En Israël, le droit international aux prises avec les guerres du 21e siècle
Tandis que le monde entier doit dorénavant affronter un grand nombre de défis que relève l'état Juif depuis des décennies, l'armée israélienne accueille une conférence sur le droit des conflits armés avec 100 représentants venus de plus de 20 pays

On dit que « tous les coups sont permis dans l’amour et dans la guerre », mais tout pourrait bien néanmoins ne pas être légal. Une accumulation, vaste et incohérente, d’accords, de conventions et de statuts internationaux forme le « droit des conflits armés » – tel qu’on l’appelle – et qui dicte comment les militaires partout dans le monde peuvent faire la guerre et contre qui.
Tandis que le monde est largement passé d’états nations luttant contre d’autres états nations à un monde où les états nations combattent des groupes terroristes et autres acteurs non-étatiques, le corpus nécrosé des lois militaires internationales lutte pour se maintenir.
Mardi, ce sont plus de 100 spécialistes et praticiens du droit militaire international venu de plus de 20 pays qui se sont réunis au Centre Kfar Maccabiah, aux abords de Tel Aviv, dans le cadre d’une conférence de trois jours sur le droit des conflits armés organisée par l’armée israélienne.
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« Lorsque j’ai rejoint le département du droit international il y a plus de vingt ans au sein de l’armée israélienne, nous étions sept officiers. Notre gestion du droit des conflits armés était limitée. Les spécialisations et les écrits sur le droit international l’étaient également. La bibliothèque de notre bureau ne contenait que quelques étagères », commente le brigadier général Sharon Afek, avocat-général militaire de l’armée israélienne, durant son discours d’ouverture.
« Nos discussions ensemble sont vitales. Ensemble, nous pouvons renforcer l’autorité de la loi et garantir que la loi se développe d’une manière qui puisse cimenter sa pertinence et son importance », a continué Afek.
Des représentants des armées américaine et australienne, les ministères de la Défense du Royaume Uni et de France et des professeurs issus d’écoles de droit de toutes les régions du monde doivent s’exprimer lors de cet événement, le second en son genre organisé par l’armée israélienne.

Le procureur général Avichai Mandelblit s’est exprimé lors de cette conférence, saluant l’engagement d’Israël dans le domaine du respect du droit international.
L’ancien président de l’Université de Tel Aviv et doyen de la faculté de droit, le Professeur Yoram Dinstein, largement considéré comme un expert du droit des conflits armés, a prononcé le discours inaugural. Ses propos toutefois n’ont pas été répétés à la presse, comme cela a été le cas d’une grande partie de la conférence.
C’est la deuxième fois qu’Israël accueille un tel sommet. Le dernier avait été organisé il y a deux ans sous la direction de l’avocat général militaire d’alors, le major général Danny Efroni.
Contrairement aux lois pénales nationales, il n’y a pas un seul recueil de lois gouvernant la guerre, ou un organisme ayant la charge de les faire appliquer. Il y a certains accords, comme la Convention de Genève, qui sont universellement reconnus mais d’autres ne sont pas pleinement soutenus par l’ensemble de la communauté mondiale.
Selon un livre paru en anglais à ce sujet, « A Table Against Mine Enemies: Israël on the Lawfare Front », quatre principes de base déterminent le droit des conflits armés : la nécessité, la distinction, la proportionnalité et la protection.
Le principe de nécessité réclame généralement la définition d’un objectif clair à l’origine d’une attaque. La distinction exige que l’attaquant fasse la différence entre la cible et les civils, la proportionnalité demande que l’attaque soit à la mesure de l’objectif à réaliser et la protection interdit l’utilisation des civils comme « boucliers humains ».
Toutefois, il persiste un niveau assez important d’ambiguïté ou de subjectivité dans le cadre de ces règles de base.

Dans son discours, Afek a évoqué certaines complexités et défis juridiques qu’Israël doit affronter, notamment « l’intégration dans les institutions d’état du Liban » du Hezbollah, la nécessité de respecter le principe de la proportionnalité lors des combats menés dans des zones urbaines et densément peuplées – comme c’est le cas au Liban et à Gaza – et la dynamique « fluide » en Syrie, qui complique les « objets et les personnes » ciblées.
« Et ceci, sans considérer les domaines émergents comme le droit du cyber-espace et le droit spatial », a expliqué le brigadier général.
Dans son discours, Afek s’est intéressé spécifiquement aux défis que l’armée israélienne en particulier devra affronter, mais il a noté qu' »un grand nombre de ces défis ne sont pas propres au contexte d’Israël et, en effet, nos expériences partagées expliquent la présence d’un grand nombre d’entre vous ici ».
Certains des sujets seront débattus dans des ateliers de travail et lors de débats au cours des trois prochains jours. Cela ne sera pas le cas toutefois du domaine émergent de la guerre électronique.
Le chef du département du droit international, le colonel Eran Shamir-Borer, dirigera un débat jeudi en compagnie d’un général américain à la retraite – actuel magistrat militaire du Commandement central américain – et de deux professeurs de droit, une discussion au cours de laquelle les spécialistes s’interrogeront sur la légalité des cibles visées par les militaires.
Par exemple, un terroriste tirant avec une arme à feu sur des civils pourrait être clairement défini comme une cible légitime. Mais est-ce le cas de la personne qui a amené le terroriste sur le lieu de l’attentat, ou de celle dont l’argent a permis l’achat de l’arme ?
Ce sont des questions auxquelles Israël doit répondre depuis des décennies, mais que les autres pays commencent seulement à découvrir.
Un ancien lieutenant colonel de l’armée américaine, le professeur Geoffrey Corn de la faculté de droit du sud du Texas, devrait présider un débat sur le droit des conflits armés lors des opérations sur le terrain, qui peuvent soulever un grand nombre de problématiques dans les environnements urbains où civils et combattants sont amenés à se côtoyer étroitement.

La question des opérations de terrain suscite l’intérêt particulier d’Israël qui a combattu lors des guerres à Gaza et dans le sud du Liban – et qui pourrait être encore impliqué dans ce type de conflits. Pour la majorité des pays occidentaux, ce sont les opérations aériennes qui sont devenues prioritaires.
La situation politique et sécuritaire israélienne se distingue de celle de la majorité des pays occidentaux en cela que le pays mène souvent des guerres sur ses propres frontières et non à l’étranger.
Et pourtant, malgré ses caractéristiques uniques, l’état juif est étroitement observé par les pays étrangers pour ses expériences acquises sur les différents fronts.
Israël a, par exemple, ciblé les commandants de groupes terroristes depuis bien plus longtemps que les autres nations. Sa pratique d’avertissements ciblés en amont de certaines frappes militaires – avec notamment le parachutage de prospectus, de dispositifs non-explosifs ou des appels téléphoniques alertant les résidents d’une frappe aérienne à venir, une démarche connue sous le terme de « roof-knocking » ou « coup sur le toit » – doit encore être pleinement mise en oeuvre par les autres pays.
En plus des débats et des discours, la conférence permettra aux participants de se rendre sur les frontières israéliennes avec la Syrie et le Liban, au nord du pays, et des groupes de travail seront organisés lors desquels les intervenants devront déterminer des recommandations légales réalistes concernant l’approche des militaires sur la base de scénarios différents.
Selon Afek, l’objectif de la conférence n’est pas seulement le développement professionnel mais aussi le réseautage.
« J’espère que nous créerons de nouvelles amitiés et de nouvelles relations, que ces questions seront élargies dans des écrits et dans les blogs juridiques, et que nous resterons en contact », a-t-il indiqué dans son discours.
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