Des groupes juifs dénoncent l’arrestation de Mahmoud Khalil bien qu’il soit un « antisémite enragé »
Bien que critiques des manifestations, J Street et Zioness estiment que la menace d’expulsion de Mahmoud Khalil par Trump crée un précédent inquiétant pour les libertés civiles

Des groupes juifs libéraux ont rejoint lundi le concert de critiques contre l’arrestation de Mahmoud Khalil, leader des manifestations anti-Israël à l’université de Columbia, détenu par les services américains de l’immigration et des douanes (ICE) et menacé d’expulsion.
Cette vague de réactions s’inscrit dans un flot de condamnations et de protestations émanant de politiciens démocrates et de groupes progressistes.
Le président américain Donald Trump a salué l’arrestation menée par l’ICE samedi et s’est engagé à expulser Khalil, récemment diplômé de Columbia et titulaire d’une carte verte.
Khalil était l’un des principaux organisateurs du mouvement Columbia University Apartheid Divest, une coalition à la tête des manifestations anti-Israël sur le campus de l’université new-yorkaise. Le mouvement a émergé dans le sillage du pogrom perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, au cours duquel ils ont assassiné plus de 1 200 personnes et en ont prise 251 en otage pour les emmener dans la bande de Gaza. Ce qui a déclenché la guerre sur plusieurs fronts qui s’en est suivie.
Dès les jours suivant l’attaque, des étudiants de Columbia ont organisé des manifestations perturbatrices sur le campus, et les protestations se sont poursuivies ces dernières semaines. Les manifestants ont affiché un soutien explicite à la violence et à des groupes terroristes désignés par les États-Unis. Face à cette escalade, des étudiants et professeurs juifs et israéliens ont dénoncé un climat de plus en plus hostile et discriminatoire. Un groupe de travail universitaire a même fait état d’une discrimination « écrasante » à l’encontre des Juifs et des Israéliens au sein de l’établissement.
De nombreux groupes juifs progressistes qui ont soutenu ou défendu ces manifestations, dont Jewish Voice for Peace, Bend the Arc et IfNotNow, ont condamné l’arrestation de Khalil, la qualifiant d’action autoritaire.
Mais ces critiques ont également été reprises par plusieurs organisations juives libérales qui, auparavant, avaient soit dénoncé les manifestations de Columbia, soit exprimé leurs préoccupations face à l’antisémitisme observé lors des protestations anti-Israël. Alors que plusieurs groupes pro-israéliens ont salué l’arrestation de Khalil, deux organisations sionistes libérales, J Street et Zioness, ont fait part de leur inquiétude face à cette mesure
Zioness : Les Juifs ne sont libres que dans les sociétés tolérantes
Zioness, J Street et plusieurs autres groupes juifs libéraux, rejoints par un large éventail de politiciens démocrates, ont exprimé leurs inquiétudes quant aux implications juridiques de la détention et de la tentative d’expulsion d’un résident légal des États-Unis en raison de ses activités de protestation. Certains redoutent que cette tactique puisse être utilisée un jour contre les Juifs, comme cela a déjà été le cas ailleurs.
« Les Juifs et nos institutions communautaires se sont toujours battus pour protéger les droits civils et les libertés fondamentales – y compris la liberté d’expression, même lorsque le discours nous répugne – car seules les sociétés garantissant ces protections nous permettent, en tant que minorité, de vivre en sécurité », a déclaré Zioness dans un communiqué, qualifiant toutefois Khalil « d’antisémite enragé » qui aurait probablement dû être expulsé de Columbia.
https://twitter.com/ZionessMovement/status/1899170040202829889?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1899170040202829889%7Ctwgr%5Efb1f19ea154f191334b1de17b8ba43122b00e878%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.timesofisrael.com%2Fliberal-jewish-groups-condemn-arrest-of-columbia-anti-israel-protest-leader%2F
« Nous devons défendre la Constitution américaine sans pour autant défendre l’idéologie vile, antisémite et anti-américaine de Khalil », poursuit le communiqué. « L’État de droit est d’autant plus crucial dans des situations complexes, pas seulement lorsque tout est simple. Tous les outils extra-légaux utilisés ‘en notre faveur’ peuvent être retournés contre nous. Et nous devons partir du principe qu’ils le seront. »
J Street U, la branche universitaire du lobby libéral, a déclaré qu’elle « n’approuvait ni les actions ni les positions de Khalil », mais qu’elle était « consternée par le dangereux précédent créé par son arrestation. Notre communauté peut et doit défendre les droits constitutionnels de tous, même de ceux avec qui nous sommes en profond désaccord. »
D’autres groupes – dont le Jewish Council for Public Affairs (JCPA), New York Jewish Agenda (NYJA), New Jewish Narrative et le Nexus Project, ont fait écho à ces préoccupations.
