Israël en guerre - Jour 369

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Analyse

La stratégie d’Israël derrière l’interception d’armes iraniennes

Jérusalem estime que la cargaison d'armes découvertes à bord du Klos-C montre le vrai visage de Téhéran

Mitch Ginsburg est le correspondant des questions militaires du Times of Israel

Benny Gantz, chef d'état-major de l'armée israélienne et Moshe Yaalon, ministre de la Défense (Crédit : autorisation ministère de la Défense)
Benny Gantz, chef d'état-major de l'armée israélienne et Moshe Yaalon, ministre de la Défense (Crédit : autorisation ministère de la Défense)

Pour saisir à quel point le défi que représente la traque et l’interception de la cargaison d’armes iraniennes à bord du Klos-C, un navire iranien à destination de Gaza, est immense, il est utile de noter que contrairement aux masses terrestres, soigneusement morcelées en zones souveraines, les mers et océans sont des lieux anarchiques.

L’écrivain William Langewiesche parle même de zone où « les pathogènes résilients de la piraterie et du terrorisme prospèrent. »

Les océans couvrent trois-quarts de la surface de la Terre et abritent   40 000 navires marchands qui transportent près de 90 % du commerce international.

En 2003, Langewiesche écrivait dans The Atlantic que ces bateaux « incarnent réellement l’anarchie en haute mer : ils sont probablement les objets les plus indépendants qui soient.

La plupart d’entre eux ne font allégeance à personne, ils changent fréquemment d’identité et adoptent n’importe quelle nationalité ou ‘drapeau’ qui leur permette de naviguer à leur guise. »

Le Panama, un pays de 3 millions d’habitants est la première nation maritime au monde, poursuit l’écrivain. C’est d’ailleurs sous pavillon panaméen que naviguait le Klos-C avant d’être intercepté par la marine israélienne à environ 100 milles nautiques au sud-est de Port-Soudan.

D’après les déclarations officielles, dont celle du Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a affirmé que l’objectif secondaire de l’opération était de révéler le vrai visage de l’Iran, il semble que la manœuvre ne visait pas seulement à intercepter des missiles.

Elle visait aussi à brosser un tableau aussi sombre que possible de l’Iran et du Hamas, à la manière de ce qui a été fait en 2002 avec Yasser Arafat, après la découverte d’une cargaison d’armes à bord du Karine-A.

Le major-général (réserviste) Amos Yadlin, ancien chef des renseignements militaires, a qualifié la capacité opérationnelle de la marine et le processus décisionnel de « fantastiques », ajoutant, lors d’une interview à la radio de l’armée, que des milliers de bateaux naviguaient quotidiennement en mer Rouge et qu’il aurait été « gênant» qu’Israël intercepte un navire innocent dans les eaux internationales.

Une fois à Gaza, les missiles « étaient destinés à toutes les organisations terroristes, dont le Hamas », a estimé un porte-parole de l’armée.

Ce qui semble surprenant étant donné le profond désaccord entre le Hamas et l’Iran sur la guerre civile en Syrie, où des combattants sunnites se battent contre des troupes du Hezbollah et d’autres groupes soutenus par Téhéran.

Mais que le Hamas ait commandé ou non ces missiles, il aurait été quasi-impossible de les faire entrer dans Gaza sans que le groupe terroriste ne soit au courant.

« Les Iraniens savaient parfaitement que ce type de cargaison et que des missiles d’une telle portée et d’une telle taille, exigeraient l’autorisation du Hamas », juge le docteur Shaul Shay, colonel réserviste dans les renseignements militaires et professeur à l’École Lauder du centre interdisciplinaire de Herzylia.

Shay estime que le contrôle du Hamas des quelques tunnels restants qui connectent le Sinaï à Gaza aurait contraint le Djihad Islamique, un groupe proche de l’Iran, à « au moins payer une dîme » au Hamas.

