La liste des rabbins “acceptables” compte deux “déshonorés” aux Etats-Unis
La liste de 150 rabbins de la Diaspora ferme la porte au judaïsme libéral et à l’orthodoxie moderne, accepte les témoignages de rabbins dénoncés pour inconduites sexuelles et fausses déclarations, ainsi que 2 qui sont décédés en 2015
Amanda Borschel-Dan édite la rubrique « Le Monde Juif »

Après deux ans de procédures juridiques, le grand-rabbinat israélien a finalement publié une liste de rabbins de la Diaspora qu’il juge acceptables pour l’établissement de l’identité juive d’un plaignant. Sans surprise, aucune femme rabbin ne figure dans la liste, ni aucun rabbin libéral ou même de rabbin de l’orthodoxie moderne.
Avec 18 pays représentés, la liste comprend 150 rabbins orthodoxes, dont la majorité appartient aux unions rabbiniques ultra-orthodoxes (60 %) ou à l’union plus large des rabbins orthodoxes, le conseil rabbinique des Etats-Unis.
Le document en hébreu a été fourni au demandeur Itim, une association qui aide les Israéliens à naviguer dans le dédale bureaucratique du rabbinat quand ils désirent s’enregistrer pour des événements tels que des mariages (il n’y a pas de mariage civil en Israël). Itim a donné la liste au quotidien Haaretz, qui l’a publiée mardi.
Bien qu’il y ait environ 2 500 questions d’identité juive posées chaque année au bureau du registre du grand-rabbinat, dirigé par un bureaucrate intermédiaire, le rabbin Itamar Tubul, dans de précédentes auditions sur l’affaire devant la cour du district de Jérusalem, Itim a découvert que le rabbinat n’avait commencé à numériser ses données qu’en septembre 2015.
La liste publiée mardi est le résultat de l’informatisation du rabbinat et représente les noms des rabbins qui ont récemment été jugés « acceptables ».
Parmi les rabbins ultra-orthodoxes et orthodoxes modernes qui figurent sur la liste, quelques noms sortent cependant du lot, mais pas pour leurs prouesses halakhiques.

En 2005, le rabbin Mordecai Tendler, petit-fils de l’estimé rabbin orthodoxe Moshe Feinstein, a été expulsé par le conseil rabbinique des Etats-Unis pour ce qui a été décrit dans une lettre ouverte détaillée publiée sur son site internet comme « une conduite inappropriée pour un rabbin orthodoxe ».
Selon un article du Forward de 2005, « Tendler a été accusé de faire des avances à des femmes pendant qu’il était conseiller rabbinique ou arbitre religieux ».
Un autre rabbin problématique de la liste est le rabbin Matityahu Broyde, plus communément connu sous le nom du rabbin Michael Broyde, mais pas seulement. Lors d’un scandale en 2013, il a été découvert que Broyde avait utilisé plusieurs pseudonymes pour promouvoir ses carrières académiques et de dirigeant religieux. Largement dénoncé, le professeur d’Emory Law a rapidement été expulsé de l’influent Beth Din des Etats-Unis. Bien qu’il ait finalement démissionné du conseil rabbinique des Etats-Unis, il est toujours actif comme rabbin communautaire à Atlanta.
Pourquoi les noms de ces deux rabbins ont-ils été inclus dans une liste préliminaire fournie par le grand-rabbinat d’Israël et pas, par exemple, l’un des rabbins membres de l’union rivale de l’orthodoxie moderne, fondée par le rabbin Avi Weiss, l’International rabbinical fellowship ? Ce fait serait expliqué par les conditions d’observance de plus en plus strictes requises par les arbitres d’état pour la détermination de l’identité juive.

La raison pour laquelle les noms de deux rabbins décédés ont été inclus dans la liste est une toute autre question.
Parmi les rabbins reconnus au Royaume-Uni, on trouve le rabbin Saadia Amor de Londres, décédé en janvier 2015, et le rabbin Yehuda Brodie de Manchester, décédé en juin 2015.
L’avocate du rabbinat, Orit Meshmush, a écrit dans une lettre adressée à Itim que la liste n’avait pas vocation à être une compilation faisant autorité concernant quels rabbins sont reconnus par l’Etat d’Israël. Il s’agit plutôt d’une liste de rabbins dont les témoignages ont été acceptés récemment dans des affaires demandant une preuve du statut juif, comme des mariages ou des divorces.
« Il est possible qu’il y ait de futures affaires dans lesquelles un document qui est signé par un rabbin dont le nom apparaît dans la liste ne sera pas accepté pour diverses raisons », a-t-elle écrit, ajoutant qu’il n’y avait pas encore de critères d’ensemble pour les rabbins « acceptables ».
Le rabbin Seth Farber, fondateur d’Itim, a déclaré mardi au Times of Israël qu’il se réjouissait que la liste soit publiée.
« Itim continuera à insister pour une plus grande transparence et inclusion, a déclaré Farber. Le rabbinat doit comprendre les besoins de la communauté juive mondiale et travailler à un plus grand dialogue et à une plus grande confiance. »