« L’administration Trump exploite les inquiétudes légitimes autour de l’antisémitisme pour saper la démocratie », a déclaré Amy Spitalnick, présidente du JCPA, dans un communiqué. « Tout Juif qui pense que cela se limitera à quelques activistes palestiniens se trompe lourdement. »
Une manœuvre maccarthyste glaçante
Dans un communiqué, le Nexus Project, tout en reconnaissant l’inquiétude suscitée par l’antisémitisme et la vague de protestations sur les campus, a mis en garde contre « les dérives autoritaires du gouvernement fédéral et son mépris apparent des procédures régulières, qui ne font qu’accroître l’insécurité des Juifs. » De son côté, la NYJA a également dénoncé l’antisémitisme sur les campus universitaires, tout en soulignant, à propos de l’arrestation de Khalil, que « ce type d’action autoritaire est incompatible avec notre vision des droits des immigrés et d’une démocratie pluraliste ».
Le représentant Jerry Nadler, un démocrate juif pro-Israël qui représente une partie de Manhattan depuis plus de trente ans, a déclaré qu’il suivait la situation, mais a condamné l’arrestation. « L’arrestation sans mandat de tout résident permanent légal, apparemment uniquement en raison de son discours, est une manœuvre maccarthyste qui fait froid dans le dos en réponse à l’exercice des droits du Premier Amendement à la liberté d’expression », a-t-il écrit. Il a ajouté que cela « ne rendra en rien les étudiants juifs plus en sécurité sur le campus ».

Halie Soifer, directrice générale du Jewish Democratic Council of America (JDCA), a déclaré que son groupe était « profondément préoccupé par l’antisémitisme et les manifestations sur les campus universitaires. Mais expulser des résidents légaux sans procédure régulière, simplement parce que nous ne sommes pas d’accord avec leurs opinions, est anti-américain. Cela ne rendra ni les Juifs ni notre démocratie plus sûrs. »
Ces critiques interviennent alors que Donald Trump s’est félicité de l’arrestation de Khalil, invoquant un décret présidentiel signé en janvier qui permet d’expulser les étudiants étrangers soutenant le terrorisme. Il a affirmé que d’autres arrestations suivraient.
« Conformément à mes ordres exécutifs précédemment signés, l’ICE a fièrement appréhendé et détenu Mahmoud Khalil, un étudiant étranger radical pro-Hamas sur le campus de l’université de Columbia », a publié Trump sur les réseaux sociaux.
« Il s’agit de la première arrestation d’une longue série. Nous savons qu’il y a d’autres étudiants à Columbia et dans d’autres universités du pays qui se sont engagés dans des activités pro-terroristes, antisémites et anti-américaines. L’administration Trump ne le tolérera pas. »
Le compte X de la Maison Blanche a partagé cette déclaration, ajoutant, en majuscules : « SHALOM, MAHMOUD. »
Par ailleurs, les manifestations contre l’arrestation de Mahmoud Khalil se multiplient à New York et au-delà. Lundi, deux rassemblements distincts étaient prévus à Manhattan : l’un sur Federal Plaza, dans le centre-ville, et l’autre, organisé par IfNotNow, près de Columbia, dans les quartiers chics.
Au moins la moitié des dix démocrates candidats à la mairie ont condamné l’arrestation. Lundi, la procureure générale de l’État de New York, Letitia James, s’est déclarée « extrêmement préoccupée par l’arrestation et la détention de Mahmoud Khalil, avocat et résident permanent légal d’origine palestinienne ».
Outre Nadler, plusieurs responsables démocrates ont également dénoncé cette arrestation. Un compte X représentant les démocrates de la commission judiciaire du Sénat a déclaré que l’arrestation devrait « terrifier tout le monde ».
Une voix particulièrement inattendue s’est jointe à ces condamnations : celle de l’éditorialiste d’extrême droite Ann Coulter.
« Il n’y a pratiquement personne que je ne souhaite pas expulser, mais, à moins qu’ils n’aient commis un crime, ne s’agit-il pas d’une violation du Premier Amendement ?
Luke Tress a contribué à cet article.