Israël en guerre - Jour 340

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Des tee-shirts propalestiniens à 820 dollars vendus par Louis Vuitton ? Internet est divisé

Sur la Toile, les deux parties au conflit israélo-palestinien pensent que la maison de couture de luxe française pourrait bien ainsi tenter d'adopter un positionnement subtil - ce qui ne satisfait personne

Le logo LV figurant sur de nombreux vêtements pour femme de la célèbre maison de couture Louis Vuitton.(Capture d'écran :  LouisVuitton.com. Design by Jackie Hajdenberg/ JTA)
Le logo LV figurant sur de nombreux vêtements pour femme de la célèbre maison de couture Louis Vuitton.(Capture d'écran : LouisVuitton.com. Design by Jackie Hajdenberg/ JTA)

La maison de couture française Louis Vuitton tente-t-elle véritablement de prendre parti dans la guerre qui oppose actuellement Israël aux terroristes palestiniens du Hamas, dans la bande de Gaza, en vendant un tee-shirt à 820 dollars qui porte le logo de la marque aux couleurs du drapeau palestinien ?

Pour certains internautes issus des deux parties du conflit israélo-palestinien, la réponse est incontestablement « Oui » alors que le créateur a mis en vente sur son site ce tee-shirt aux couleurs magenta, vert, noir et blanc – affolant, cette semaine, les réseaux sociaux.

Ceux qui critiquent le tee-shirt déclarent que les couleurs du patch sur lequel le logo est écrit semblent avoir été directement extraites de celles du drapeau palestinien ou de la pastèque, un symbole du nationalisme palestinien de plus en plus prisé.

D’autres font le lien entre le logo et un triangle rouge renversé – un symbole parfois utilisé sous la forme d’un émoticône qui, selon les bases de données des crimes de haine de l’Anti-Defamation League (ADL), peut faire référence au soutien à la cause pro-palestinienne en général, mais qui peut aussi signifier le soutien apporté à ce qu’on appelle « la résistance » violente contre Israël. Le Hamas utilise notamment des triangles rouges pour souligner les cibles israéliennes dans les vidéos de propagande diffusées par le groupe terroriste à destination du public.

Une image du tee-shirt a circulé sur les groupes juifs, sur les réseaux sociaux, et sur les pages des groupes de lutte contre l’antisémitisme, au début de la semaine – provoquant l’inquiétude de certains internautes juifs, préoccupés à l’idée qu’une marque de luxe ait adopté de manière claire un positionnement propalestinien dans la guerre. D’autres ont juré qu’ils n’achèteraient plus jamais quoi que ce soit chez Louis Vuitton, estimant que le tee-shirt n’est que le prolongement d’antécédents troublants pour la vénérable maison de couture dont les fondateurs avaient notamment apporté un soutien matériel aux collaborateurs des nazis dans la France de la Seconde Guerre mondiale.

Les représentants de LVMH, le conglomérat propriétaire de Louis Vuitton, n’ont pas répondu à nos demandes de commentaires. Mais il y a toutefois des preuves attestant du fait que le logo a été créé avant la guerre en cours dans la bande de Gaza, une guerre qui avait commencé le 7 octobre quand des milliers de terroristes placés sous la direction du Hamas avaient massacré près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël, des civils en majorité, et qu’ils avaient enlevé 253 personnes, prises en otage au sein de l’enclave côtière.

Les tee-shirts font partie de la collection femme printemps/été 2024 et les logos avaient d’ores et déjà fait une apparition lors de la Fashion Week de Paris en date du 2 octobre 2023, avec des coloris alternatifs différents – jaune, noir et rouge. De tels choix de couleurs, disent les proches de l’industrie, sont habituellement décidés environ un an – voire plus – avant leur présentation sur le catwalk et c’est le cas, en particulier, pour les marques de premier plan, avec des défilés qui sont souvent programmés environ six mois au préalable.

