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GB : Les conservateurs accusés de soutenir le gouvernement « antisémite » d’Orbán

Alors qu’Orbán envoie ses remerciements, les groupes communautaires juifs britanniques condamnent le parti de Theresa May, qui a auparavant toujours lutté contre l’antisémitisme

La Première ministre britannique Theresa May et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán lors du sommet informel de l'UE à Salzbourg, en Autriche, le jeudi 20 septembre 2018. (AP Photo / Kerstin Joensson)
La Première ministre britannique Theresa May et le Premier ministre hongrois Viktor Orbán lors du sommet informel de l'UE à Salzbourg, en Autriche, le jeudi 20 septembre 2018. (AP Photo / Kerstin Joensson)

LONDRES – Le Parti conservateur britannique a été vivement critiqué par des groupes juifs après qu’il a pris la défense du gouvernement controversé hongrois de droite lors d’un vote décisif au Parlement européen.

Le Conseil des députés des Juifs britanniques a jugé « très préoccupant » le fait que les conservateurs choisissent de soutenir le gouvernement du Premier ministre Viktor Orbán, accusé d’ « éveiller les préjugés » et de déployer « un antisémitisme virulent ».

Il s’agit là d’une rare réprimande envers le parti de la Première ministre Theresa May, qui a acquis une solide réputation pour sa bienveillance envers la communauté juive en Grande-Bretagne et pour sa lutte contre l’antisémitisme.

Selon une analyse du journal Independent, les conservateurs sont le seul parti de centre-droit en Europe occidentale à s’opposer à la mise en place de la mesure disciplinaire la plus grave de l’Union européenne contre un État-membre.

Lundi, Orbán a écrit une lettre afin de remercier les membres du Parti conservateur. « J’apprécie le soutien que vous avez manifesté en faveur de la souveraineté nationale et de la solidarité durant ce vote », a-t-il écrit.

La procédure dite de « l’article 7 » n’a jamais été engagée auparavant et nécessite l’approbation de la majorité des deux tiers au Parlement européen pour pouvoir débuter. Lors du vote du 12 septembre, 448 eurodéputés ont soutenu la motion, qui définirait le gouvernement hongrois comme une « menace systématique » vis-à-vis de la démocratie et de l’état de droit. Adoptée par 448 voix pour, 197 contre et 48 absentions, la procédure contre la Hongrie a donc été activée.

La sanction la plus sévère prévue à l’article 7 consiste à priver un pays de ses droits de vote au sein de l’UE.

Les députés européens participent à un vote à Strasbourg, dans l’est de la France, le mercredi 12 septembre 2018. Les députés européens ont voté en faveur du lancement d’une action contre le gouvernement hongrois du Premier ministre Viktor Orbán. (AP Photo / Jean-Francois Badias)

La Hongrie a qualifié le vote de l’UE de « petite revanche » face à sa farouche opposition à la politique européenne en matière de migration.

Les conservateurs se sont joints au parti Fidesz de Viktor Orbán et à une pléiade de partis d’extrême droite et populistes afin de voter contre la motion. Parmi eux, on trouvait notamment le Rassemblement national de Marine Le Pen, le Parti du droit et de la justice en Pologne, les Démocrates suédois, le Parti de la liberté en Autriche et la Ligue du ministre italien Matteo Salvini.

En Europe, le gouvernement d’Orbán a été accusé à plusieurs reprises de corruption présumée, d’entrave à l’indépendance de la justice et de danger pour la liberté des médias. Il a également été très critiqué pour sa rhétorique antisémite à peine déguisée et son islamophobie.

Avec ferveur, Marie van der Zyl, présidente du Conseil des députés britanniques, a déclaré après le vote du Parlement européen : « Comme nous l’avons indiqué précédemment, nous sommes très préoccupés par les messages se trouvant au cœur de la campagne électorale d’Orbán, et notamment ses commentaires concernant les ‘envahisseurs musulmans’, les migrants qui sont un ‘poison’ et l’antisémitisme dans sa campagne acharnée contre le philanthrope juif George Soros. »

« Ces préjugés du gouvernement hongrois – parallèlement à ses restrictions à la liberté de la presse et à l’indépendance du pouvoir judiciaire – doivent être stoppés avant qu’il sape de manière irréversible la démocratie hongroise. »

« Il est très préoccupant que les eurodéputés du Parti conservateur aient choisi de défendre les résultats effroyables de la Hongrie plutôt que de soutenir cette motion visant à protéger l’état de droit », a-t-elle déclaré.

Marie van der Zyl, présidente du Conseil des députés britanniques. (Publié avec autorisation)

Daniel Finkelstein, un éminent membre conservateur juif de la Chambre des Lords et chroniqueur au journal The Times, s’est joint à ces critiques, affirmant que le vote en faveur d’Orbán était « vraiment pénible et honteux ».

Les conservateurs ont déclaré qu’ils s’opposaient toujours aux motions du Parlement européen qui « interfèrent ou censurent la démocratie interne au sein d’un pays particulier ».