Pour Yadlin, les roquettes en elles-mêmes ne représentent pas de « changement qualitatif fondamental. » Leur portée est probablement de 120 kilomètres et leurs ogives doivent contenir une charge destructrice d’une centaine de kilos.

Cela les rapproche des roquettes de fabrication iranienne Fajr-5, tirées vers la région du Gush Dan, lors de l’opération Pilier de Défense en novembre 2012. Nuisibles, certes, mais pas susceptibles de changer la donne.

Toutefois en Israël, le ministre de la Défense Moshe Yaalon et d’autres responsables espèrent que cette saisie d’armes, au moment même où l’Iran est engagé dans des pourparlers avec les grandes puissances, pourra redistribuer les cartes. Pour cela, Israël peut s’appuyer sur l’antécédent du Karine-A.

En 2001, le président américain George W. Bush avait déclaré que « le monde devrait applaudir » Arafat pour ses efforts visant à maîtriser « les éléments radicaux. »

En janvier 2002, deux semaines après la saisie du Karine-A, un navire transportant des armes vers Gaza – armes commandées par Arafat, comme l’ont prouvé les services de renseignement israélien – Bush a affirmé que le dirigeant palestinien « faisait la promotion du terrorisme ».

Deux semaines plus tard, il intégrait l’Iran dans son « axe du mal » lors du discours sur l’état de l’Union.

Sur les négociations entre l’Iran et les grandes puissances, Yaalon a affirmé que les pays qui n’avaient pas pris en compte le soutien massif de Téhéran au terrorisme pouvaient « encore revenir à la raison. » Le ministre de la Défense juge que la cargaison du Klos-C est une preuve suffisante.

Sans le travail en amont des services de renseignement, qui a permis de découvrir et d’arrêter la cargaison, Yaalon, Netanyahu et Cie n’auraient pu faire valoir un tel point de vue.

Avant que les commandos de la marine ne montent à bord du navire mercredi matin, le Mossad, la direction du renseignement militaire et la division des renseignements de la Marine ont tous conduit ce que le chef d’état-major a qualifié de « travail de renseignement très vigoureux. »

La première étape fut la localisation des missiles M-302 à l’aéroport international de Damas. Cela a été rendu possible par un appel téléphonique malavisé, une source sur le terrain ou un infiltré capable de noter les conteneurs nécessitant une surveillance rapprochée.

Netanyahu a pris soin de féliciter le Mossad mercredi, ce qui laisse penser que ses agents ont joué un rôle pour localiser le cargo avant qu’il n’atteigne Téhéran.

Ensuite, les missiles ont été tracés par voie terrestre sur des centaines de kilomètres, jusqu’au port de Bandar Abbas, au sud de l’Iran.

« L’itinéraire est bien connu », confie le major (réserviste) Yoaz Hendel, ancien commandant dans la marine et ex-directeur des relations presse au sein du Bureau du Premier ministre.

Hendel explique que le port est largement utilisé par les forces spéciales iraniennes Al-Qods. En outre, des composantes du programme nucléaire iranien seraient introduites via ce port et des armes à destination de groupes terroristes seraient envoyées depuis Bandar Abbas, une ville portuaire iranienne.

Afin peut-être de masquer la nature de la cargaison, le Klos-C s’est cependant dirigé vers le nord-ouest, vers le golfe Persique et l’Irak, a chargé plusieurs tonnes de béton sec à bord, puis a mis les voiles pour la mer Rouge, serpentant autour du Yémen et de l’Erythrée en route vers le Soudan.

Hendel suggère que les forces qui ont intercepté le navire dans les eaux internationales – à plusieurs milliers de kilomètres du rivage israélien – étaient au courant depuis plusieurs semaines. « Vous ne vous réveillez pas comme ça un matin et, surprise, il y a un navire d’armes à Port-Soudan », juge t-il.

Au contraire, les informations collectées par les renseignements militaires du Mossad et de la marine ont été transmises aux forces opérationnelles, notamment le nombre de personnes à bord, l’itinéraire suivi et la probabilité que les membres d’équipage soient armés.

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