J Street s’apprête à prôner une réintégration dans l’accord nucléaire iranien
Le président du groupe dit qu'il va prôner le retour à une approche "équilibrée" sur Israël et reconnaît que le dossier ne sera pas prioritaire pour Biden
NEW YORK — Il y a environ quatre ans, J Street se tenait à l’écart, observant l’administration Trump, qui venait tout juste d’être investie, commencer à esquisser son agenda en termes de politique étrangère.
Cet ordre du jour devait finalement comprendre la nomination d’un ambassadeur au sein de l’Etat juif qui allait déclarer que les membres du lobby pro-israélien libéral étaient « pires que les kapos » – une référence aux Juifs obligés de collaborer avec les nazis pendant la Shoah. David Friedman allait ultérieurement présenter ses excuses au groupe pour la lettre ouverte écrite à l’occasion de son audience de confirmation, en 2016, et il allait rencontrer ses représentants plusieurs mois plus tard – mais l’accès et l’influence de J Street au sein de l’administration Trump s’était largement estompée à ce moment-là.
L’organisation, créée 13 ans plus tôt pour rallier les membres du Congrès et la communauté juive américaine autour d’initiatives diplomatiques assurant la promotion d’une solution à deux Etats au conflit israélo-palestinien, avait reçu rapidement une fin de non-recevoir de la part de l’administration américaine qui s’était initialement refusée à soutenir ce paradigme de paix pour tous, accepté depuis longtemps.
Au cours de ses quatre ans de mandat, le président américain Donald Trump a reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël, transféré dans la ville sainte son ambassade, reconnu la souveraineté israélienne sur le plateau du Golan, coupé les aides financières versées aux Palestiniens, mis un terme au financement de l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, rejeté un positionnement de longue date du département d’Etat sur l’illégalité des implantations israéliennes en Cisjordanie, dévoilé un plan de paix prévoyant l’annexion, par l’Etat juif, des communautés de Cisjordanie et enfin, jeudi, il a émis des directives exigeant que les exportations américaines en provenance des secteurs de Cisjordanie placés sous contrôle israélien soient étiquetés « fabriqués en Israël » – tout ce à quoi J Street s’est opposé.
S’il peut y avoir de légères différences entre les positionnements du lobby libéral et ceux du président élu Joe Biden, les deux parlent largement le même langage s’agissant d’Israël ou des problèmes plus larges liés au Moyen-Orient. J Street a soutenu Biden et le candidat a rencontré le groupe pendant sa campagne, comme il l’avait déjà fait à plusieurs reprises lorsqu’il était vice-président. Biden, toutefois, avait bloqué une initiative menée par J Street d’inclure le mot « d’occupation » pour décrire la situation des Palestiniens en Cisjordanie dans le programme élaboré par le Parti démocrate.
« C’est agréable d’avoir des conversations avec un groupe de personnes sur le point d’occuper des postes de pouvoir », a déclaré mardi le président de J Street, Jeremy Ben-Ami au Times of Israël au cours d’un entretien. « Au lieu de nous en tenir seulement à des mondanités, nous pouvons avoir des conversations sur la manière d’avoir un impact réel sur la politique actuelle. »
Avec le retour d’un Démocrate à la Maison Blanche, Ben-Ami a dit s’attendre au retour d’une approche américaine « plus équilibrée » sur la question du conflit israélo-palestinien, ainsi qu’à une réintégration des Etats-Unis au sein de l’accord sur le nucléaire conclu avec l’Iran et dont Donald Trump s’était retiré en 2018.
Un fauteuil à la table
Le président de J Street a expliqué « respirer un peu mieux » après la victoire de Biden, mais il a ajouté qu’il n’avait aucune illusion sur le fait que l’ordre du jour de son groupe ne figurerait certainement pas au sommet de la liste des priorités du président élu.
Ben-Ami a noté la différence entre la période actuelle et la dernière prise de pouvoir des Démocrates à la Maison Blanche, en 2009. Quelques mois seulement avant l’investiture de l’ancien président Barack Obama, le Premier ministre de l’époque, Ehud Olmert, et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, s’étaient assis à la table des négociations. Jamais, selon les observateurs, la paix n’avait été autant à portée de main entre les deux parties mais les pourparlers avaient pris fin après l’échec d’Abbas à répondre à l’offre faite par Olmert et à cause des enquêtes pour corruption imminentes qui allaient toucher le Premier ministre israélien et qui devaient finalement l’entraîner derrière les barreaux.
« Il y avait eu ce sentiment qu’on avait été si proches de la paix, qu’elle avait été touchée du doigt, qu’il fallait essayer encore et terminer cette tâche », a expliqué Ben-Ami.
Lors de son premier jour dans le bureau ovale, Obama avait nommé le leader de la majorité au Sénat George Mitchell comme envoyé spécial au Moyen-Orient et ses premiers appels à des dirigeants étrangers avaient été pour Olmert et Abbas.
