Israël en guerre - Jour 498

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Israël a abandonné Nir Oz aux flammes, mais le kibboutz renaîtra

Au sein de cette petite communauté, le temps s'est arrêté depuis la mort ou l'enlèvement de 110 de ses membres le 7 octobre 2023. Renaissant, le kibboutz ne peut plus être ignoré

La maison de la famille Bibas au kibboutz Nir Oz, en janvier 2025 (Tal Schneider/Times of Israel)
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La maison de la famille Bibas au kibboutz Nir Oz, en janvier 2025 (Tal Schneider/Times of Israel) •

Les autorités israéliennes se gardent bien d’aller dans le kibboutz Nir Oz.
Plus de 15 mois après le massacre du 7 octobre 2023, ce kibboutz situé à la frontière avec Gaza demeure une plaie ouverte, manifestement trop douloureuse pour s’y confronter.

Le 5 novembre 2023, soit un mois après le massacre, des journalistes se sont entretenus avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu. L’un d’entre eux lui a demandé quand il comptait parler aux rescapés de Nir Oz. « Vous allez chaque jour dans les bases de Tsahal pour rencontrer les soldats », lui ont-ils rappelé.

À l’époque, les rescapés de ce petit kibboutz de 400 habitants avaient été évacués vers Eilat. Ils erraient dans les couloirs de leur hôtel, les yeux gonflés par les larmes, tentant toujours de savoir qui, parmi les disparus, avait été assassiné et kidnappé.

Netanyahu n’avait pas encore parlé à ces civils médusés abandonnés à leur sort au beau milieu des incendies et de l’horreur.

« Je vais y aller », a répondu Netanyahu. « En ce moment, la guerre me prend tout mon temps – 24 heures sur 24 – sans compter le gouvernement. Mais je me suis entretenu hier au téléphone avec un représentant des kibboutzim. »

Quinze mois plus tard, Netanyahu n’en a toujours rien fait. Il est peu probable qu’il le fasse un jour, même si son cabinet assure au Times of Israel que Netanyahu « a dit qu’il ira à Nir Oz, qu’il a bien l’intention de le faire ».

S’il tient parole, il y trouvera un endroit où le temps s’est arrêté le 7 octobre 2023, lorsque 110 personnes – soit un habitant sur quatre – ont été assassinées ou kidnappées. Vingt-neuf membres de ce kibboutz sont toujours otages à Gaza.

Mais contrairement à d’autres communautés sauvagement attaquées ce jour-là, le kibboutz souhaite se reconstruire sur ses cendres, au même endroit – à 1,6 kilomètre environ de la périphérie de Khan Younès, au sud de Gaza, aujourd’hui peuplée de Palestiniens déplacés.

Les décombres de la maison de Carmela Dan au kibboutz Nir Oz, janvier 2025 (Crédit : Tal Schneider/Times of Israel)

Nombreux sont les membres des autorités israéliennes à avoir emboîté le pas à Netanyahu en se tenant à distance du kibboutz.

Ces 15 derniers mois, les visites ont été rares, à l’exception de celle, il y a de cela quelques semaines, du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, et de celle des Implantations, Orit Strouk, tous deux membres du parti HaTzionout HaDatit. Yoav Gallant, à l’époque ministre de la Défense, s’y est rendu, lui, quelques semaines après le 7 octobre, mais il ne fait plus aujourd’hui partie du gouvernement.

Les habitants du kibboutz en parlent sans amertume, simplement comme d’une sombre réalité. Nombre d’entre eux étaient, de notoriété publique, des pacifistes et, comme tant d’autres au sein de ce kibboutz, des militants de gauche. Ils étaient habitués à ce qu’on les ignore, et cela bien avant la guerre.

Le kibboutz, situé dans la partie sud de la périphérie de Gaza, la moins peuplée, est peu évoqué dans le discours public.

Ses membres disent que les médias et radios ou télévisions confondent souvent Nir Oz avec Nahal Oz (Oz veut dire force en hébreu.)

Un quart des habitants ont disparu mais les médias sont incapables de retenir son nom.

Et la méprise se répète à l’envi, au point que lorsque l’on parle de Nir Oz à la télévision, c’est avec des images du château d’eau de Nahal Oz, à une trentaine de kilomètres de là. Les habitants de Nir Oz le rappellent pourtant régulièrement aux médias en leur demandant de faire preuve de précision : « Nous sommes de Nir Oz. Pas d’ailleurs. »

Des gens ont été assassinés mais la végétation a été épargnée

Je me suis rendue dans le kibboutz ce mois-ci et j’y ai vu de mes yeux que le temps s’y était bel et bien figé. Même s’ils disent vouloir y revenir un jour, la plupart des habitants ne peuvent pas ou ne veulent pas le faire dans l’immédiat.

Nir Oz a été ravagé le 7 octobre, et pour le ramener à la vie, il faudra totalement le reconstruire. Sur les 400 logements, seuls six ont été épargnés. Les autres ont été incendiés ou ont été le théâtre de violences atroces et autres enlèvements.

La maison des Kedem-Simantov, tués le 7 octobre à l’intérieur du kibboutz Nir Oz, photographiée en janvier 2025 (Crédit : Tal Schneider/Times of Israel)

Les installations communes devront elles aussi être reconstruites, à commencer par la salle à manger du kibboutz, dont la cuisine a été incendiée.

