La guerre contre le Hamas se passe mieux que prévu… pour le moment
Les troupes avancent ; le nombre de victimes reste faible et la pression internationale est supportable- mais une erreur meurtrière ou une "idiotie" politique peuvent tout changer
Après une période de doute où les soldats, oisifs, étaient restés sur la frontière séparant Israël et la bande de Gaza – une période qui avait duré plusieurs semaines – le gouvernement israélien affiche dorénavant une détermination forte dans l’incursion terrestre menée au sein de l’enclave côtière dirigée par le Hamas.
Trois divisions se trouvent actuellement au nord de la bande de Gaza, faisant des progrès constants vers le cœur de Gaza City.
Un mois après le début de la guerre, lancée dans le sillage du massacre commis par le Hamas sur le sol israélien, le 7 octobre, le leadership militaire et politique s’enorgueillissent d’avancées significatives dans la lutte contre le groupe terroriste. Les alliés de l’État juif continuent à soutenir les tentatives de ce dernier de venir à bout du Hamas et le gouvernement d’unité qui dirige le pays dans sa gestion de sa guerre semble stable.
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Mais il y a toutefois des raisons de s’inquiéter – même si la guerre semble actuellement se passer mieux que ce qui pouvait être espéré de prime abord.
« Avec beaucoup de sagesse, avec beaucoup de prudence »
Après le 7 octobre, les experts avaient averti que l’incursion terrestre qui s’annonçait allait être « très, très confuse ». Les États-Unis avaient envoyé leurs spécialistes militaires en Israël pour, semble-t-il, convaincre les dirigeants qu’un combat urbain entraînerait un bain de sang et qu’une approche plus prudente serait une opération combinant frappes aériennes et raids des forces spéciales.
Israël a finalement choisi une autre ligne, déployant chars, forces d’infanterie et forces du génie dans des manœuvres délibérées sur les dunes et dans les champs de tout le territoire, le long de la frontière, avant d’atteindre la banlieue de Gaza City. Des milliers de réservistes ont rejoint une grande partie des forces terrestres actives à l’intérieur de la bande.
Dix jours se sont écoulés et certains observateurs, même s’ils restent circonspects, poussent un soupir de soulagement.
« Je suis positivement surpris par la manière dont l’incursion terrestre semble se dérouler », analyse Michael Oren, ancien ambassadeur israélien aux États-Unis. « Tout a l’air d’aller facilement ; les progrès se font lentement. Il n’y a pas eu d’incident majeur jusqu’à présent ».
« Je pense que les choses se passent légèrement mieux que ce à quoi je pouvais m’y attendre en matière d’avancée, de pertes humaines », renchérit Eran Lerman, vice- président de l’Institut de stratégie et de sécurité de Jérusalem et ancien directeur-adjoint du Conseil de sécurité nationale.
« Compte-tenu des conditions qui sont extrêmement complexes, l’armée avance avec beaucoup de sagesse, avec beaucoup de prudence », ajoute-t-il.
Trente deux soldats de Tsahal ont perdu la vie depuis le début de l’incursion terrestre. Même si chacune de ces disparitions pèse très lourd dans la psyché d’une société israélienne d’ores et déjà traumatisée, frappée par le deuil, ce chiffre est bien moindre que ce qui avait pu être anticipé.
En 2014, Tsahal avait déclaré au gouvernement que reprendre la bande de Gaza coûterait la vie à des centaines de soldats et que l’armée devrait faire face à de nombreux enlèvements de la part du Hamas. Une telle initiative pouvait prendre environ cinq ans, avaient expliqué les militaires.
Un général à la retraite avait estimé que reprendre Gaza City seulement pourrait entraîner la mort de 700 soldats.
Mais après une semaine et demie de combat urbain contre un ennemi qui, pendant plus de quinze ans, a pu préparer ses défenses, Israël a perdu moins de soldats que cela n’avait été le cas au dernier acte de la Seconde guerre du Liban, en 2006.
Peut-être plus important encore, l’armée a, jusqu’à présent, pu faire ce qu’elle voulait faire et quand elle voulait le faire. Le Hamas peut tirer des RPG avant de prendre la fuite dans ses tunnels mais il ne s’est pas montré capable d’empêcher les troupes de Tsahal d’aller très exactement là où elles veulent aller.
