La victime grièvement blessée par balle par un partisan pro-implantation souffre encore six mois plus tard
Zakaria al-Adra avait reçu une balle dans l'abdomen tirée par un Israélien armé lors d'un incident qui avait été filmé ; le Bureau du Procureur de l'État a annoncé réexaminer actuellement l'incident
Il y a environ six mois, la vie de Zakaria al-Adra, un résident du petit village palestinien d’A-Tuwari, a été bouleversée – prenant un nouveau tournant qui l’a définitivement marqué.
Le 13 octobre dernier, les prières du vendredi venaient tout juste de s’achever à la mosquée d’A-Tuwani quand des enfants, qui se trouvaient à l’extérieur, ont poussé des cris paniqués : « Les colons [résidents d’implantation], les colons, ils sont entrés à A-Tuwani, » raconte al-Adra au Times of Israel au cours d’un entretien.
Al-Adra, 30 ans, déclare s’être alors précipité à l’extérieur. Il a aperçu deux Israéliens en vêtements civils, l’un portant un fusil d’assaut militaire, qui pénétraient dans une partie du village proche de la mosquée. Ils étaient accompagnés par un soldat portant l’uniforme de l’armée.
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Dans une vidéo de l’incident, l’homme armé s’approche avec agressivité d’al-Adra et les deux hommes échangent pendant quelques secondes.
« Il s’est approché de moi et il m’a dit : ‘Fiche le camp d’ici’. Je lui ai répondu : ‘Vous, vous partez. Ce n’est pas moi qui suis allé vous voir, c’est vous qui êtes venu à moi. C’est vous qui partez’, » raconte al-Adra en arabe. C’est son cousin, Basel al-Adra, qui assure la traduction en hébreu.
Selon Al-Adra et Basel, l’homme armé venait de la direction de la Ferme de Maon, un avant-poste illégal qui surplombe A-Tuwani. Ils disent cependant ignorer si l’individu habite l’avant-poste.
Sur les images de l’incident – qui a été filmé par Basel, qui travaille pour l’organisation controversée de défense des droits de l’Homme B’Tselem – l’Israélien bouscule al-Adra avec le canon de son fusil ; il recule, puis il ouvre le feu à courte portée en visant l’estomac.
Al-Adra a été immédiatement amené à l’hôpital où il a été opéré en toute urgence pour soigner les blessures essuyées par son abdomen. Il a ensuite passé 60 jours dans des unités de soins intensifs, d’abord dans un hôpital local, à Yatta, puis à l’hôpital al-Ahli, à Hébron. Il a fallu 82 jours d’hospitalisation avant qu’il se sente suffisamment fort pour réintégrer son habitation.
Quarante-huit heures après cet incident, un porte-parole de la police avait indiqué au Times of Israel que l’auteur des coups de feu – qui avait été décrit comme un résident du secteur – avait été interpellé en vue d’un interrogatoire. Toutefois, la police n’avait commencé à interroger les témoins qu’environ six semaines après les faits – après que la famille d’al-Adra a fait appel aux services d’un avocat.
Même si elle avait été immédiatement alertée de ce qui était arrivé par les proches du blessé, la police n’était jamais venue sur les lieux pour recueillir des éléments de preuve, fait remarquer Basel.
En réponse à une demande de commentaire, la police a informé le Times of Israel que les investigations étaient terminées et que le dossier avait été confié aux soins du Bureau du procureur de l’État, qui sera chargé de décider d’une éventuelle mise en examen de l’auteur des coups de feu.
De son côté, le Bureau du procureur de l’État a fait savoir qu’il avait reçu le dossier transmis par la police il y a deux mois, mais qu’il l’avait renvoyé en raison d’éléments qui manquaient dans l’enquête. Les forces de l’ordre ont « récemment » transféré le dossier définitif au Bureau du Procureur de l’État qui « réexamine » actuellement les preuves soumises avant de prendre une décision sur une éventuelle inculpation, a-t-il noté.