Le bouc-émissaire juif Soros et le douteux Horthy

Orbán a été réélu avec une large majorité pour un troisième mandat consécutif lors des élections d’avril. Face à une faible opposition, sa campagne a reçu beaucoup d’attention pour sa manière de combattre contre Soros, milliardaire juif américain d’origine hongroise.

L’année dernière, Orbán a lancé une campagne contre l’immigration et l’ingérence étrangère dans le pays et a choisi Soros, qui est né en Hongrie mais qui est parti aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale, comme cible principale.

Une affiche de la campagne du gouvernement hongrois contre le milliardaire juif américain George Soros, à Szekesfehervar, le 6 juillet 2017. (Crédit : Attila Kisbenedek/AFP)

Sur de grands panneaux et en pleine page dans les journaux, l’Américain était représenté en train de rigoler, avec la légende « Ne laissez pas George Soros rire le dernier ». Certains panneaux ont attiré des graffitis, tels que « Juif puant ».

L’Open Society de George Soros a déclaré que les affiches « invoquaient l’imagerie antisémite de la Seconde Guerre mondiale ».

Les groupes juifs hongrois ont appelé Orbán à mettre fin à cette campagne. Le gouvernement a alors démenti avec véhémence être antisémite.

« Faites en sorte que ce mauvais rêve se termine le plus rapidement possible », a déclaré Andras Heisler, président de la Fédération des communautés juives de Hongrie (MAZSIHISZ) et vice-président du Congrès juif mondial, à l’agence Reuters en juillet dernier. « Bien que cette campagne ne soit pas ouvertement antisémite, elle peut clairement déclencher des émotions incontrôlées, notamment l’antisémitisme », a-t-il ajouté.

Lydia Gall, militante de Human Rights Watch, a également déclaré à Reuters que la campagne contre Soros utilisait « des images qui évoquent les affiches nazies durant la Seconde Guerre mondiale qui montraient ‘le Juif qui rit’ ».

« La campagne encourage l’antisémitisme », a-t-elle soutenu.

Manifestation des professeurs et des enseignants de l’université ouverte de George Soros devant le siège du parti FIDESZ au pouvoir, à Budapest, le 4 avril 2017. (Crédit : Attila Kisbenedek/AFP)

La fondation Open Society de Soros investit beaucoup dans la promotion des valeurs démocratiques libérales et en faveur des droits de l’homme. Le pouvoir hongrois a accusé Soros de chercher à inonder l’Europe de réfugiés et a organisé une « consultation nationale » sur ce qu’il appelait le « plan Soros ». Il a ainsi envoyé un sondage dans toutes les boîtes aux lettres des foyers hongrois. Dans celui-ci, il était demandé aux électeurs s’ils soutenaient l’effort présumé de Soros visant à « réinstaller au moins un million d’immigrants d’Afrique et du Moyen-Orient chaque année sur le territoire de l’Union européenne, y compris la Hongrie ».

« Soros permet à Orbán de combiner la bigoterie anti-musulmane avec la théorie antisémite du complot », a écrit le journaliste britannique Nick Cohen concernant la campagne.

À la veille des élections de mars, le Premier ministre a célébré la fête nationale de la Hongrie en lisant une liste des noms de ceux que le pays avait réussi à annihiler par le passé – les Ottomans, les Kaiser, les Soviétiques – avant de s’engager à « renvoyer à la maison l’oncle George ».

Les critiques ont considéré que l’attaque d’Orbán sur Soros contenait des nuances antisémites. « Nous combattons un ennemi différent de nous. Pas ouvert, mais caché ; pas direct, mais sournois ; pas honnête, mais vil ; pas national, mais international ; il ne croit pas au travail mais spécule avec de l’argent ; il n’a pas de propre patrie, mais pense qu’il est propriétaire du monde entier », avait déclaré le dirigeant hongrois.

Comme le suggérait un expert suite à sa victoire écrasante, la rhétorique antisémite d’Orbán était surtout audible de ceux déjà habitués à un tel langage. Une étude réalisée en 2015 a indiqué que près de 40 % des Hongrois avaient des opinions antisémites.

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, au centre, lors de son discours au Parlement européen, à Strasbourg, le mardi 11 septembre 2018. (AP Photo / Jean-Francois Badias)

Le gouvernement prévoyant de réprimer le travail des organisations non gouvernementales – ce qu’Orbán appelle le projet de loi « Stop Soros » –, la fondation du philanthrope a annoncé au printemps qu’elle fermait ses bureaux à Budapest et déménageait à Berlin.

Outre sa diabolisation présumée autour de Soros, le gouvernement d’Orbán a également été accusé d’avoir tenté de réhabiliter un dirigeant hongrois antisémite, l’amiral Miklós Horthy. Au cours de ses huit années au pouvoir, Orbán a toléré l’installation de statues et de plaques en hommage au dictateur, tandis que l’Institut de recherche historique Veritas, financé par l’État, a notamment eu pour mission de se focaliser sur l’examen des « accomplissements » de l’ère Horthy.