Les soldats peuvent calmement enregistrer des vidéos d’eux-mêmes, des images où ils dédient les destructions de tunnels du Hamas à des proches assassinés.
Certaines informations laissent même entendre que la volonté du groupe terroriste de se battre fond comme neige au soleil sous la pression exercée par Israël, une pression qui ne connaît aucun répit.
De telles évaluations sont peut-être exagérées, bien sûr – mais il n’y a pas eu de surprise réservée aux militaires par le Hamas depuis le début de l’offensive israélienne. Le groupe terroriste semble être en état de choc et rencontrer des difficultés à réagir. C’est l’armée qui paraît conserver le dessus sur le terrain.
A ce stade de la guerre, dans le cadre de cette offensive terrestre, la situation tactique et opérationnelle semble aussi bonne que possible pour Israël et par rapport à ce que l’État juif avait pu envisager.
Il y a toutefois une réserve importante dans ce tableau : les gouvernants israéliens ont insisté sur le fait que l’incursion terrestre précipiterait la libération des 240 otages. En réalité, seule une soldate a été secourue jusqu’à présent, et le Hamas ne montre aucun signe laissant penser qu’il pourrait souhaiter libérer les captifs.
Une question pressante, de plus, se pose de manière cruciale alors que les forces israéliennes avancent dans le quartier-général du Hamas, à Gaza City : de combien de temps dispose donc Israël ?
Tic- tac
Quand Israël part en guerre, une horloge diplomatique commence à se mettre en route. L’armée israélienne doit impérativement atteindre ses objectifs avant que la pression internationale ne devienne si forte qu’il ne restera plus que la solution de la conclusion d’un cessez-le-feu.
L’Égypte ne pouvait presque rien faire pour empêcher Israël de détruire sa Troisième Armée, à la fin de la guerre de Yom Kippour, en 1973 – mais des pressions intenses de la part des États-Unis avaient convaincu Israël de stopper l’offensive, avant ce qu’aurait souhaité Jérusalem. En 1996, pendant l’opération Raisins de la colère, au Liban, les obus israéliens avaient frappé un complexe des Nations unies aux abords du village de Qana, tuant plus de cent civils. L’indignation qui s’était exprimée dans le monde entier avait obligé Israël à mettre un terme à sa campagne contre le Hezbollah.
« Il y a une contradiction inhérente pour Israël », note Michael Makovsky, directeur-général du Jewish Institute for National Security of America. « En se montrant plus prudente, l’armée peut minimiser le nombre de victimes israéliennes mais aussi de victimes civiles à Gaza, mais l’opération sera plus longue ».
« Et le monde montre déjà de forts signes d’impatience », avertit-il.
Le gouvernement israélien est en désaccord avec ce sentiment, selon le porte-parole Eylon Levy.
« Les nations démocratiques, les nations qui ont souffert des attaques de l’État islamique et de l’extrémisme islamiste, comprennent parfaitement que cette guerre ne peut se terminer que d’une seule manière. Elle doit se terminer par la défaite du Hamas », déclare Levy.
« Il n’y a pas de pressions exercées à l’international en faveur d’un arrêt de l’opération contre le Hamas », déclare à son tour Lior Haiat, porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
« C’est mitigé au niveau diplomatique », déclare Oren. « Il faut faire la distinction entre les réactions populaires et les réactions des gouvernements. Il y a, à l’évidence, des manifestations gigantesques en Europe, sur les campus américains, mais le gouvernement français a été relativement bon. Le gouvernement britannique a été bon, le gouvernement italien a été bon. Et c’est toujours pour la même raison ».
« C’est parce qu’ils savent qu’ils seront les suivants », ajoute-t-il.
Les sondages commandités par le ministère des Affaires étrangères viennent conforter cette affirmation. 80 % du public français a ainsi confié croire qu’un assaut du type de celui du 7 octobre pourrait bien se produire dans leur pays, et 65 % d’entre eux ont dit soutenir la campagne israélienne.
