La Bibliothèque Nationale d’Israël tant attendue ouvrira fin octobre
Ce grand espace gratuit, pourvu de luxueuses salles de lecture, organisera notamment des expositions
Jessica Steinberg est responsable notre rubrique « Culture & Art de vivre »

Après un quart de siècle de gestation, l’ouverture de la Bibliothèque Nationale d’Israël à Jérusalem ressemble moins à un simple changement de bâtiment qu’à une nouvelle naissance, tout du moins pour son président, Sallai Meridor.
« Il a fallu des comités internationaux, des comités israéliens, une loi à la Knesset, c’est une véritable naissance », a déclaré Meridor lors d’une récente présentation à la presse du nouveau bâtiment de 860 millions de shekels qui ouvrira ses portes fin octobre. « On pourrait même dire que cela a pris 131 ans. »
Meridor fait évidemment allusion aux racines historiques de la Bibliothèque Nationale d’Israël, qui a vu le jour lors du premier congrès sioniste en Europe en 1897. En songeant à cette bibliothèque pour l’État juif dont ils rêvaient, les premiers sionistes ont commencé à envoyer des livres à Jérusalem.
« Ils savaient que la nation juive irait vers la patrie juive : ils ne voulaient pas que leurs livres restent en Europe », explique Meridor.
Meridor, ainsi que le directeur général Oren Weinberg et le recteur Shaï Nitzan, parlent du nouveau bâtiment comme d’un lieu destiné à accueillir les ouvrages traditionnels et les textes numériques et consacrer la place de la bibliothèque comme institution de recherche universitaire riche de collections considérables.
« Ce sera le centre national des histoires et il y a des histoires derrière les histoires », prévient Meridor.

Comme d’autres, il souligne le caractère public de la nouvelle bibliothèque, ouverte et accessible à tous avec ses impressionnants rayonnages, ses grandes expositions ou ses événements dans ses nombreux auditoriums. L’entrée est gratuite, sauf pour le centre d’accueil et les galeries, dont le tarif est symbolique.
L’ancien bâtiment, situé sur le campus de l’Université hébraïque Givat Ram, était déjà ouvert au public, mais la nouvelle bibliothèque a l’ambition de devenir une institution culturelle de tout premier plan, dans le quartier du Musée de Jérusalem, à deux pas de la Knesset et du Musée.
« Nous espérons que ce sera une sorte de pont qui nous amènera beaucoup de monde, un public très diversifié », explique Meridor.
Ce grand campus est nouveau donc, mais bon nombre des collections de la bibliothèque et de ses autres trésors vous seront familiers, après ce simple « déménagement », estime Weinberg.
Nitzan ajoute que la bibliothèque n’a rien laissé de ses collections derrière elle, comme ces centaines de pages de la main d’Isaac Newton, dont ses réflexions sur la construction d’un troisième temple juif.

Ces derniers mois, des millions d’objets ont été déplacés de l’ancien bâtiment vers le nouveau, parmi lesquels plus de 4 millions de livres, de journaux historiques, de photographies, de collections personnelles et d’archives, des milliers de cartes anciennes, manuscrits, affiches et autres documents éphémères, disques et bandes enregistrées, sans oublier des millions de documents numérisés et d’enregistrements musicaux.
Tout ceci sera stocké dans le bâtiment de 46 000 mètres carrés, déployés sur 11 étages – dont cinq souterrains -, conçu par le cabinet d’architecte suisse Herzog & de Meuron sur le modèle d’un livre ouvert.
Quelque 200 000 livres sont visibles dans la salle de lecture ronde, centrale et vitrée, capable d’accueillir 600 personnes et véritable cœur du bâtiment. En contrebas, un système robotique mettra les ouvrages en rayon et ira chercher les livres entreposés.
« Il n’est pas évident de garder des livres sur les étagères ici, mais nous voulions qu’ils soient là », explique Weinberg, ajoutant que des chaises spécifiquement conçues pour les salles de lecture permettront aux universitaires, chercheurs et autres publics d’y passer des heures, jour après jour.
En bas, se trouve une salle de lecture à la moquette épaisse (pourtant inspirée par les bibliothèques européennes classiques), où les visiteurs pourront consulter des livres rares.

Les ouvrages les plus rares de la bibliothèque feront l’objet d’expositions permanentes, offrant une sorte d’expérience muséale aux visiteurs.
Parmi les joyaux exposés figurent un manuscrit millénaire de la Torah connu sous le nom de couronne de Damas, une édition de la Mishna avec les annotations de Maïmonide et une Haggadah illustrée de Pessah des années 1270, de Worms, en Allemagne, découverte par l’archiviste de la ville pendant la Nuit de Cristal et cachée dans une cathédrale pendant la guerre.
La bibliothèque est aussi résolument tournée vers l’avenir, avec un affichage numérique qui présente les œuvres de grands écrivains tels S.Y. Agnon, David Grossman et A.B. Yehoshua, et les professeurs frère et soeur Yeshayahu et Nechama Leibowitz. Les rayonnages numérisés de la galerie, qui tournent en appuyant sur un bouton, renferment également la première ébauche de la chanson « Jerusalem of Gold » de Naomi Shemer et le manuscrit d’une histoire de Lea Goldberg.
Le rez-de-chaussée de la bibliothèque comprend un auditorium de 480 places, un centre éducatif pour les groupes scolaires et les familles, un restaurant, un café et une librairie. Les espaces, ouverts et aérés, mettant à l’honneur le bois, le verre et les murs textiles capitonnés charger d’assourdir le bruit généré par les usagers les plus bruyants de la bibliothèque.
À l’extérieur, les jardins déjà richement arborés offrent un espace totalement ouvert au public, avec en son centre une monumentale sculpture en pierre de Micha Ullman inspirée d’un texte kabbalistique ancien, avec les 22 lettres de l’alphabet hébreu réparties suivant l’inclinaison des rayons solaires.
« Ce sera un lieu de rencontre pour tous », conclut Weinberg.
« Juifs et Arabes, religieux et laïcs, tout le monde sera le bienvenu ici. »