Isaac Amit accuse Levin de nuire à la séparation des pouvoirs en intervenant sur le budget
Le ministre de la Justice a demandé au Trésor la suppression de 27 postes en faveur du service de probation ; Le président par intérim de la Cour suprême dénonce une décision "sans précédent"
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a demandé la suppression d’une vingtaine de postes au niveau des tribunaux et est intervenu en ce sens dans la procédure de budget du pouvoir judiciaire, ce que n’a pas manqué de retoquer le président par intérim de la Cour suprême, Isaac Amit, qui parle d’atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
Levin est intervenu jeudi dans les négociations budgétaires entre le ministère des Finances et l’autorité judiciaire et a demandé la suppression de tous les postes judiciaires vacants en faveur des nouvelles priorités exposées par le ministre de la Justice dans une lettre adressée au Trésor.
Dans un courrier de toute dernière minute adressée à la direction du service du budget, au Trésor, Levin a ainsi expliqué que le service de probation manquait de personnel et que l’ouverture de nouveaux postes devait l’emporter, en termes de priorité, sur la reconduction de postes vacants au sein du système judiciaire.
Lesdits postes sont notoirement vacants en raison du refus répété de Levin, depuis 11 mois maintenant, de réunir la commission de sélection judiciaire, a souligné Amit dans une lettre adressée au ministre pour protester contre cette manœuvre.
Amit a reproché à Levin ce qu’il qualifie d’ingérence « sans précédent » dans le budget du pouvoir judiciaire, constitutive selon lui d’une atteinte au principe de séparation des pouvoirs. Amit a demandé que le budget initial convenu entre le Trésor et l’autorité judiciaire demeure inchangé.
Les députés de l’opposition ont également dénoncé l’attitude de Levin, qu’ils ont accusé de « piétiner » le système judiciaire et de porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs.
On ignore à ce stade dans quelle mesure le budget sera ou non modifié dans le sens souhaité par Levin.
Dans la lettre adressée au Trésor jeudi, Levin explique qu’il manque actuellement au service de probation 70 postes, ce qui, explique-t-il, l’empêche de rendre les services que l’on attend de lui et retarde certains procès.
« J’ai été étonné d’apprendre que le service des budgets [du ministère des Finances] s’opposait au financement de ces postes indispensables au service de probation, aussi je propose de supprimer, pour compenser, une vingtaine de postes de juges et d’assistants », a écrit Levin.
L’autorité judiciaire a fait savoir qu’il y avait actuellement 27 postes vacants dans les tribunaux israéliens.
Le ministre de la Justice a déclaré que la proposition de budget devait être amendée afin que les nouveaux postes au sein de l’Autorité judiciaire, financés par le Trésor, « soient conformes aux priorités détaillées dans cette lettre ».
Dans un courrier adressé à Levin suite à son intervention, Amit a relevé que le budget de l’Autorité judiciaire avait été fixé entre les fonctionnaires des deux services et qu’il comprenait des coupes sévères impliquant l’annulation de dizaines de postes administratifs et des coupes au niveau des budgets opérationnels.
S’agissant de la demande de Levin de supprimer les postes vacants au sein des tribunaux, Amit a indiqué que nombre de ces postes étaient vacants en raison de son refus de réunir le comité de sélection judiciaire.
« Il s’agit d’une mesure sans précédent. Jamais un ministre de la Justice n’était intervenu dans le budget de l’autorité judiciaire », a fulminé Amit dans sa lettre à Levin.
Il a ajouté que l’intervention du ministre au sein de la procédure budgétaire « portait atteinte au cœur même de la séparation des pouvoirs et à l’indépendance du système judiciaire, piétinées par l’exécutif ».
Il a ajouté qu’une diminution du nombre de postes judiciaires serait préjudiciable aux personnes impliquées dans des procédures judiciaires et compliquerait la tâche du pouvoir judiciaire vis-à-vis de la population.
Le député Avoda Gilad Kariv a reproché à Levin de porter atteinte au système judiciaire dans le but de se venger de son incapacité à mettre en œuvre son projet de refonte judiciaire.
« Il s’agit d’une atteinte sans précédent au fonctionnement et à l’indépendance du pouvoir judiciaire, et d’une preuve de plus du comportement irresponsable de ce gouvernement qui, non content de la situation difficile dans laquelle se trouve le pays, entend continuer de mener à bien son entreprise de destructions et de divisions », a déclaré Kariv.
Levin a en effet lancé une action prédatrice contre le pouvoir judiciaire dès sa prise de fonction, fin 2022, avec dans l’idée d’accroitre le pouvoir du gouvernement sur celui-ci et d’en limiter les pouvoirs par un projet de refonte dont les lignes les plus extrêmes ont été retoquées.
C’est dans ce cadre précis que Levin a refusé pendant près d’un an de réunir le Comité de sélection judiciaire, dans le but de donner à la coalition, via une loi, une majorité au sein du panel avant toute nouvelle nomination. Il a été contraint de le réunir par une série de décisions de la Cour Suprême, alors même que, sur le terrain, un peu partout dans le pays, des dizaines de postes restaient vacants dans les tribunaux, ce qui a occasionné d’importants retards dans l’administration de la justice et surchargé de travail les juges en exercice.