En Lorraine, les petits-enfants d’un SS face aux descendants de déportés
Trois petits-enfants d'Erich Wenger, un SS tenu responsable d'une rafle meurtrière à Pexonne ont été accueillis avec bienveillance à une cérémonie, 79 ans jour pour jour après les faits
« Inoubliable » : 79 ans jour pour jour après, trois petits-enfants d’Erich Wenger, un SS tenu responsable d’une rafle meurtrière dans le petit village lorrain de Pexonne, sont venus dimanche à la rencontre des descendants des déportés.
A la limite des Vosges, Pexonne est aujourd’hui un bourg paisible de quelques centaines d’âmes. Il y a 80 ans, il fut pourtant le théâtre d’une tragédie comme la Seconde guerre mondiale en regorge.
Le 27 août 1944, au prétexte de la lutte contre les maquis locaux, 112 habitants furent arrêtés par les troupes allemandes : trois furent fusillés sur place, 78 déportés vers le camp de Mauthausen. Seuls 15 reviendront de l’enfer concentrationnaire nazi.
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Le responsable présumé de cette tragédie peu connue : le capitaine SS Erich Wenger, inquiété après guerre mais jamais condamné pour cette rafle. Il a bénéficié de trois non-lieux en France et la procédure le visant en Allemagne a été close notamment pour « prescription », explique à l’AFP Guillaume Maisse, auteur de l’ouvrage Pexonne, 27 août 1944. La rafle oubliée.
Petit-fils de Georges Belin, l’un des raflés mort à Mauthausen, M. Maisse s’est plongé dans la poussière des archives pour refaire l’histoire de cette tragédie selon lui jusqu’alors peu documentée.
En poste à Paris, Wenger se repliait vers Berlin lorsqu’il a reçu l’ordre de constituer un « Kommando » pour « nettoyer » les maquis près de Baccarat, relate celui qui a fondé l’association « Pexonne, 27 août 1944. Histoire et Mémoire » et entretient chaque année la flamme du souvenir avec une cérémonie.
« Impunité »
Cette année, pour la première fois, les petits-enfants du SS, deux sœurs françaises et leur cousin allemand, y ont assisté, à leur demande, pour y rencontrer des descendants des victimes.
« Nous sommes là pour dire: ‘On reconnaît votre peine' », explique à l’AFP Anne, 54 ans, venue en Lorraine avec sa sœur Christine et leur cousin Sacha. « A aucun moment, cet homme-là (son grand-père, ndlr) ne s’est excusé de la responsabilité de ses actes », poursuit cette couturière qui préfère ne pas donner son nom.
Erich Wenger a eu trois enfants, deux filles et un garçon aujourd’hui décédé. L’aînée, née en 1939, est la mère de Anne et Christine. Dans les années 60, elle est partie travailler au bureau parisien de la compagnie aérienne allemande Lufthansa. Elle épousera un Franco-suisse et fera sa vie en France.
Né en 1912 et mort en 1978, Wenger a, comme d’autres nazis, travaillé après-guerre pour les renseignements de son pays. Son nom était apparu dans les années 60 dans un article de l’hebdomadaire allemand Der Spiegel sur la présence d’anciens nazis dans les services secrets de la RFA.
De ce grand-père qu’elle n’a que brièvement connu, Anne ne garde que de vagues souvenirs lors de rares voyages outre-Rhin. « Il ne venait jamais en France » mais a « vécu une vie de père et de grand-père en toute impunité », explique celle qui a appris « vers 10, 11 ans » son passé nazi : ça n’a jamais été ni « tabou » ni « caché » dans sa famille, même si évidemment « on ne s’en vantait pas ».
C’est son cousin allemand Sacha qui, ne parlant pas français, lui « a demandé de faire des recherches en France », explique-t-elle. C’est ainsi qu’elle est tombée sur la page Facebook de l’association de M. Maisse, qu’elle a alors contactée.
« Chamboulé »
« C’est beaucoup d’émotion, je suis impressionnée par le monde présent, qu’ils aient fait en sorte que ça continue à vivre toutes ces années », a-t-elle expliqué à l’AFP après la commémoration – une messe puis une cérémonie sur la place de l’église, où les 112 habitants avaient été rassemblés le matin du 27 août 1944.
Si les petits-enfants d’Erich Wenger ne se sont pas exprimés publiquement, leur présence a été accueillie avec bienveillance par les 300 participants – contre une centaine habituellement.
« Cette cérémonie a revêtu un caractère exceptionnel », a estimé Michel Chanal, retraité de 69 ans et fils de René Chanal, rescapé, saluant « un geste fort ». « Un beau symbole », a abondé Martine Verdier, 64 ans, fille de Pierre Lallemand, autre rescapé.
« J’ai échangé avec Anne et les autres, ça m’a chamboulé », a confié le maire de Pexonne, Dominique Foinant. « Un grand moment de mon mandat. Inoubliable ».
« On va maintenir des liens » durables avec Anne, sa sœur et leur cousin pour qu’ils reviennent, explique M. Maisse.
En 2024, pour les 80 ans de la rafle, la pose de 112 « Stolpersteine » dans le village débutera. Des pavés mémoriels dédiées aux victimes du nazisme et qui seront frappées du nom des 112 habitants arrêtés, pour que cette tragédie ne soit plus oubliée.
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