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Etre enterré en Algérie, ultime vœu d’un juif « exilé », pour Benjamin Stora

De nombreuses personnalités ont rendu hommage à Roger Hanin avant son enterrement vendredi à Alger

Un rabbin priant lors de l'enterrement de Roger Hanin au cimetière St Eugène à Alger le 13 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / FAROUK BATICHE )
Un rabbin priant lors de l'enterrement de Roger Hanin au cimetière St Eugène à Alger le 13 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / FAROUK BATICHE )

La volonté du comédien français Roger Hanin d’être inhumé à Alger rappelle un attachement profond qui perdure chez certains juifs « exilés » en France, estime Benjamin Stora, historien spécialiste des relations franco-algériennes.

Q. Comment comprenez-vous la demande de Roger Hanin d’être inhumé en Algérie ?

R. « Une telle demande est très rare, minoritaire. Il suffit de voir le carré juif de Pantin (banlieue de Paris, NDLR): il y a énormément de juifs d’Algérie. Roger Hanin était français, mais il portait l’Algérie au cœur, et vivait le départ vers la France comme un exil.

Il existe, chez certains juifs d’Algérie, un attachement à une terre algérienne fraternelle, multiculturelle, proche du projet des communistes algériens. C’était, comme le disait Maurice Thorez, l’idée de construire une nation algérienne ‘dans le creuset de vingt races’. »

Q. Vous parlez de « trois exils » pour décrire le destin des juifs d’Algérie…

R. « Cette histoire a été en grande partie celle d’un attachement, d’un rattachement à la France, depuis pratiquement l’arrivée des Français en 1830, et même avant le décret Crémieux (qui accordait la nationalité française à tous les juifs d’Algérie en 1870, NDLR).

Quand on arrive à la guerre de 1914, la plupart des juifs d’Algérie se sentent et se vivent français. Ils vont aller sur les champs de bataille, en 14-18. J’ai eu pour ma part un oncle qui est mort à Verdun.

Enfant, la prière pour le président de la République dans la synagogue de Constantine où j’allais avec mon père le samedi matin était un rite obligé.

L’attachement à la France et à la République était très fort. Même quand les lois de Vichy les ont chassés de la nationalité française, les juifs d’Algérie ne pensaient qu’à revenir dans le giron de la France, c’était leur bataille, le rétablissement du décret Crémieux. »

Benjamin Stora au 19ème Maghreb des Livres à Paris le 16 février 2013 (Crédit : Indif/Creative Commons/Wikimédia)
Benjamin Stora au 19ème Maghreb des Livres à Paris le 16 février 2013 (Crédit : Indif/Creative Commons/Wikimédia)

Q. Dans ces conditions, comment expliquer la difficulté de certains à tourner la page de l’Algérie ?

R. « Pour comprendre Roger Hanin, il faut se dire qu’il y avait aussi parmi les juifs d’Algérie, de manière très minoritaire, des gens proches du Parti communiste algérien, notamment après 1945.

Ils étaient sur des positions d’autonomie, pas d’indépendance – comme le père de Roger Hanin, ou Daniel Timsit, un responsable des étudiants communistes d’Alger qui s’est engagé du côté du FLN en 1956 – et défendaient une Algérie française fraternelle, égalitaire, un peu sur une problématique camusienne. »

Q. Vous publiez en mars un ouvrage, « Les Clés retrouvées » (Stock) où vous témoignez vous-même du profond attachement à la France des juifs algériens…

R. « Mes parents aussi avaient suivi la France. Mais à la maison il y avait les photos de Constantine, la musique de Cheikh Raymond, la langue arabe… Ils étaient des exilés, tout en étant profondément français. »

Q. Où en est-on aujourd’hui dans le rapport des juifs à l’Algérie ?

R. « Il y a des voyages, des visites. Le lien fort qui existe, fondamentalement, c’est celui des cimetières, comme témoignage d’une histoire qui a disparu après 1962. C’est le lieu de mémoire dans les grandes communautés, à Constantine ou Alger par exemple. Mais le retour en Algérie, non. A ma connaissance, ça n’existe pas. »

De nombreuses personnalités à l’hommage à Roger Hanin à Paris.

