Israël en guerre - Jour 468

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La chute d’Assad donne un élan aux recherches sur le sort des reliques juives en Syrie

La nature du prochain régime déterminera le sort des trésors de l'histoire juive du pays après des années de négligence et de guerre, selon les archéologues

La synagogue centrale d'Alep, qui a subi des dommages mineurs lors d'un bombardement apparent, sur une photo non datée fournie le 10 février 2016. (Crédit : Organisation Amaliah)
La synagogue centrale d'Alep, qui a subi des dommages mineurs lors d'un bombardement apparent, sur une photo non datée fournie le 10 février 2016. (Crédit : Organisation Amaliah)

JTA – La chute du dictateur syrien Bashar el-Assad a plongé la Syrie dans une profonde incertitude quant à son avenir, mais aussi quant aux trésors de son passé, notamment les vestiges de son riche patrimoine juif.

La guerre civile de 13 ans a coûté la vie à plus de 600 000 personnes et vu près de 100 000 personnes « disparaître » dans les prisons du régime d’Assad. Ce conflit a également dévasté les sites culturels emblématiques de la Syrie : monuments anciens, châteaux, mosquées, et vestiges d’une culture juive autrefois florissante.

Bien avant la guerre, de nombreux sites juifs historiques, comme les synagogues, avaient été laissés à l’abandon, conséquence de l’exode massif des Juifs lors de la création de l’État d’Israël. Aujourd’hui, les archéologues s’efforcent d’évaluer les pertes causées par les bombardements et le pillage durant la guerre.

Pendant plus de 2 000 ans, depuis l’époque romaine, la Syrie a abrité des communautés juives établies, accueillant notamment des Séfarades expulsés d’Espagne en 1492 et des marchands venus d’Europe. Cependant, la montée des mouvements nationalistes arabes au 20ᵉ siècle, ainsi que des lois anti-Israël et les violences qui ont accompagné la création d’Israël, ont déclenché des vagues d’émigration juive.

Au début du 20ᵉ siècle, la Syrie comptait environ 100 000 Juifs ; en 1947, ce nombre avait chuté à 15 000. Cette même année, une émeute anti-Israël suivie de la création de l’État d’Israël en 1948 a poussé de nombreux Juifs à fuir, bien qu’ils n’aient souvent pas été légalement autorisés à partir et alors même qu’ils étaient persécutés en Syrie. Le Codex d’Alep, une copie de la Bible hébraïque datant du 10ᵉ siècle, a été endommagé et introduit clandestinement en Israël à la même époque.

En 1992, lorsque Assad père a cédé aux pressions exercées pour permettre aux Juifs d’émigrer, il ne restait plus qu’environ 4 000 Juifs à Alep et un plus petit nombre à Damas et à Qamishli. La majorité a quitté le pays peu après.


Des personnes au souk Azra al-Yahoudi (Ezra le Juif), également connu sous le nom de « marché juif », dans la ville de Qamishli, dans le nord-est de la Syrie, le 27 juillet 2023. (Crédit : Delil Souleiman/AFP)

En 2011, dans un article controversé publié par Vogue, Asma el-Assad, épouse de Bashar el-Assad, affirmait que les Juifs faisaient partie de sa vision de la diversité religieuse en Syrie. « Il y a un très grand quartier juif dans le vieux Damas », avait-elle déclaré, bien que les maisons de ce quartier aient été fermées et abandonnées depuis l’exode de 1992.

(L’article, critiqué pour sa présentation édulcorée de l’épouse d’un dictateur, fut rapidement retiré d’Internet, mais reste consultable dans des archives.)

En 2022, un recensement des Juifs de Syrie en dénombrait seulement quatre. Cette année, il n’en resterait que trois. Selon Emma Cunliffe, archéologue au sein de l’équipe « Protection des biens culturels et paix » de l’université de Newcastle, de nombreux sites juifs n’ont plus de gardien depuis des dizaines d’années.

