamant l’établissement d’un État palestinien. En 1993, elle avait discrètement rencontré le chef de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, à Tunis, ce qui avait entraîné la colère du Premier ministre Yitzhak Rabin, furieux de ne pas avoir été mis au courant au préalable.
Dans ses mémoires, en 2014, Dayan avait écrit que pendant toute sa vie, elle avait vu Israël se transformer : Ce « foyer bien-aimé, admiré, victorieux et juste » était entré, « par le biais d’une régression insupportable, dans une sphère dangereuse d’existence messianique ethno-théocratique, une sphère on ne peut plus éloignée de l’idée d’une société en quête de paix et de justice ».
Après avoir quitté la Knesset en 2003, Dayan était restée dans l’arène politique municipale, se présentant à la tête de la liste du Meretz au conseil de Tel Aviv. Elle y avait siégé pendant dix ans et elle avait notamment été l’adjointe de Ron Huldaï, qui est toujours maire de la ville blanche. Elle avait largement quitté la vie politique en 2013.
En plus de son célèbre père, sa tante maternelle, Reuma Weizmann, était mariée au président Ezer Weizmann. Parmi ses cousins paternels, les auteurs-compositeurs-interprètes Yehonatan et Aviv Geffen, père et fils et tous deux artistes ; l’ancien député du Likud et général Uzi Dayan; la journaliste Ilana Dayan; le président de Yad Vashem, Dani Dayan et de nombreux autres députés au fil des années.
Dayan avait été précédée dans la mort par son mari, Dov Sion — qui s’était éteint après une longue lutte contre la maladie de Parkinson. Elle laisse derrière elle les deux enfants du couple, Rachel et Dan, et quatre petits-enfants. Ses frères Assi Dayan et Udi Dayan sont morts en 2014 et en 2017 respectivement et sa mère, Ruth, est décédée en 2021 à l’âge de 103 ans.