Eli Cohen : l’Etat palestinien n’est pas un prérequis à la paix avec les Saoudiens
L'ancien ministère des Affaires étrangères, devenu ministre l'Énergie, déclare que la guerre souligne la menace iranienne et s'oppose à un réchauffement des liens avec la Turquie sous Erdogan
L’Arabie saoudite fera la paix avec Israël même si Jérusalem refuse d’avancer vers la création d’un état palestinien, dit le ministre de l’Énergie, Eli Cohen, lors d’un entretien accordé au Times of Israel.
S’exprimant depuis son nouveau bureau de Jérusalem, la semaine dernière, l’ancien ministre des Affaires étrangères souligne que les inquiétudes sécuritaires, en ce qui concerne l’axe iranien, éclipseront la requête de Ryad, qui veut qu’une solution à deux États soit intégrée dans les conditions préalables qui permettront, à terme, une normalisation des relations entre les deux pays.
« La paix avec l’Arabie saoudite est une possibilité, absolument », affirme Cohen. « La guerre du 7 octobre a souligné le fait que l’Arabie saoudite a autant besoin de cette paix que c’est le cas d’Israël, sinon plus encore. Elle bénéficiera ainsi des outils nécessaires – en particulier de la part des États-Unis – pour prendre en charge la menace iranienne et le terrorisme islamiste ».
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« Qui a attaqué l’Iran il y a quatre ans ? » interroge-t-il, en référence à une agression, en 2020, qui avait pris pour cible deux structures pétrolières déterminantes du royaume. « C’est l’Iran et ce sont les Houthis ».
Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères saoudien a établi clairement, dimanche, que le pays ne normaliserait pas ses relations avec Israël et qu’il ne contribuerait pas à la reconstruction de Gaza en l’absence d’une initiative crédible susceptible de mener à la création d’un état palestinien.
Le prince héritier saoudien, Mohammed bin Salman, a fait savoir au secrétaire d’État américain, Antony Blinken, la semaine dernière, qu’il était prêt à normaliser les relations dans le cadre de la reconstruction de la bande de Gaza au lendemain de la guerre, ont confié deux officiels américains au Times of Israel – il a toutefois rappelé qu’il conditionnait cet accord à des initiatives prises en faveur d’une future souveraineté palestinienne.
Néanmoins, les officiels ont noté que cette condition était bien en-deçà de l’attente d’une acceptation immédiate, par Israël, de l’établissement d’un état palestinien.
Avant l’assaut du Hamas, le 7 octobre, Ryad tentait avec insistance d’obtenir des garanties de Washington en matière de sécurité, ainsi qu’une assistance dans le cadre d’un programme nucléaire civil doté de capacités d’enrichissement de l’uranium dans le cadre des négociations portant sur un accord de normalisation avec Jérusalem.
« Cette guerre souligne combien une alliance régionale et la stabilité dans la région sont importants », déclare Cohen, « et elle souligne également que ce qui menace Israël et les États musulmans modérés, c’est l’axe chiite ».
Les mandataires de l’Iran au Liban, en Syrie et au Yémen attaquent Israël et d’autres pays de la région depuis le 7 octobre.
« Ce que veulent les Saoudiens principalement, la première chose qui les intéresse, c’est leur propre sécurité », dit Cohen, « c’est de pouvoir s’attaquer aux menaces qui planent sur eux ».
Il insiste également sur le fait que la majorité des partenaires arabes d’Israël actuels – et les futurs alliés potentiels du pays – encouragent l’armée israélienne à terminer sa mission contre le Hamas : « Les pays qui désirent le plus que nous allions jusqu’au bout contre le Hamas, ce sont les pays sunnites modérés qui comprennent très bien que si nous n’éliminons pas le Hamas, le terrorisme commis par les groupes mandataires de l’Iran s’invitera chez eux également. »
Comme l’a fait le Premier ministre Benjamin Netanyahu ces derniers jours, Cohen exclut largement une solution à deux États.
« Je ne vois pas se produire quelque chose qui ressemblerait à l’établissement d’un état palestinien », explique Cohen. « Nous avons constaté qu’Israël a quitté Gaza et que la bande s’est transformée en état terroriste placé sous la direction du groupe terroriste du Hamas, un groupe financé par l’Iran ».
Les hauts-responsables américains ont bruyamment insisté, ces dernières semaines, sur la nécessité de relancer un nouveau processus de paix entraînant, à terme, la création d’un état palestinien. Blinken a indiqué, la semaine dernière, qu’Israël ne pourrait jamais connaître « une véritable sécurité » sans perspective d’établissement d’un état palestinien, soulignant qu’une telle initiative pourrait aider à unifier le Moyen-Orient et à isoler l’ennemi juré de l’État juif, l’Iran.
« Vous ne connaitrez jamais la sécurité véritable dont vous avez besoin sans cela. Et, bien sûr, à cette fin également, une Autorité palestinienne réformée, plus forte, qui pourra obtenir des résultats pour sa propre population, devra aussi faire partie de l’équation », a ajouté Blinken.
L’Autorité palestinienne « n’est pas la solution », affirme Cohen pour sa part, faisant écho à des propos tenus par Netanyahu.
« Nous comprenons tous que l’Autorité palestinienne est problématique », ajoute-t-il. « L’Autorité palestinienne est la seule autorité, dans le monde, à verser des salaires à ceux qui tuent des Juifs. C’est le seul territoire, dans le monde, où la population est financièrement incitée à assassiner ».
