La tentative d’attentat ratée du vol Londres-Tel Aviv d’avril 1986
Anne-Marie Murphy, enceinte de 6 mois, avait transporté sans le savoir une bombe dans un vol à destination d'Israël - qui lui avait été donnée par son petit ami jordanien
Le 17 avril 1986, un vol de la compagnie El Al qui reliait Londres à Tel Aviv avait été la cible d’un projet d’attentat à la bombe qui aurait pu tuer tous les passagers se trouvant à bord – notamment la femme enceinte qui transportait, sans le savoir, l’explosif que son petit ami jordanien lui avait donné.
Trente-cinq ans plus tard, deux agents de la sécurité qui avaient aidé à éviter la catastrophe ont évoqué les faits dans un entretien qui a été diffusé vendredi à la télévision.
Le vol 016 d’El Al, reliant New-York à Tel Aviv, avait fait escale à l’aéroport d’Heathrow, à Londres, avant de décoller pour rejoindre sa destination finale.
Yossi Orbach, qui était à l’époque agent de sécurité El Al à Londres, raconte devant les caméras de la Treizième chaîne que « c’était un jour d’avril normal à Londres » – décrivant une météo tiède et agréable, et se souvenant qu’il avait anticipé une journée tranquille au travail. « Nous n’avions eu aucun mise en garde de la part des renseignements et nous n’étions absolument pas prêts à ce qui allait arriver », a-t-il continué.
Les agents avaient commencé leur contrôle des passagers, interrogeant les voyageurs qui embarquaient à bord de ce vol pour l’État juif.
Anne-Marie Murphy, une Irlandaise âgée de 32 ans qui était enceinte de six mois, s’était présentée au contrôle.
« Elle est arrivée relativement tôt pour le vol. La zone d’enregistrement, si je m’en souviens bien, était presque vide », commente de son côté Ofer Argov, qui travaillait également dans l’équipe de sécurité.
La première impression d’Orbach avait été que Murphy était une passagère tout à fait ordinaire : une femme enceinte aux cheveux clairs d’une petite trentaine d’années. Jamais, affirme-t-il, il n’aurait pu voir en elle une personne susceptible de mener une activité terroriste.
« Elle est arrivée vers nous avec un bagage qui était facile à enregistrer : Un petit sac avec un petit portefeuille », ajoute-t-il dans le reportage.
Argov qui, à l’époque, venait de prendre son poste à Londres, avait commencé à lui poser les questions habituellement soumises aux passagers embarquant dans un vol du transporteur israélien : Avait-elle fait elle-même ses bagages ? Les avait-elle préparés seule ? Quelqu’un lui avait-il confié quelque chose à transmettre une fois qu’elle serait arrivée en Israël ?
Argov précise ne pas avoir réalisé de prime abord qu’elle était enceinte.
« C’est l’une des premières choses qu’elle m’a dit : elle m’a fait savoir qu’elle attendait un bébé. Elle m’a aussi dit qu’elle travaillait à l’hôtel Hilton, en tant que serveuse. Je lui ai demandé si elle resterait en Israël et elle m’a répondu qu’elle se rendait à l’hôtel Hilton à Bethléem [en Cisjordanie], » se rappelle Argov.
« Il n’y a pas de Hilton à Bethléem », avait alors riposté Orbach. D’un autre côté, « je n’allais pas faire tout un plat » de voir une personne non-juive se rendre à Bethléem, confie-t-il devant les caméras.
Argov raconte qu’il avait alors interrogé Murphy sur la somme qu’elle avait en sa possession et si cette dernière serait suffisante pour aller au sein de l’État juif. « Elle m’a répondu qu’elle avait 50 livres britanniques sur elle », indique-t-il. Elle avait également ajouter avoir une carte de crédit qui, selon elle, lui permettrait de retirer de l’argent en Israël si elle en avant besoin.
« J’avais donc cette femme en face de moi qui me disait qu’elle allait séjourner à l’hôtel Hilton de Bethléem – un hôtel qui n’existe pas – et qu’elle avait sur elle 50 à cent livres pour le voyage. Et cela me paraissait insensé, j’avais le sentiment qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas dans ce récit », note Argov.
