En Israël, le chef druze prie le monde d’aider la Syrie à sortir de l’impasse
Le cheikh Muafak Tarif exhorte la communauté internationale à instaurer une démocratie qui protège les minorités

S’exprimant lors d’une conférence sur « Les Druzes et la sécurité d’Israël : l’alliance de sang dans la pratique » au Collège de Galilée occidentale d’Akko, le chef spirituel de la communauté druze d’Israël, le cheikh Muafak Tarif, a averti lundi « qu’à moins d’une heure et demie de route [en Syrie] se trouvent des groupes terroristes extrémistes qui menacent Israël ».
« Après le 7 octobre [2023] et après ce qu’a fait le [groupe terroriste chiite libanais du] Hezbollah, Israël ne peut pas permettre à des groupes terroristes extrémistes d’être à sa frontière nord », a déclaré Tarif.
Il a appelé la communauté internationale à aider la Syrie à sortir de « l’impasse » dans laquelle elle se trouve et à mettre en place un gouvernement démocratique incluant les différents groupes ethniques du pays, ce qui, selon lui, pourrait finalement conduire à la paix avec Israël.
Tarif a déclaré qu’il y avait « un millier de soldats étrangers appartenant au [groupe terroriste sunnite] État islamique qui affirment que les Druzes ne font pas partie de la Syrie ».
« Les Druzes ont essayé de faire partie du nouveau gouvernement et d’obtenir leurs droits civils fondamentaux », a-t-il souligné. Les Druzes israéliens « ne veulent pas s’immiscer dans la politique syrienne, mais nous ferons tout notre possible pour protéger les Druzes », a-t-il ajouté.
Les Druzes forment une minorité qui joue un rôle important au Moyen-Orient et dont les membres sont répartis entre Israël, le Liban et la Syrie où des affrontements sanglants les ont récemment opposés à des combattants affiliés aux autorités islamistes.

La communauté druze en Syrie attend l’aide de la communauté internationale, mais « cela ne s’est pas produit ».
Par ailleurs, Tarif a souligné que « par-dessus tout », le plus important est le retour des otages de Gaza et la fin de la guerre.
« Les Druzes sont une communauté supra-tribale qui transcende l’espace et la géographie », explique Makram Rabah, professeur adjoint d’histoire à l’Université américaine de Beyrouth.
Les plus d’un million de Druzes du Moyen-Orient « ont joué un rôle très important » dans la région, ajoute Rabah, précisant qu’ils font partie « des communautés fondatrices » au Liban et en Syrie.
Religion et traditions
La pensée druze est apparue en Égypte au début du 11ᵉ siècle comme une secte au sein du chiisme. Elle reste perçue comme un courant ésotérique par l’islam dominant.
Entourée d’une forme de secret, elle intègre des éléments mystiques comme la croyance en la réincarnation dans l’homme. « On ne sait pas qu’ils sont Druzes tant qu’ils ne le disent pas », selon Rabah.

La communauté n’accepte pas de nouveaux convertis et décourage les mariages hors de la communauté.
Une source familière des rituels druzes a indiqué sous le couvert de l’anonymat que l’émergence de cette foi avait été influencée par d’autres concepts religieux et philosophiques, notamment ceux du philosophe grec Platon.
Les fêtes religieuses druzes coïncident avec le calendrier musulman. La tenue traditionnelle druze est noire. Les hommes portent des bonnets blancs ou des turbans, et les femmes se couvrent la tête et une partie du visage avec un long voile blanc.
Où sont-ils ?
« Là où des frontières ont été tracées, les Druzes ne les ont pas vraiment reconnues », affirme Rabah, notamment parce que l’on se marie volontiers entre Druzes de toute la région.
« Les religieux jouent un rôle très important pour maintenir ces liens », souligne-t-il.
Avant le début de la guerre civile en 2011, la Syrie comptait, selon des estimations, environ 700 000 Druzes, parlant l’arabe, la langue commune à tout le pays qui abrite une mosaïque de communautés.
Selon l’universitaire, poète et calligraphe Sami Makarem (1931-2012), les Druzes ont commencé à migrer vers le sud de la Syrie au 16ᵉ siècle, dans une région aujourd’hui dénommée Jabal al-Druze, dans la province de Soueïda.
Les Druzes syriens sont principalement concentrés dans ce bastion de Soueïda, la province voisine de Qouneitra et la banlieue de Damas, notamment à Jaramana et Sahnaya, récemment touchées par des violences confessionnelles.
Au Liban, quelque 200 000 Druzes vivent principalement dans le centre montagneux du pays et le sud, près des frontières israélienne et syrienne, selon des estimations.
En Israël, environ 153 000 Druzes sont citoyens israéliens, habitant principalement dans le nord.
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Contrairement aux autres Arabes israéliens, les Druzes sont soumis à l’enrôlement obligatoire dans l’armée. Deux délégations de religieux Druzes syriens ont effectué des pèlerinages sur un site sacré en Israël cette année, malgré l’état de guerre entre les deux pays.
Sur le plateau syrien du Golan, plus de 22 000 Druzes ont un statut de résident permanent. Seuls 1 600 ont accepté de prendre la nationalité israélienne, les autres restant attachés à leur identité syrienne.
La reprise du Golan, suite à la Guerre des Six Jours en 1967, a séparé des familles, bien que les Druzes du Golan aient souvent pu se rendre en Syrie pour étudier ou assister à des mariages.
Certains Druzes du sud de la Syrie se sont également installés en Jordanie voisine, où la communauté est estimée entre 15 000 et 20 000 personnes.
Hors du Moyen-Orient, la diaspora druze a essaimé en Amérique du Nord, Amérique latine et Australie.
Politique
Les dirigeants Druzes sont un ferment du nationalisme au Proche-Orient depuis l’empire ottoman.
En Syrie, le druze Sultan Pacha al-Atrache, à la tête d’une insurrection en 1925-1927, a été précurseur de l’indépendance de la Syrie face à la France, finalement obtenue en 1946.

Au Liban, le leader druze Kamal Joumblatt a eu un rôle clé à partir des années 1950 jusqu’à son assassinat en 1977 commandité par la Syrie pendant la guerre civile.
Depuis la chute du dictateur syrien Bashar el-Assad en décembre, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les Druzes, une solidarité diversement appréciée dans la communauté.
Walid Joumblatt, 76 ans, qui a pris sa relève de son père, a exhorté les Druzes de Syrie à rejeter « l’ingérence israélienne » et les leaders Druzes de Syrie ont réaffirmé leur loyauté envers une Syrie unie, certains appelant cependant à une protection internationale après les récentes violences.
En Israël, Tarif, a lui appelé l’État hébreu à protéger les Druzes de Syrie.
Signe qu’il existe une « lutte de pouvoir entre les Druzes à travers les trois États », selon Rabah.