La comédienne Anouk Aimée, les réalisateurs Alexandre Arcady, Robert Hossein et Elie Chouraqui ont participé parmi de nombreuses autres personnalités jeudi dans une synagogue du centre de Paris à l’hommage à l’acteur Roger Hanin, mort mercredi à Paris à l’âge de 89 ans.

La petite rue abritant la synagogue Buffault était gardée par des militaires arme au poing, devant une foule de photographes attendant les participants.

La cérémonie a commencé par des psaumes en présence du grand rabbin de France Haim Korsia et notamment de l’ex-ministre français de la Culture Jack Lang.

Alexandre Arcady arrivant à la cérémonie en hommage à Roger Hanin le 12 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN )
Alexandre Arcady arrivant à la cérémonie en hommage à Roger Hanin le 12 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN )

« Il aimait dire ‘j’ai trois pays, l’Algérie où je suis né, Israël la terre de mes origines et la France, ma patrie' », a rappelé Alexandre Arcady.

« Alors qu’il n’avait accepté aucune décoration, il avait accepté la médaille Achir, la plus haute distinction algérienne », a souligné le réalisateur, ajoutant : « je n’aimerais pas qu’on évoque Roger Hanin avec tristesse. C’est un homme qui aimait tellement la vie ».

« Quand on pense à Roger Hanin, on ne peut pas s’empêcher de penser: quelle vie », a-t-il lancé en évoquant les grandes étapes de la vie de l’acteur, de la Kasbah d’Alger à Paris.

Robert Hossein a fait part de sa « tristesse » du départ d’une personne qu’il a « tant aimé ».

L’acteur sera inhumé vendredi matin à Alger au cimetière israélite Saint-Eugène où repose déjà son père, a annoncé jeudi un représentant de la communauté juive algérienne.

La dépouille de l’acteur, célèbre pour son rôle de commissaire dans la série télé « Navarro », doit être transportée à bord d’un avion tôt vendredi. Elle sera directement transférée vers le cimetière où l’inhumation devrait se dérouler en milieu de matinée, a indiqué ce responsable à l’AFP.

Roger Hanin avait préparé ses obsèques et demandé aux autorités algériennes à être inhumé à Alger, la ville où il est né le 20 octobre 1925.

Eli Chouraqui arrivant à la cérémonie en hommage à Roger Hanin le 12 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN )
Eli Chouraqui arrivant à la cérémonie en hommage à Roger Hanin le 12 février 2015 (Crédit : AFP PHOTO / STEPHANE DE SAKUTIN )

Devenu un acteur très populaire grâce à l’immense succès de la série télévisée « Navarro », Roger Hanin a tourné dans près d’une centaine de films, dont « Le coup de Sirocco » où il joue un pied-noir contraint de quitter l’Algérie pour la France après les événements.

Roger Hanin a été enterré dans un cimetière juif d’Alger

L’acteur français Roger Hanin, mort mercredi à Paris à l’âge de 89 ans, a été inhumé vendredi dans un cimetière juif d’Alger, sa ville natale, a constaté un journaliste de l’AFP.

Roger Hanin, célèbre pour son rôle de commissaire dans la série télévisée « Navarro », a été enterré en fin de matinée au cimetière israélite de Saint-Eugène dans l’intimité, selon le souhait de sa famille.

Une vingtaine de personnes étaient présentes, dont des proches comme le réalisateur Alexandre Arcady, l’ambassadeur de France en Algérie Bernard Emié et le wali (préfet) d’Alger Abdelkader Zoukh.

La dépouille de l’acteur était arrivée peu auparavant à bord du vol régulier AH 1009 de la compagnie Air Algérie en provenance de Paris.

Le cercueil avait été ensuite transporté vers le cimetière où il a été accueilli par une haie d’honneur de la protection civile.

Roger Hanin a été enterré à proximité de la tombe de son père.

L’acteur était retourné dans son quartier natal de Marengo, il y a trois ans, se souvient un ami d’enfance, Abdelkader Kribi. « Il est revenu pour revoir ses amis d’enfance dans ce quartier où vivaient beaucoups de juifs dans les années 1950 qui ont vécu parmi nous comme de vrais Algériens », se rappele encore ce septuagénaire.

Pour Kribi, Roger Hanin était « plus Algérois que Parisien ».

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