Cela fait longtemps qu’Israël accuse l’Autorité palestinienne d’encourager le terrorisme et les activités de militantisme en rendant ouvertement hommage aux attaquants et en versant des allocations à leurs familles s’ils sont tués ou placés en détention dans des prisons israéliennes.
Un an de diplomatie
Cohen, 51 ans, a été ministre des Affaires étrangères pendant toute l’année 2023, dans le cadre d’un accord de rotation interne au Likud. Il a dorénavant pris le portefeuille de l’Énergie et c’est Israel Katz qui est devenu le nouveau chef de la diplomatie israélienne.
Même s’il a quitté le ministère des Affaires étrangères, Cohen continue à être membre du cabinet de sécurité et il reprendra son poste, dans son ancien ministère, en 2026 – si le gouvernement actuel est encore au pouvoir.
Évoquant ses réussites au cours de l’année passée, Cohen souligne l’aide militaire continue accordée par les États-Unis ; le fait que peu de pays occidentaux ont exercé des pressions en faveur d’une fin des combats contre le Hamas ; les 30 hauts-responsables et leaders du monde qui sont venus en visite de solidarité au sein de l’État juif après le 7 octobre et les délégations des membres des familles des otages qui l’ont accompagné lors de déplacements à l’étranger.
Avant la guerre, Cohen avait supervisé l’ouverture de quatre nouvelles ambassades en Israël ; des accords prévoyant l’ouverture de quatre nouvelles missions à Jérusalem ; l’inauguration d’ambassades israéliennes en Azerbaïdjan et au Turkménistan, à la frontière avec l’Iran ; l’ouverture de l’espace aérien d’Oman aux vols israéliens et un accord de libre-échange avec les Émirats arabes unis.
Mais le ministre a aussi suscité la controverse pendant son mandat.
Dans son tout premier discours, alors qu’il prenait son poste aux Affaires étrangères, Cohen avait déclaré qu’Israël allait « moins parler » de la guerre en Ukraine, une déclaration qui, selon l’interprétation faite par de nombreux alliés d’Israël, indiquait que le gouvernement s’abstiendrait de critiquer ouvertement la Russie. Il avait aussi annoncé qu’il s’entretiendrait avec son homologue russe Sergey Lavrov avant tout échange avec les responsables ukrainiens, suscitant la colère de Kiev.
Mais Cohen s’était rendu à Kiev, calmant les tensions.
Au mois d’août, Cohen avait révélé qu’il s’était entretenu avec la ministre libyenne des Affaires étrangères et cette dernière avait dû fuir son pays. Il avait été âprement critiqué pour avoir médiatisé officiellement sa rencontre avec Najla Mangoush, l’opposition mettant en accusation un manque de jugement « irresponsable » et un comportement « d’amateur », et des sources gouvernementales de premier plan avaient estimé qu’il avait porté gravement atteinte à la diplomatie israélienne.
Il a été aussi récemment accusé d’avoir politisé son bureau après avoir, semble-t-il, commandé des passeports diplomatiques au nom de membres de son parti du Likud – une information qui a été démentie par les responsables du ministère.
Cohen a aussi pris part au réchauffement temporaire des relations avec la Turquie, s’envolant pour le pays, qui venait d’être frappé par un séisme dévastateur, au mois de février. Il a toutefois rappelé l’ambassadeur d’Israël lorsque le président turc Recep Tayyip Erdogan a fustigé avec force l’État juif pour sa campagne militaire contre le Hamas.
« Erdogan est un ingrat », déclare Cohen. « Israël a été le tout premier pays à venir apporter son aide pendant le tremblement de terre ».
Cohen indique s’être entretenu à une occasion avec le chef de la diplomatie turc, Hakan Fidan, après le 7 octobre : « Je lui ai dit qu’il s’agissait à l’évidence d’un acte de terrorisme. Je lui ai dit qu’à l’évidence, Israël devait réagir ».
Pour Cohen, il n’y aura pas d’amélioration dans les liens entre les deux pays « tant qu’Erdogan sera le président de la Turquie ».
Il appelle aussi Israël à continuer de soutenir l’Ukraine.
« Nous devons nous placer du bon côté de l’Histoire, ce qui signifie que nous devons soutenir la souveraineté et l’intégrité de l’Ukraine », dit-il.
Au cours de son voyage en Ukraine, Cohen avait bien été reçu par son homologue Dmytro Kuleba après avoir promis 200 millions de dollars en garantie de prêts à destination des soins de santé et des infrastructures civiles, offrant également l’assistance d’Israël dans le développement d’un système d’alerte anti-missile intelligent.
« Nous devons soutenir l’Ukraine et nous devons le faire sans ambiguïté. En même temps, nous devons protéger nos intérêts sécuritaires dans la région et la Russie est une actrice régionale que nous ne pouvons pas nous permettre d’ignorer », déclare-t-il.
La Russie conserve une présence militaire en Syrie, pays voisin d’Israël, à la frontière nord du pays. La nécessité de trouver l’équilibre entre les intérêts sécuritaires sur le territoire israélien et la politique étrangère a entraîné une réponse empreinte de retenue de la part des gouvernements successifs en ce qui concerne la guerre en Ukraine, l’État juif tentant de conserver des relations avec Moscou et avec Kiev.
Mais dans un contexte de guerre à Gaza qui a été condamnée par Moscou et alors que le Kremlin a refusé de condamner le Hamas, les relations entre l’État juif et la Russie se sont détériorées.
« Etre du bon côté de l’Histoire, c’est aussi soutenir Israël contre le Hamas », ajoute Cohen.
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