Le gouvernement aurait également ajouté des auteurs antisémites au programme scolaire. En 2012, il a été attaqué pour sa réponse jugée insuffisante lors d’une polémique nationale. Lors d’un débat parlementaire sur le conflit à Gaza, le dirigeant adjoint du parti d’extrême droite Jobbik avait estimé que « tous les juifs en Hongrie devaient être enregistrés ».

Márton Gyöngyösi s’est par la suite excusé et a déclaré qu’il suggérait simplement que ceux qui ont la double nationalité hongroise et israélienne devraient être contrôlés afin d’éloigner tout « danger potentiel qu’ils pourraient représenter pour la Hongrie ». Les opposants ont affirmé que le manque de réponse du gouvernement illustrait sa volonté de ne pas se brouiller avec les partisans de l’extrême droite.

Márton Gyöngyösi s’exprimant au Forum économique de Krynica en Pologne. (Publié avec autorisation)

Vous rentrez dans le dos d’Orbán, il reviendra sur le Brexit

Au Royaume-Uni, le débat concernant le vote des conservateurs au Parlement européen a été relancé lorsque Michael Gove, haut responsable gouvernemental a, dans une interview télévisée, refusé de condamner Orbán.

Gove, qui entretient des relations étroites avec la communauté juive et est un fervent défenseur d’Israël, a déclaré à la BBC qu’il n’était pas disposé à « jouer à ce jeu » lorsqu’on lui a posé des questions sur Orbán.

« J’ai des opinions, mais je ne vais pas dévoiler mon point de vue personnel sur des dirigeants européens », a-t-il déclaré.

Intérrogé sur son refus, le secrétaire à l’Environnement a semblé concéder que la décision de May d’ordonner à ses eurodéputés de soutenir la Hongrie était motivée par le désir de gagner la faveur d’Orbán alors que la Grande-Bretagne cherche des soutiens dans le cadre des négociations du Brexit.

« Je pense que ce serait une erreur pour moi, à un moment où nous avons besoin de solidarité face à un certain nombre de menaces – vous avez parlé d’antisémitisme. Nous devons nous assurer que notre voix est claire ; notre position sur ces questions est absolument claire », a déclaré Gove.

« Et je ne crois pas que les critiques individuelles du style de celles que vous essayez de me faire dire nous aident nécessairement à nous assurer à la fois d’une solidarité sur les questions qui comptent et d’un meilleur accord pour la Grande-Bretagne alors que nous quittons l’Union européenne », a-t-il annoncé.

S’adressant à ses détracteurs avant le vote, Orbán a fait une allusion similaire au Brexit lorsqu’il est arrivé à Strasbourg. « Nous aimerions avoir un Brexit équitable, parce que nous aimons les Britanniques et parce que nous avons toujours coopéré – et vous méritez un accord équitable et bon », a-t-il déclaré.

L’ancien ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson et la Première ministre britannique Theresa May en mai 2017. (Thierry Charlier / Pool Photo via AP)

Dans un éditorial publié la semaine dernière, le Jewish Chronicle décrivait le vote des eurodéputés conservateurs comme un « jour vraiment honteux et sombre pour le parti dirigé par Mme May », ajoutant : « Le refus ultérieur d’une série de conservateurs de haut rang à condamner le vote a été même pire. »

« Dans tous les cas, il est essentiel que l’antisémitisme soit annihilé partout où il se trouve », a affirmé le journal.

David Hirsh, maître de conférences en sociologie à l’université Goldsmiths de Londres, a déclaré au Jewish Chronicle : « Il est frappant de constater que certaines personnes semblent trouver facile de reconnaître un racisme et un antisémitisme au sein de mouvements politiques qu’elles détestent, mais que parfois, ces mêmes personnes sont complètement incapable de le faire concernant des mouvements qu’elles croient être fondamentalement bons et qu’elles souhaitent soutenir. »

« Ce qui est encore plus inquiétant, c’est qu’une personne qui reconnaît un antisémitisme pourrait être tentée de ne pas le faire si elle reçoit quelque chose en échange, de la part de l’antisémite. »

« L’idée que la Grande-Bretagne soutiendrait un régime antisémite et raciste… est honteuse », a déclaré Hirsh.

Le Parti travailliste de Jeremy Corbyn a également critiqué durement les conservateurs, les accusant de ne pas avoir résisté au gouvernement « réactionnaire » hongrois, qui « se plie à l’antisémitisme et à l’islamophobie ».

Cependant, certains hauts responsables de la communauté juive ont refusé d’attaquer le gouvernement de May. « Je suis réticent à l’idée de participer à la critique contre les conservateurs à ce sujet, compte tenu du soutien considérable, cohérent et solide qu’ils accordent à la communauté juive afin de lutter contre l’antisémitisme ici au Royaume-Uni, notamment en dépensant des dizaines de millions de livres pour la sécurité des écoles juives et sur l’éducation concernant l’Holocauste », a déclaré l’un d’eux.

« Je pense qu’ils sont du mauvais côté concernant cette polémique sur Orbán, mais cela ne peut pas être comparé, même de loin, au problème [d’antisémitisme] que nous avons avec le Labour. »

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