Toutes les réponses de Murphy se voulaient être pourtant « normales », selon Argov. « Ofer avait posé ses questions et elle y avait répondu », précise Orbach, qui note que la jeune femme était très calme.
Les agents de sécurité sont formés à détecter les signaux présentés par une personne consciente qu’elle s’apprête à commettre un crime ou une attaque. Mais Murphy ignorait absolument qu’elle transportait quelque chose de dangereux.
Il devait s’avérer ultérieurement que Murphy avait eu une relation amoureuse avec un ressortissant jordanien, Nezar Hindawi, qui l’avait abandonnée après l’annonce de sa grossesse.
Et finalement – et soudainement – Hidawi était revenu vers elle, et il lui avait proposé de l’épouser en Israël. Murphy, naïve, avait accepté. Mais Hindawi cherchait à utiliser la jeune femme comme kamikaze involontaire et il avait ultérieurement affirmé avoir été formé par les services de renseignement syriens qui lui avaient donné des instructions.
Hindawi avait déclaré à Murphy qu’il ne pourrait pas embarquer dans le même vol qu’elle, expliquant que parce qu’il était Arabe, la délivrance d’un visa nécessiterait plus de temps. Il lui avait également dit de ne pas mentionner leur relation amoureuse dans la mesure où une telle révélation risquait de lui poser des problèmes supplémentaires avec la sécurité aéroportuaire. Il avait emmené Murphy à Heathrow et il lui avait confié le sac rempli d’explosifs – qui, selon la minuterie, devait exploser en plein vol.
Pour les personnels de sécurité, Murphy paraissait être, sur le papier, une passagère on ne peut plus normale. Ses sacs avaient déjà été approuvés mais, ressentant un malaise, l’équipe de sécurité d’El Al avait pris la décision de les refaire passer au scanner.
« Le scanner à rayons X m’avait dit sans ambiguïté possible qu’il n’y avait rien là-dedans », se souvient Orbach. Ressentant néanmoins une crainte sourde, il avait décidé de l’ouvrir. Une fois les objets sans importance sortis, le sac paraissait encore lourd. Et c’est là, derrière une couture, qu’Orbach avait découvert quelque chose d’enveloppé dans un adhésif brun.
« J’ai d’abord pensé à des stupéfiants », dit-il devant la caméra.
Il avait saisi ce colis étrange, ne réalisant pas qu’il s’agissait d’une bombe. « J’étais dans une sorte de déni : ça ne pouvait pas être une bombe. La passagère avait déjà été contrôlée », se souvient-il avoir pensé.
Enlevant l’adhésif avec précaution, Orbach avait aperçu un objet « gras et orange ».
« C’est la première leçon qu’on vous donne dans le domaine des explosifs », explique-t-il.
Orbach avait immédiatement averti un agent de sécurité de Heathrow, lui disant que « je pense que nous avons trouvé une bombe, il faut évacuer le terminal ».
Murphy avait été emmenée par les services britanniques de sécurité.
La bombe était constituée de 1,5 kilogramme d’explosifs. Selon la minuterie automatique, l’avion de type Boeing 767-200ER devait exploser en plein vol. Il devait transporter 370 personnes.
Murphy avait été horrifiée de découvrir que son futur époux avait tenté de faire d’elle une kamikaze. Lors d’un interrogatoire, elle avait donné le nom de Hindawi aux responsables, et les forces de sécurité britanniques s’étaient mises immédiatement à la recherche du suspect.
Quand la nouvelle du complot avorté avait été annoncée, Hindawi, dans un premier temps, était allé à l’ambassade syrienne pour y trouver refuge. Il s’était finalement rendu aux policiers britanniques.
L’État juif avait attribué la responsabilité de cette tentative d’attentat à la Syrie, le Premier ministre de l’époque, Shimon Peres, soulignant que les agents de sécurité avaient « empêché une guerre d’ampleur entre Israël et la Syrie ».
Hindawi avait été condamné à 45 ans de prison et Murphy, pour sa part, avait été remise en liberté, les Britanniques ayant réalisé qu’elle avait été manipulée par le terroriste jordanien.
Elle devait dire ultérieurement que la seule bonne chose issue de cette relation amoureuse avait été sa fille, Sara.