La manifestation pro-Israël à Washington souligne l’anxiété face à l’antisémitisme
Deborah Lipstadt, envoyée contre l'antisémitisme, a assuré à la foule que les USA se dressaient "contre la haine anti-juive" dans un contexte de hausse des incidents antisémites

WASHINGTON — Entre les discours passionnés des étudiants et la sécurité stricte qui entourait l’événement, l’anxiété autour de la recrudescence de l’antisémitisme sur tout le territoire des États-Unis a occupé une place prépondérante dans les esprits des 290 000 personnes – un chiffre historique – qui ont participé à la Marche pour Israël organisée à Washington hier.
En plus de démontrer leur soutien à l’État juif et de demander le retour des otages kidnappés par le Hamas, sains et saufs, les organisateurs ont mis la lutte contre la haine anti-juive en tête de leur ordre du jour, avec des intervenants variés – des responsables du gouvernement américain à des activistes sur des campus universitaires.
Dans son discours, l’envoyée à la lutte contre l’antisémitisme de l’administration Biden, Deborah Lipstadt, a garanti le soutien apporté par le gouvernement à la communauté juive américaine, citant une anecdote datant de l’époque de la fondation des États-Unis, quand George Washington avait, semble-t-il, assuré à la communauté juive de Newport, à Rhode Island, que « la nouvelle nation n’offrira aucune caution au fanatisme et aucune assistance à la persécution ».
« Ce gouvernement se dresse, épaule contre épaule, contre la haine anti-juive. Nous nous tenons la main dans la main dans la lutte contre l’antisémitisme, partout où il se dissimule, partout où il tente de s’implanter », a-t-elle dit, sous les acclamations de l’assistance.
Une portion majeure des centaines de milliers de personnes présentes hier étaient des adolescents et des étudiants juifs venus au rassemblement avec leurs écoles, des groupes appartenant à des mouvements de jeunesse ou à des branches universitaires de Hillel.
Bien que les campus des universités américaines soient depuis longtemps des lieux de tension sur la question du conflit israélo-palestinien, l’atmosphère y est devenue particulièrement brûlante et pesante depuis le 7 octobre.
« Sur le campus, lors du dernier Shabbat, des gens nous ont insultés alors qu’on se promenait », a raconté un étudiant de l’université du Maryland, Elan Moskowitz, qui a pris soin d’arriver en avance à la manifestation. « Et pendant le Shabbat précédent, des gens ont crié ‘Hamas !’ en passant devant nous. »

Quelques jours avant le rassemblement, l’Anti-Defamation League (ADL) avait diffusé des données sur les incidents antisémites depuis le 7 octobre – des données qui signalent une hausse de 316 % de ce type d’incidents par rapport au mois d’octobre 2022.
Le directeur de l’ADL, Jonathan Greenblatt, a fait savoir au Times of Israel que son groupe de veille avait répertorié 124 incidents de haine anti-juive sur les campus universitaires au mois d’octobre 2023, contre 12 au mois d’octobre de l’année dernière.
Selon Greenblatt, il est indubitable que la recrudescence de l’antisémitisme soulignée par son organisation « a été accélérée par les antisionistes » qui, a-t-il ajouté, tentent d’exploiter les événements pour attribuer à Israël la responsabilité des atrocités commises le 7 octobre par le groupe terroriste du Hamas.
« Nous avons du pain sur la planche pour garantir que nos établissements d’enseignement supérieur et que nos universités seront véritablement des lieux sûrs pour nos jeunes Juifs », a commenté Greenblatt auprès du Times of Israel lors de la manifestation. « Les choses ont dégénéré dans ces universités et il est temps de rectifier le tir. »

Sabrina Soffer, étudiante à l’université George Washington, est montée à la tribune pour raconter sa vie sur le campus depuis le 7 octobre. Elle s’est souvenue de cet étudiant qui avait déchiré des affiches montrant les visages des otages israéliens, à l’intérieur du bâtiment occupé par le groupe Hillel.
« Nous luttons contre l’antisémitisme avec un ‘sémitisme’ fort et informé, avec éclat », a-t-elle expliqué à l’assistance qui s’était étiolée à la fin du rassemblement.
Même si la majorité des personnes présentes étaient des Juifs américains, les chrétiens sionistes étaient venus nombreux pour afficher leur soutien à Israël.
Mark Moore, un pasteur de Chicago, a indiqué qu’il était important pour lui « que les Juifs aient conscience que les chrétiens se tiennent à leurs côtés parce que les Juifs défendent la vie, ils défendent la démocratie, ils défendent la liberté ».
Moore a noté qu’il y avait aussi en lui une part de « croyance biblique » qui l’amenait à s’opposer à la haine anti-juive tout en faisant remarquer qu’il se dresserait contre l’antisémitisme « même si je devais jeter ma Bible, que je devais cesser de croire ».
« Il y a un si grand nombre de Juifs ici, aujourd’hui, qui sont venus nous voir pour nous remercier quand ils ont vu nos panneaux. Ce qui m’a frappé, c’est qu’ils ont semblé soulagés – j’ai le sentiment qu’ils sont actuellement plongés dans l’incertitude, qu’ils ont peur et ils ne devraient pas ressentir ce genre d’émotion », a-t-il ajouté.

Malgré le positionnement fort contre l’antisémitisme pendant la marche, une poignée de groupes juifs progressistes se sont insurgés contre la venue de John Hagee, un pasteur controversé, invité à prendre la parole à la tribune. Fervent soutien d’Israël, le pasteur a toutefois fait des déclarations dans le passé considérées par les conservateurs comme par les libéraux comme antisémites.
« Contrairement à ce qui m’avait été dit, le pasteur John Hagee va s’exprimer aujourd’hui lors du rassemblement. Je suis horrifié qu’on lui ait offert une telle tribune. Ses antécédents de discours de haine auraient dû le disqualifier pour une intervention – et davantage encore », a déclaré Hadar Susskind, à la tête de l’organisation Americans for Peace Now qui a pris part au rassemblement.
La manifestation, fermée de tous les côtés à l’aide de clôtures, n’a rencontré que peu d’opposition de la part de contre-protestataires – à l’exception des membres de Neturei Karta, une secte haredi violemment antisioniste, qui se sont installés sur un trottoir adjacent pour bloquer l’entrée de l’événement.

Les agents de sécurité, à l’entrée, exigeaient des arrivants de passer à travers un détecteur de métaux, contrôlant aussi automatiquement les sacs. Le département de la Sécurité intérieure a déployé des personnels en nombre substantiel en amont du rassemblement, ont confié des responsables de la police.
Meshulam Ungar, étudiant à la Brandeis Universty, a le sentiment que l’antisémitisme qu’il a vu croître sur le campus depuis un mois et demi a mobilisé les jeunes Juifs américains et que ce rassemblement est l’expression de cette mobilisation.
« Je pense que pour les jeunes Juifs, le sens qu’ils ont du monde, le sens de ce qu’est leur identité est en train de se façonner depuis un mois et demi, avec tout ce qui s’est passé », a-t-il affirmé, comparant ce processus à celui que les Juifs américains avaient connu pendant la guerre des Six jours et pendant la guerre de Yom Kippour.
« Les gens ont eu le sentiment qu’Israël affrontait une menace existentielle. Qu’Israël ait fait face à une menace existentielle ou non, le 7 octobre, est finalement sans intérêt, mais ce qui est sûr, c’est que ces événements ont détruit notre sentiment de sécurité », a-t-il ajouté.
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