Ce qui est présenté sur le catwalk n’est pas toujours très exactement la même chose que ce qui sera présenté en boutique, les mannequins portant souvent une version plus visiblement outrancière, excentrique, de la thématique de la collection. Par exemple, deux coloris choisis pour une jupe à volants créée par Louis Vuitton, un vêtement qui a été présenté lors du défilé de la collection printemps/été 2024 – l’une des deux jupes en rouge, noir, vert et blanc et l’autre en jaune et rose – ces coloris ne sont pas disponibles sur internet, mais des jupes similaires sont proposées en rose, en noir et blanc et avec un motif à carreaux bleu et blanc.

Lizzy Savetsky, influenceuse juive de New York City qui a sorti une parodie du tee-shirt avec un logo aux couleurs du drapeau israélien sur son compte Instagram, déclare qu’elle a été décontenancée par le modèle du tee-shirt – et par la décision prise par la vénérable maison de couture de ne pas le retirer de la vente.

« Je pense que mettre la pastèque sur un vêtement, à l’heure actuelle, est extrêmement provocant pour chacun d’entre nous parce que nous avons tous pu constater que la pastèque était utilisée de manière répétée dans le cadre de la propagande propalestinienne », dit-elle à la Jewish Telegraphic Agency.

« Je ne pense pas que cela ait été intentionnel », ajoute-t-elle. « Mais je pense que c’est une démonstration d’insensibilité de la part de la marque de continuer à le vendre. Mais ceci étant dit, la réalité est, je pense, qu’il faut aussi essayer de dédramatiser les choses dans la mesure où tout est tellement lourd, tellement grave en ce moment ».

Un tee-shirt avec un logo qui, selon certains, ressemble à des symboles propalestiniens encore proposé à la vente sur le site internet de Louis Vuitton, le 22 mars 2024. (Capture d’écran : via JTA)

Savetsky propose, elle aussi, sa propre collection de vêtements pour les enfants. Elle explique que les modèles des habits sont fabriqués presque un an à l’avance – mais que si elle devait produire un vêtement susceptible de porter à confusion sur un plan ou sur un autre au moment où il est prêt à être vendu, elle ne le présenterait pas.

« Je sais que si je devais créer quelque chose qui devienne l’équivalent d’une déclaration politique potentiellement provocatrice, je ne le vendrais pas », explique-t-elle. « Mais ça, c’est moi personnellement. Et quelque chose d’anodin comme une pastèque en est arrivé à avoir un sens beaucoup plus grave. Et ce qui me gêne maintenant, c’est que tous les propalestiniens exploitent ce tee-shirt en disant que Louis Vuitton est propalestinien, même si la marque ne l’est pas. Et ce n’est pas beau à voir ».

Pour certains propalestiniens, ces tee-shirts s’apparentent à une déclaration cynique sur la guerre, avec un modèle conçu pour générer de lourds profits au détriment d’un affichage authentique de solidarité. Des défenseurs de la cause propalestinienne avaient appelé, dans le passé, à boycotter les marques du groupe LVMH, citant les investissements substantiels de son directeur-général Bernard Arnault dans la firme de sécurité israélienne Wiz, qui travaille dans le cloud (la compagnie ne figure pas sur la liste officielle du mouvement anti-israélien Boycott, Divestment and Sanctions).

« Des minables qui veulent profiter de la souffrance des autres », a écrit un usager de Facebook dans un commentaire public en faisant référence à Louis Vuitton. « S’ils étaient vraiment propalestiniens, l’idéal serait d’établir ce positionnement en faisant une déclaration claire. Pas avec des signaux cachés stupides ! Ce n’est pas le moment d’être stupide, il y a un génocide en ce moment et chaque être humain doit le condamner ouvertement ».

Pour certains observateurs, il faut surtout s’inquiéter pour le discours sur le logo qui est aujourd’hui tenu sur la Toile.

