La loi sur l’interdiction du drapeau palestinien sur les campus en suspens
Le texte prévoit que les étudiants violant cette interdiction seraient suspendus pendant un mois ; les universités s'insurgent
Un panel gouvernemental a mis en suspens pendant au moins un mois une loi proposée par la droite qui interdit l’exhibition des drapeaux palestiniens sur les campus israéliens. Ce texte a été largement condamné par les universités et les groupes de défense des droits de l’Homme et la procureure-générale a indiqué y être opposée.
Présentée par une députée d’extrême-droite, Limor Son Har-Melech, qui appartient au parti Otzma Yehudit, la législation interdirait aussi, sur les campus, tous les drapeaux liés à des organisations terroristes et toute expression de soutien à des groupes terroristes, au terrorisme et à la lutte armée menée par les ennemis d’Israël.
Les étudiants contrevenant au projet de loi seraient dans un premier temps suspendus pour une durée de 30 jours. En cas de récidive, il pourrait leur être interdit de passer un diplôme israélien pendant cinq ans ou de faire reconnaître un diplôme obtenu à l’étranger pendant cinq années également.
Les institutions universitaires devraient aussi expulser les étudiants appartenant à des organisations terroristes ou reconnus coupables de délits liés au terrorisme. Il serait impossible, pour ces derniers, de passer un diplôme en Israël pendant dix ans, et de faire reconnaître un diplôme obtenu à l’étranger pendant la même période.
Le projet de loi – qui, selon Son Har-Melech, a été rédigé par ses soins en collaboration avec l’organisation de droite Im Tirtzu – est le dernier dans une lutte de longue date portant sur la liberté d’expression dans les universités. L’an dernier, le parti du Likud, alors dans l’opposition, avait présenté une autre législation qui interdisait aux institutions soutenues par l’État – dont font partie les universités – d’exhiber le drapeau palestinien.
Mais la commission des Lois a refusé de dire, dimanche, si elle offrirait au projet de loi le soutien du gouvernement, disant qu’elle ne se prononcerait que dans au moins un mois.
Suite à cette mise à l’écart temporaire, Har-Melech a écrit sur Twitter, dimanche, que le projet de loi était « déterminant dans la guerre contre le terrorisme », critiquant l’opposition de la procureure-générale à certaines parties du texte. Le positionnement qui a été adopté par Gali Baharav-Miara « donne carte blanche » aux cellules terroristes « qui pourront continuer leurs incitations anti-israéliennes » sous couvert de liberté d’expression, a ajouté la législatrice.
Avant la rencontre du panel, dimanche, les groupes de défense des droits de l’Homme se sont rendus sur les campus de Tel Aviv, Haïfa et Beer Sheva pour protester, le drapeau palestinien en main.
Les manifestations ont été en partie organisées par Standing Together, un groupe qui soutient la coexistence et qui a qualifié le texte de loi « d’anti-démocratique et dangereux », ajoutant qu’il « nuira gravement à la liberté d’expression et à la capacité des étudiants palestiniens à exprimer leur identité nationale en toute liberté ».
« Chacun d’entre nous, étudiants palestiniens et juifs, nous devons nous opposer à cette législation si nous voulons conserver un espace académique libre, égalitaire et démocratique », a noté un communiqué du mouvement.
Dans ses notes explicatives, le projet de loi établit que « les institutions universitaires sont devenues une plateforme centrale pour les incitations au sein de l’État d’Israël. A Tel Aviv, à Ben Gurion et à l’Université Hébraïque [de Jérusalem], les étudiants ont organisé des manifestations explicitement favorables à l’intifada [le soulèvement armé palestinien] et, dans certains cas, ils ont tenu des propos explicites en soutien aux membres actifs des organisations terroristes ».
Il déclare aussi que certains étudiants ont été arrêtés, soupçonnés d’être impliqués dans des attentats terroristes et certains ont même été condamnés sans réponse appropriée de la part des institutions académiques. »
Au mois de mai dernier en particulier, les étudiants de l’Université Ben-Gurion du Néguev avaient organisé un rassemblement pro-palestinien, brandissant des drapeaux aux couleurs palestiniennes et entonnant des chants nationalistes. Cette manifestation – survenue après l’interdiction d’un événement de commémoration de la Journée de la Nakba, qui marque la « catastrophe » qui avait été entraînée par la création d’Israël pour les Palestiniens – avait suscité l’indignation et les critiques des politiciens de droite issus de toutes les alliances politiques.
De son côté, l’Université Ben-Gurion avait apporté son soutien à l’événement, soulignant qu’il était important de laisser s’exprimer toute une diversité de points de vue.
Un certain nombre d’administrateurs des établissements académiques ont aussi dénoncé la législation et l’Association des doyens d’université a émis, jeudi dernier, un communiqué qui condamnait un texte de loi « draconien » et « répressif », nuisant à la liberté d’expression.
« Le projet de loi vise à transformer les établissements d’enseignement supérieur en annexes de la police israélienne et du Shin Bet, en les obligeant à surveiller des centaines de milliers d’étudiants et sanctionner des actions qui sont actuellement protégées par les lois sur la liberté d’expression », disait ce communiqué.
« Faire état de considérations politiques dans la décision prise par une université de mettre fin aux études d’un individu quel qu’il soit serait de nature à gravement nuire aux universités israéliennes et à leur réputation de par le monde », ont poursuivi les doyens, affirmant que cette décision « justifierait à elle seule tous les reproches » du mouvement anti-israélien Boycott, Désinvestissement et Sanctions (BDS) et « provoquerait une vague de boycott des institutions israéliennes dans les universités du monde entier ».
Au mois de mai, la Knesset a avancé un projet de loi distinct qui rendrait passible d’une amende administrative de 10 000 shekels l’exhibition de drapeaux d’organisations terroristes. Le drapeau palestinien, comme le drapeau national de l’Autorité palestinienne, ne seraient pas concernés par cette mesure de répression.
Aucune de ces législations ne s’appliquerait à la Cisjordanie – où les drapeaux des groupes terroristes et palestiniens sont courants lors des événements organisés sur les campus.