« En période de conflit, cette négligence s’aggrave », explique Cunliffe. « Les rares personnes qui en prenaient soin n’ont plus pu y accéder. Avec l’intensification de la guerre, les dégâts se sont considérablement accrus. »

En 2020, près de la moitié des sites juifs de Syrie avaient été détruits, selon un rapport de la Fondation du patrimoine juif. Parmi eux, la synagogue Jobar de Damas, l’un des rares lieux encore fréquentés par quelques Juifs âgés, a été en grande partie réduite à l’état de ruines en 2014. De nombreux rouleaux de la Torah, tapisseries, lustres et autres objets ont disparu, certains réapparaissant en Turquie…

La synagogue al-Bandara d’Alep, l’une des plus anciennes du pays, a également été endommagée lors des combats violents. Bien qu’elle ait été rénovée dans les années 1990, elle a de nouveau subi des destructions pendant la guerre civile en 2016. Cunliffe, qui a étudié le site en 2017, rapporte que des sections entières du bâtiment ont été détruites et que la cour est jonchée de débris.

(Une récente exposition de réalité virtuelle au Musée d’Israël à Jérusalem permet néanmoins aux visiteurs de découvrir la synagogue al-Bandara telle qu’elle était en 1947, grâce à des photographies prises par une femme originaire de la région avant son émigration.)

Tadef, une ville située à l’est de Jérusalem, était autrefois une destination prisée des Juifs pour son sanctuaire dédié à Esdras, scribe et prophète juif, qui se serait arrêté ici lors de son chemin vers Jérusalem. Abandonné depuis des dizaines d’années, ce sanctuaire a été la cible de fouilles et de pillages illégaux entre 2021 et 2022, menés par des groupes rebelles et des forces gouvernementales syriennes, selon l’organisation Syrians for Truth and Justice (Syriens pour la vérité et la justice).

Les chercheurs s’inquiètent également pour les ruines de synagogues datant de l’époque romaine dans des sites historiques comme Apamée et Doura-Europos. Adam Blitz, de l’Institut royal d’anthropologie, souligne que des images satellites montrent que Doura-Europos a été intensément pillée lorsqu’elle était sous le contrôle du groupe terroriste État islamique (EI).

Les vestiges de la synagogue de Doura-Europos, notamment ses mosaïques et ses artefacts, sont très recherchés. Certaines pièces, comme 40 dalles du plafond, sont aujourd’hui exposées à la galerie d’art de l’université de Yale. Cependant, Blitz affirme que de nombreux autres objets ont été pillés par les terroristes.

« Nous avons de bonnes raisons de craindre que les mosaïques n’aient été également dérobées », a-t-il déclaré.

Ancienne synagogue. Dura Europos, Syrie, février 2003. (Crédit : Jono David)

L’étendue des dégâts infligés aux sites juifs syriens reste difficile à évaluer. Emma Cunliffe, spécialiste du patrimoine culturel, explique que le manque de compétences et de formation en matière de collecte de données médico-légales entrave l’évaluation des destructions dans ce pays ravagé par la guerre.

Selon Cunliffe, l’utilisation d’images satellites pour enquêter prendra encore plusieurs mois. Quant à la mise en place de protections pour ces sites historiques, elle pourrait nécessiter bien plus de temps. Le secteur culturel syrien a été largement négligé pendant la guerre, et l’Autorité syrienne des antiquités souffre d’un budget extrêmement limité.

Alors que la Syrie s’apprête à entrer dans une nouvelle ère, le sort de son patrimoine culturel, notamment des sites historiques juifs, demeure incertain. « Les joyaux de l’histoire juive du pays ne survivront que si le prochain régime le permet », a déclaré Emma Cunliffe.

Le nouveau régime, issu de mouvements fondamentalistes islamiques, aurait récemment adopté une approche plus pragmatique. Cependant, des doutes subsistent quant à la protection des minorités et de leurs intérêts sous sa gouvernance.

« Il est essentiel de soutenir ceux qui ont la capacité d’accéder à ces sites et de les protéger, tout en construisant une société inclusive qui rende cela possible », a ajouté Cunliffe en évoquant les sites juifs.

Elle a conclu que « nous ignorons encore de quoi sera fait l’avenir de la Syrie. Mais ce qui est clair, c’est que les combats font rage et que le groupe qui finira par l’emporter aura une influence déterminante sur les opportunités qui s’ouvriront ou non au pays. »

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