Les États-Unis sont, bien entendu, au premier plan s’agissant de déterminer le temps qui sera alloué à Israël pour mener sa guerre à bien. Même si Washington se montre sensible aux pressions exercées par ses alliés – et aux menaces proférées par ses ennemis – l’Amérique a le pouvoir de s’opposer aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU et de limiter les déclarations publiques en Europe et au Moyen-Orient.
« Nous avons besoin de Biden contre le cessez-le-feu qui représente la plus grande menace pour le pays », s’exclame Oren.
Jusqu’à présent, Biden s’est battu pour Israël, maintenant le cap aux Nations unies et aux États-Unis. Les personnels de la Maison Blanche et les employés du Département d’État ont dénoncé le soutien ferme apporté par le président à Israël et son équipe de campagne en vue des élections de 2024 se déchirerait sur la question. Pourtant, Biden ne semble pas appelé à céder dans un avenir proche.
« Ce qui vaut à dire que nous avons une marge de manœuvre », dit Lerman. « Il faut néanmoins l’utiliser avec discernement et faire les bons choix, que ce soit au niveau opérationnel ou politique. »
« Deux ou trois idioties de plus du niveau de celle qui a été dite par le ministre [Amichai] Eliyahu et on se sera tiré une balle dans le pied », continue-t-il, faisant référence au ministre du Patrimoine d’extrême-droite qui a entraîné l’indignation, dans le monde entier, après avoir fait allusion à la possibilité d’utiliser l’arme atomique à Gaza.
Même s’il n’appelle pas à un cessez-le-feu, Biden exerce des pressions sur Israël. Dans son entretien téléphonique avec Netanyahu, lundi, le président américain a demandé « une pause tactique » dans les combats de manière à pouvoir laisser entrer l’aide humanitaire au sein de l’enclave côtière – et à ouvrir la porte, peut-être, à la libération d’otages.
« Il continuera à pousser Israël à prendre des mesures humanitaires », dit Daniel Byman, chercheur au sein du CSIS et professeur à l’université de Georgetown, « et c’est une demande qui s’accentuera au fur et à mesure que le bilan des morts civils à Gaza augmentera, en particulier après les morts très médiatisées de civils. »
Les responsables du gouvernement en conviennent : le nombre de morts qui ne cesse de croître à Gaza fait apparaître des défis grandissants.
« Renforcer l’alliance internationale contre le Hamas sera difficile avec les images qui sortent actuellement de Gaza », précise Levy. « Mais nous savons par les déclarations qui ont été faites par les dirigeants de la planète, au lancement de la guerre, qu’ils comprennent qu’il s’agit là d’un impératif stratégique non seulement pour Israël, mais pour le monde tout entier ».
Mais même si le soutien en faveur d’Israël reste ferme là où il le faut, tout peu changer en l’espace d’un instant.
« Ce n’est pas un phénomène graduel », explique Oren. « C’est soudain, c’est ce que j’appelle le syndrome de Kfar Qana qui peut surgir n’importe quand ».
« La fenêtre de légitimité internationale peut changer très rapidement, » avertit Haiat.
Au cours de la guerre du Liban, en 2006, Israël avait une nouvelle fois bombardé les environs de Qana, détruisant un bâtiment qui s’était écroulé sur 28 civils, dont 16 enfants. Les images de ces morts avaient obligé Israël à interrompre sa campagne pendant 48 heures et elles avaient renforcé les pressions – notamment de Washington – en faveur d’un cessez-le-feu.
« Si c’est nous, en effet, qui avions frappé l’hôpital, les choses seraient très différentes aujourd’hui », note Oren, évoquant l’explosion survenue le 17 octobre au sein de l’hôpital Al-Ahli, explosion dont le Hamas avait dans un premier temps attribué l’origine aux frappes israéliennes. Les experts et les pays occidentaux ont depuis largement convenu qu’un tir de roquette manqué émanant de la bande avait été la cause de la déflagration meurtrière.
« Quand on combat dans ce type d’environnement dense, construit », met en garde Oren, « on n’est qu’à un seul obus de char, qu’à une seule bombe JDAM de Qana. »
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