L’armée n’est pas venue lors de l’attaque, ce qui explique le nombre monstrueusement élevé de victimes. L’absence de combats violents au sein du kibboutz explique également la préservation presque anachronique de ses jardins, beaux et bien entretenus. Des gens ont été assassinés, mais la flore a été épargnée.

Cette pensée nous a accompagnés, mon groupe et moi, alors que nous passions de maison en maison, des heures durant. C’est là que des membres de la famille Siman-Tov ont été assassinés, là que Carmela Dan et sa petite-fille Noya ont été kidnappées avant d’être tuées, quelques heures plus tard, là encore que les Bibas ont été enlevés – la mère, Shiri Bibas, serrant contre son coeur ses petits garçons Kfir et Ariel ; c’est là enfin que des membres des familles Aloni-Cunio, Calderon et Katzir ont été enlevés ou massacrés.

Il y en a tant d’autres.

Rien ne vaut sa maison

La végétation du kibboutz a été épargnée le 7 octobre, et lorsque les travaux de reconstruction commenceront, il faudra veiller à protéger les arbres, arbustes et autres plantes.

Nir Oz était considéré comme un jardin botanique à ciel ouvert, un endroit où les étudiants pouvaient venir se sensibiliser au jardinage durable et à la création d’une oasis écologique, économe en eau.

Le kibboutz a optimisé sa façon de prendre soin de sa végétation, au fil du temps, pour atteindre une superficie de 0,12 kilomètres carrés requérant de faibles arrosages et réduisant les entrées de poussière du désert.

Mais comment reconstruire un kibboutz entier sans toucher aux milliers d’espèces végétales uniques, dont ce jardin de cactus qui a des allures de parc de sculptures vivant ? Ces questions préoccupent les membres du kibboutz qui ont l’intention d’y retourner vivre.

Une autre inconnue est l’indemnisation prévue par les autorités pour des maisons de petite taille.

Entre l’usine de peinture Nirlat et ses champs agricoles, Nir Oz était financièrement sain avant la guerre et ses membres étaient opposés à la construction de grandes maisons. Son mode de vie était modeste.

Le jardin de cactus devant la maison d’Oded et Yocheved Lifshitz au kibboutz Nir Oz, janvier 2025 (Crédit : Tal Schneider/Times of Israel)

Les maisons étaient construites pour former de petits ilôts ou s’aligner en rangées serrées. Pas de manoir construit sur des terres agricoles pour capitaliser sur les prix de l’immobilier.

Il y avait déjà beaucoup de cactus.

Devant la maison d’Oded et Yocheved Lifshitz – elle ex-otage et lui, toujours à Gaza – se dresse un vaste jardin de cactus qui cache des regards la maison de ceux qui ont contribué à la création du kibboutz.

Et on parle aussi d’un mémorial, pour garder la mémoire du massacre.

Seul un mémorial de la taille d’un kibboutz pourrait saisir l’ampleur de l’attaque on ne peut plus brutale subie par Nir Oz, les rescapés du kibboutz en sont de plus en plus persuadés, tout comme ils savent qu’il sera impossible de conserver une authentique vie communautaire si la communauté entière est élevée au rang de monument.

Certains suggèrent de prendre les abris anti-bombes restants, de les pulvériser et d’utiliser le matériau ainsi récupéré pour en faire une stèle.

Les vestiges de la maison de la famille Belhassen au kibboutz Nir Oz. Les membres de la famille ont survécu en se cachant dans l’abri anti-bombes voisin. Janvier 2025 (Tal Schneider/Times of Israel)

Devant le kibboutz, on parle de construire un musée et un site commémoratif dans lesquels des dizaines de milliers de visiteurs pourraient, chaque année, trouver des informations sur cette petite communauté unique sans pour autant gêner la vie de ses habitants.

Les membres du kibboutz réfléchissent en ce moment-même à diverses solutions, comme celle retenue par le kibboutz Nitzanim, dont un mémorial et un musée commémorant une âpre bataille de 1948, du temps de la guerre d’indépendance, accueillent chaque année 10 000 visiteurs.

Lors de mon passage au kibboutz Nir Oz, j’ai croisé quelques anciens qui se promenaient.

Le grand ficus devant la cafétéria du kibboutz Nir Oz, janvier 2025 (Crédit : Tal Schneider/Times of Israel)

Certains sont retournés vivre dans le kibboutz immédiatement après le massacre, refusant d’aller ailleurs. Ce sont des gens d’un type très particulier – têtus, certains disent fous. « On ne quitte pas sa terre », disent-ils.

Ils veillent sur les lieux, arrosent les plantes et accueillent les visiteurs intéressés par le passé et l’avenir du kibboutz. La communauté se rétablira, dit l’un d’eux, même si tous ne reviennent pas. Certains pensent que le kibboutz devrait se diversifier, attirer plus de jeunes, se réinventer.

Le temps seul ne suffira pas à panser les plaies du kibboutz.

La société israélienne a aussi son rôle à jouer en cessant d’ignorer ce kibboutz et en lui donnant à la place une étreinte chaleureuse. Quand elle sera prête à le faire, Nir Oz sera là.

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