« Il est vraiment temps que les gens commencent à s’attaquer à tout ça, au-delà des discussions en aparté sur Twitter. C’est une théorie du complot du pur style QAnon », a déploré mardi Elad Nehorai, activiste progressif juif qui aborde souvent le sujet de la désinformation, dans une publication écrite sur X, anciennement Twitter. « Je n’exagère pas. C’est du délire pur. Et cela devient de plus en plus banal dans cette guerre de propagande. C’est très dangereux. »

Ce n’est pas la première fois que Louis Vuitton suscite la controverse concernant le conflit israélo-palestinien. En juin 2021, quelques semaines après un bref conflit opposant l’État juif aux terroristes palestiniens du Hamas, la marque avait vendu une « étole keffieh monogramme » qui, avait fait savoir la maison de couture, avait été « inspirée par le keffieh classique et enrichie par la signature » du créateur. Le keffieh est un couvre-chef traditionnel chez les Arabes, qui est habituellement fabriqué en coton et qui est devenu un symbole du nationalisme et de la solidarité palestinienne au cours du 20e siècle, les différentes couleurs tissées dans le keffieh étant susceptibles d’indiquer les affiliations politiques de celui qui le porte. Le produit avait été retiré de la vente suite à l’indignation exprimée à la fois par les défenseurs d’Israël et par les soutiens des Palestiniens qui avaient déclaré que les couleurs choisies – celles du drapeau israélien – lui donnaient l’aspect d’un produit pro-israélien.

A noter que Nicolas Ghesquière, directeur artistique de Louis Vuitton depuis 2013, n’aurait pas été étranger à la popularisation du keffieh dans l’univers de la mode dans les années 2000.

Le plus récent cafouillage a aussi une part de mystère. Un article israélien sans signature qui a été publié au début de la semaine a repris les propos présumés qui auraient été tenus par le directeur-général de Louis Vuitton – l’homme aurait ainsi déclaré que le modèle était « une coïncidence non-intentionnelle » et que « des initiatives sont actuellement prises pour le retirer de la vente ». Mais l’article a depuis été supprimé et il faisait état, de manière erronée, de Sidney Toledano, ancien directeur-général de LVMH, au poste de directeur-général de Louis Vuitton (c’est Pietro Beccari qui est à la barre de la maison de couture depuis 2023). Toledano, qui est Juif, occupe un rôle de conseil depuis le mois de février et Michael Burke, ancien dirigeant de Louis Vuitton, est devenu président et directeur-général du LVMH Fashion Group. Louis Vuitton est l’une des 75 marques à peu près appartenant à ce conglomérat qui est aussi propriétaire de Moët & Chandon, Dior, Hennessy, Celine, Sephora, Tiffany & Co., TAG Heuer et d’autres.

Les tee-shirts controversés sont encore proposés à la vente sur internet et dans les magasins de la marque – et la célébrité Zendaya a récemment été aperçue en train de porter une veste Louis Vuitton à 3 650 dollars portant le même logo lors d’un match de l’Open de tennis de BNP Paribas, en Californie.

Iga Swiatek, de la Pologne, à gauche, à côté de l’actrice Zendaya, qui porte une veste Louis Vuitton à 3 650 dollars avec un logo qui, pour certain, est un symbole palestinien, au tournoi de tennis Open de BNP Paribas à Indian Wells, en Californie, le 17 mars 2024. (Crédit : AP Photo/Ryan Sun)

Pour certains observateurs très attentifs aux différents discours, cette bagarre n’a rien de surprenant au vu de la guerre – mais elle reste déconcertante.

« Mon expérience, c’est que les gens jugent tout à l’aune de leur cadre personnel de référence, qu’ils appliquent à tout ce qui les entoure – ce qui aboutit souvent à tirer des conclusions hâtives erronées et c’est très exactement ce qui est arrivé avec le ‘keffieh pro-israélien’ et c’est peut-être ce qui arrive maintenant », a écrit Yehudit Elisheva Eliyahu sur Facebook en réponse à un post qui critiquait les tee-shirts.

« C’est exactement le même genre de situation. Le tee-shirt ne ressemble pas du tout à une pastèque parce qu’il n’y a pas d’écorce noire sur une pastèque », a ajouté Eliyahu, qui vit à Jérusalem et qui a autorisé la JTA à utiliser son commentaire, écrit dans un groupe privé sur le géant des réseaux sociaux. « Pourquoi Louis Vuitton ferait-il un tee-shirt secret propalestinien ou un keffieh secret propalestinien sans le dire explicitement à tout le monde ? »

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