« Nous sommes maintenant dans un monde complètement différent et il n’y aura plus une telle focalisation sur le sujet », a-t-il ajouté. « Le dossier n’est plus dans le top 20 des dossiers que l’administration devra prendre en charge. »
Mais contrairement au début du mandat d’Obama, quand J Street était peu connu et considéré par un grand nombre comme en marge du consensus à Washington sur Israël, Ben-Ami a estimé que dorénavant, son groupe est la « voix par excellence » sur cette problématique au sein du Parti démocrate.
« Nous n’avons plus à nous présenter et à demander un fauteuil à la table, et nous sommes en mesure d’aider à esquisser la politique et à lui obtenir le type de soutien dont elle a besoin au Congrès ou de la part de la communauté juive américaine », a-t-il indiqué.
Un retour à l’équilibre
Mais si Ben-Ami ne s’attend pas à ce que le portefeuille israélo-palestinien obtienne beaucoup d’attention de la part du président pendant la « première semaine, voire la première année » de Biden à la Maison Blanche, il a toutefois exprimé l’espoir de ce que l’administration « revienne à une approche plus traditionnelle, plus équilibrée et bipartisane » du dossier.
Ce qui comprend la reprise des relations avec l’AP et le retour des aides versées à Ramallah qui ont été coupées sous l’administration Trump dans le sillage du boycott de Washington lancé par Abbas suite à la reconnaissance américaine, en 2017, de Jérusalem comme capitale d’Israël.
Biden, au cours de la campagne, a aussi promis de rouvrir la mission diplomatique de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) à Washington et le consulat américain de Jérusalem-Est – mais la nouvelle administration aura besoin de l’approbation du Congrès et du gouvernement israélien sur ces questions.
Ben-Ami a précisé que son groupe prônerait aussi « le renouvellement des intentions américaines de s’opposer aux initiatives prises par Israël qui diminuent la possibilité d’une solution à deux Etats » – en référence à l’expansion des implantations israéliennes en Cisjordanie que l’administration Trump a toujours évitée de mettre en cause, œuvrant même en faveur de leur normalisation.
J Street va également tenter d’obtenir le rejet du plan de paix de Trump, qui a été salué par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et refusé tout de go par les Palestiniens, a continué Ben-Ami, qui a poursuivi en disant que la Maison Blanche de Biden devait promouvoir, à la place, un retour aux principes déterminés sous les administrations Clinton, Bush et Obama.
Il a reconnu que certaines initiatives prendraient du temps, disant qu’il était favorable à un conditionnement des gages apportés aux Palestiniens à l’engagement, de la part de Ramallah, de mettre un terme au paiement des allocations mensuelles aux prisonniers sécuritaires.
Concernant les gestes que pourrait faire l’administration Trump pour Israël, Ben-Ami a noté que Jérusalem recevait d’ores et déjà 3,8 milliards de dollars d’aide militaire et que « rectifier les erreurs faites sous Trump ne devrait pas nécessiter de faire plus de cadeaux encore à Israël ».
Il s’est déclaré néanmoins favorable à l’idée de « bâtir » sur les récents accords de normalisation signés par Israël avec les Emirats arabes unis et Bahreïn, estimant que d’autres traités du même type pourraient être utilisés également pour régler la question palestinienne.
Conformité contre conformité
Un problème qui devrait plus probablement capturer l’attention de la prochaine administration est l’initiative visant à empêcher l’Iran de se doter d’une arme nucléaire. J Street avait été l’un des groupes qui avait le plus soutenu le JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action) négocié par Obama, et Ben-Ami a déclaré que son groupe espérait travailler étroitement avec le président élu pour garantir la réintégration des Etats-Unis dans cet accord multilatéral auquel s’oppose Israël.
« L’objectif est un Iran sans nucléaire qui ne serait pas une puissance déstabilisante mais, afin de lancer le processus de renforcement de l’accord, les Etats-Unis, qui ont violé leurs engagements, doivent réintégrer l’accord avant tout », a dit Ben-Ami.
« Conformité contre conformité », a-t-il ajouté, utilisant la même phrase que l’équipe de campagne de Joe Biden qui a promis le retour des Américains dans le JCPOA.
Toutefois, le président de J Street a clairement établi que les Etats-Unis devaient faire le premier pas, ajoutant que cette réintégration ne devait pas être conditionnée à un retour en arrière de l’Iran concernant ses récents travaux d’enrichissement de l’uranium.
Ben-Ami a maintenu que seuls les Etats-Unis avaient la légitimité de s’attaquer à ces violations, une fois revenus dans l’accord.
Il a déploré le fait que le désir de Biden de « prolonger et de renforcer » le JCPOA serait dorénavant plus difficile en raison du positionnement plus dur de l’Iran, dont les élections présidentielles auront lieu au mois de juin 2021.
« C’est le triste résultat de l’horrible politique mise en œuvre par l’administration Trump qui a encouragé les forces les moins modérées dans le pays et qui a apporté une légitimité à l’argument disant qu’il ne faut pas faire confiance aux Etats-Unis », a-t-il expliqué. « Et c’est pour cela qu’il est si important que cette administration tente de faire tout ce qu’elle pourra pour montrer que les Etats-Unis sont dignes de confiance, et qu’ils agissent conformément aux accords qu’ils ont eux-mêmes signés. »
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