Les violences commises par les partisans du mouvement pro-implantation à l’encontre des Palestiniens de Cisjordanie ont fortement augmenté au mois d’octobre et au mois de novembre 2023, suite à l’attaque meurtrière commise par le Hamas, le 7 octobre, aux atrocités perpétrées ce jour-là par les hommes armés dans le sud d’Israël et suite à la guerre qui a suivi dans la bande de Gaza.
Même si le niveau des violences a baissé depuis, il reste à un degré historiquement élevé, selon des statistiques qui ont été diffusées par le Bureau de Coordination des Affaires humanitaires des Nations unies.
Par ailleurs, les mises en examen des Israéliens qui se rendent coupables de violences à l’encontre des Palestiniens, en Cisjordanie, restent pour leur part extrêmement rares. Une étude réalisée par l’organisation d’aide juridique Yesh Din, qui avait été rendue publique au mois de janvier, avait établi que sur 1 664 enquêtes de la police menées de 2005 à septembre 2023, environ 94 % avaient été classées sans suite.
Pour al-Adra et pour sa famille, le fait que l’auteur des coups de feu soit encore en liberté – malgré les nombreuses preuves réunies contre lui et même si les responsables de la police connaissent son identité – est à la fois source de colère et à l’origine d’un sentiment profond d’injustice.
L’auteur des coups de feu était membre d’une équipe de sécurité civile locale, officiant dans une implantation située à proximité. Ce qui explique pourquoi il était muni d’un fusil d’assaut – ce genre d’armement ne pouvant être obtenu par les civils.
« Que cet homme soit encore en liberté est totalement injuste », s’exclame al-Adra. « Ce résident d’implantation a pris la peine de venir jusqu’à l’intérieur du village, il m’a frappé, il m’a tiré dessus, il est reparti et en ce moment-même, il est complètement libre ».
« Imaginez que ce soit le contraire qui se soit produit. Imaginez qu’un Palestinien se soit rendu dans un avant-poste et qu’il ait tiré sur un habitant d’implantation, là-bas. On aurait ouvert le feu sur lui, l’armée serait venue pour démolir l’habitation de sa famille et les membres de sa famille auraient été emprisonnés », déclare-t-il.
Au cours des six derniers mois, son père a soutenu financièrement sa famille – il est marié et père de quatre enfants – dans la mesure où al-Adra est dans l’incapacité de travailler. Il était ouvrier dans le secteur de la construction – une activité professionnelle particulièrement exigeante physiquement.
Les blessures d’Al-Adra continuent à le faire souffrir en permanence.
La balle s’est logée dans le côté gauche de son abdomen, touchant son estomac, ses intestins, son pancréas et trois côtes.
A cause de sa blessure aux intestins, les médecins lui ont placé une poche de colostomie. Elle devrait être enlevée, dans les prochaines semaines, suite à une intervention chirurgicale.
Les médecins lui ont toutefois dit qu’il ne pourrait plus jamais travailler sur les chantiers de construction en raison des douleurs de ce labeur éminemment physique et des atteintes qu’il serait susceptible de se faire.
« Si je ris trop fort, cela me fait mal à l’estomac et si je parle trop fort, c’est également douloureux. Si je me penche trop en avant, quelqu’un doit venir m’aider à me redresser », explique al-Adra qui ajoute que la poche de colostomie elle-même entraîne des douleurs.
Comment gagnera-t-il sa vie à l’avenir ? A cette question, il dit n’avoir aucune certitude à ce sujet même si, ajoute-t-il, il pourrait tenter de développer « des projets plus petits », sans apporter de précision.
Son père, lui aussi, fait face à des difficultés financières dans la mesure où le permis qui l’autorisait à travailler sur le territoire israélien dans le secteur de la construction a été révoqué au mois d’octobre.
Al-Adra indique être en colère non seulement en raison de ce qu’il a vécu mais en raison aussi « du harcèlement et des violences permanentes » exercées, dit-il, à l’encontre de la population palestinienne locale de la part des partisans extrémistes du mouvement pro-implantation.
« Les résidents d’implantation posent des problèmes depuis longtemps et rien ne change », regrette-t-il. « Que ce soit lors de la récolte des olives ou quand nous sortons pour faire paître le bétail… Ils causent des problèmes pour tout ».
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