Dieudonné pourrait reprendre le théâtre de la Comédie italienne à Paris
Le directeur du théâtre, en proie à de graves difficultés financières, et le président du CRIF, Francis Kalifat, tentent d'empêcher la reprise du bail par le polémiste
Adresse historique de la capitale, la Comédie italienne est une salle du 14e arrondissement en proie à d’importantes difficultés financières depuis plusieurs années – une situation devenue critique suite au second confinement, et ce, malgré la vente par le théâtre d’un mouchoir de Marilyn Monroe pour 300 000 euros en juillet dernier.
Pour cette raison, son directeur, Attilio Maggiulli, ne voit qu’une solution : céder le bail afin de sauver les locaux. Vendredi, dans un article du Point, il affirmait : « Nous avons un trou dans la caisse de près de 40 000 euros. La salle de 100 places est à nous. Mais le local attenant qui tient lieu de hall d’accueil est loué autour de 7 000 euros par trimestre à une société immobilière. Or, nous ne parvenons plus à joindre les deux bouts. »
Ainsi, plusieurs « prédateurs » et « vautours », dit Maggiulli, s’y sont intéressés, avant de laisser tomber l’idée quand ils ont appris que la vocation de théâtre ne pouvait pas être modifiée. D’autres, comme le réalisateur Jean-Pierre Mocky – depuis décédé –, l’acteur de cinéma pornographique Rocco Siffredi ou encore le pasteur évangélique Chriss Campion, fils de l’homme d’affaires forain Marcel Campion, ont également figuré parmi les prétendants, mais les négociations n’ont pas abouti.
Aujourd’hui, un seul fait désormais figure de potentiel repreneur de la salle : le polémiste Dieudonné, condamné à de nombreuses reprises pour antisémitisme, expulsé du théâtre de La Main d’Or en 2017, à la recherche depuis d’une nouvelle salle. Isabelle Coutant-Peyre, avocate de la société « Les Productions de la Plume », l’entreprise dirigée par la femme de Dieudonné, a confirmé que son client souhaitait louer la salle pour 86 400 euros par an.
Effrayé par l’idée de laisser la salle à « l’odieux personnage » Dieudonné, dont l’équipe est venue visiter le théâtre à trois reprises ces derniers mois, Attilio Maggiulli explique que cela pourrait être la seule possibilité.
« Ils nous harcèlent. Même si nous sommes toujours en complet désaccord avec ses propos que nous réprouvons, notre association, suite à la perte de toutes ses subventions, se voit contrainte de vendre le bail de notre théâtre », explique Maggiulli.
Bien qu’il ait fait appel au ministère de la Culture et au Conseil régional pour éviter cette option, il a obtenu une fin de non-recevoir.
« Je regrette que vous soyez tenté de céder le bail de votre théâtre pour faire (face) à vos difficultés. Le ministère (…) n’est toutefois pas en capacité d’empêcher cette vente », lui a-t-on répondu. « Ils s’en foutent finalement que nous cédions la place à ce type », explique le metteur en scène.
La présence de l’avocate Isabelle Coutant-Peyre dans l’affaire désole encore plus l’homme. Celle-ci a défendu Ali Riza Polat, proche d’Amedy Coulibaly, terroriste de l’Hyper Cacher en 2015. « Le pauvre Wolinski [tué dans l’attentat de Charlie Hebdo deux jours avant celui de l’Hyper Cacher] qui dessinait toutes nos affiches de spectacle doit se retourner dans sa tombe », dit Maggiulli.
Sauver son théâtre a été le combat de la vie de cet Italien. En 2013, pour alerter sur sa situation déjà précaire, il lançait sa voiture contre les grilles de l’Élysée – avant d’être interné. En 1999, il avait entamé une grève de la faim pour réclamer une réduction d’impôts. « On n’a pas fait tout ce boulot depuis 47 ans pour qu’on nous fasse mettre la clé sous la porte », dit-il au Figaro.
Hier, Francis Kalifat, président du CRIF, a écrit sur Twitter : « Ne laissons pas l’antisémite et négationniste Dieudonné se réinstaller à Paris ! J’ai écrit à Roselyne Bachelot [ministre de la Culture] et à Anne Hidalgo [maire de Paris] pour les alerter sur son projet de reprise d’un théâtre dans le 14e arrondissement. » Peut-être sera-t-il en mesure de mobiliser afin d’empêcher la reprise du bail par Dieudonné.