Eric Zemmour, chantre de « l’identité française », est candidat à la présidentielle
Sa candidature intervient à un moment où il enregistre une série de revers : sondages en baisse, retrait de soutiens, et perte de sang-froid sur le terrain
Eric Zemmour, ex-journaliste politique et écrivain pamphlétaire à succès, est désormais officiellement candidat à la prochaine présidentielle française après en avoir fait l’annonce dans une vidéo publiée sur Facebook et les réseaux sociaux.
M. Zemmour a bâti sa notoriété sur les plateaux de télévision, où il assène depuis une décennie sa vision ultra radicale d’une France en déclin menacée par l’immigration et l’islam.
À 63 ans, cet homme exécré autant qu’adulé se jette dans l’arène, après des mois de sondages prometteurs et une attention médiatique exceptionnelle. Toutefois, sa candidature intervient à un moment où le polémiste enregistre une série de revers : sondages en baisse, retrait de soutiens, et perte de sang-froid sur le terrain.
Eric Zemmour, qui s’affiche comme le candidat capable de « renverser la table » et de torpiller « les élites » d’un système politique rouillé, séduit, fascine, révulse.
Son obsession d’une identité française menacée par un « grand remplacement » maghrébin, africain et musulman, ses provocations racistes et misogynes, son combat contre le « politiquement correct » lui ont pour le moment servi de programme électoral.
https://www.youtube.com/watch?v=k8IGBDK1BH8
S’appuyant sur ses origines modestes et son parcours de Juif berbère « assimilé », jouant de son profil d’intellectuel féru d’histoire et de littérature, il rêve de réussir l’alliance entre « la bourgeoisie patriote et les classes populaires ».
Jusqu’à il y a quelques semaines, Eric Zemmour marchait sur l’eau. Parti mi-octobre sillonner la France pour faire la promotion de son dernier livre, il était accueilli comme une rock star par des publics conquis criant « Zemmour président ! ».
Grisé, jouissant de ces accueils « mickjaggériens » selon sa propre formule, Zemmour a toutefois déchanté lors de visites sur le terrain où il n’était pas le bienvenu, comme lors d’un calamiteux déplacement dans la cosmopolite Marseille le week end dernier, achevé par un échange de doigts d’honneur avec une opposante.
Né à Montreuil, en banlieue parisienne, d’une famille juive algérienne modeste venue en France dans les années 50, Eric Zemmour a suivi le parcours d’un jeune homme « élevé dans les livres et dans l’amour de la France ».
Bonapartiste et réactionnaire assumé, chantre d’un « nationalisme ethnique », il va jusqu’à défendre des thèses révisionnistes, louant le maréchal Pétain pour avoir « sauvé des Juifs français » pendant la Collaboration…
Tapis rouge médiatique
Sa France rêvée est aussi celle où « l’homme blanc, hétérosexuel et catholique » peut enfin se débarrasser de « la culture woke et culpabilisatrice », « celle où un homme tient la porte aux femmes, où on pense qu’un homme doit protéger les femmes », et où les enfants sont préservés de « l’idéologie LGBT ».
Sorti de la prestigieuse école de Sciences Po, Eric Zemmour a néanmoins échoué à deux reprises au concours de l’ENA, l’école de l’élite politique française. Il s’est rabattu sur le journalisme politique, notamment dans le journal de droite Le Figaro, tout en écrivant des pamphlets à succès. La télévision lui a ouvert les bras au début des années 2010, et son rôle d’iconoclaste sans filtre dans des émissions d’infotainment grand public lui a assuré une notoriété qui est allée croissant.
« On est une génération qui a grandi avec lui à la télé le samedi soir », confiait récemment une jeune femme de 21 ans lors d’une conférence de Zemmour à Versailles. « Il nous a donné envie de politique, envie d’être amoureux de la France », estimait-elle.
De 2019 à la rentrée 2021, le polémiste a occupé le centre d’une émission quotidienne sur la chaîne du magnat milliardaire Vincent Bolloré, CNews, souvent comparée à la Fox News américaine.
Son discours radical séduit un auditoire fustigeant notamment Marine Le Pen, la cheffe de l’extrême-droite française, qui s’escrime depuis des années à dédiaboliser son camp.
Depuis 2011, M. Zemmour a été condamné à deux reprises pour incitation à la haine raciale, et d’autres procédures sont en cours.
Courtois et sympathique en privé selon d’anciens confrères, l’homme peut se montrer cassant, voire agressif : il traite une ministre « d’imbécile », accuse une jeune femme nommée Hapsatou d’avoir un prénom qui est « une insulte à la France », vise des journalistes avec un fusil de présentation lors d’un salon. Ses dérapages évoquent parfois l’ancien président américain Donald Trump, qu’il admire.
« Je me moque de ce que peuvent dire les autres, ils sont tellement prévisibles, tellement minables ! », lâchait l’ancien éditorialiste lors d’une de ses conférences à Versailles.
Marié et père de trois enfants, cet homme fluet au regard vert perçant va désormais devoir dérouler un programme électoral et faire face à la dureté d’une campagne et aux coups de projecteurs sur sa vie privée, sur des accusations d’agressions sexuelles dont il fait l’objet, sur ses financements.