L’actrice juive Lisa Edelstein expose des œuvres inspirées de sa famille
Sa toute première exposition, intitulée « Family », est visible à la galerie d’art SFA Advisory, dans le centre de Manhattan jusqu’au 25 janvier

JTA — Comme beaucoup d’entre nous, piégés par le premier confinement en 2020, Lisa Edelstein a passé une partie de son temps libre à remuer de vieilles photos de famille.
Mais loin de s’abandonner à la nostalgie, elle en a fait la base d’un projet artistique.
Depuis, l’actrice, connue pour avoir incarné des personnages juifs dans plusieurs séries à succès comme « Dr House », « Le Guide de la parfaite Divorcée », « The West Wing » ou « La méthode Kominsky », a peint des tableaux qui revisitent de vieilles photos de famille.
Ces oeuvres sont visibles dans le cadre de sa toute première exposition en solo, intitulée « Family », à la galerie d’art SFA Advisory, dans le centre de Manhattan, jusqu’au 25 janvier.
« Je ne pense pas qu’il soit possible d’échapper à ma judéité, que je le veuille ou non », dit Edelstein.
« Presque tous les rôles que j’ai joués ont fini par laisser entrevoir leurs racines juives. Je ne me considère pas comme Juive avant tout, mais mon nom le dit pour moi, et cela ne me dérange pas. »
Son identité juive transparaît également dans ses peintures.
Comme les photos dont elles s’inspirent, elles représentent les membres de sa famille lors de moments simples, souvent lors d’événements familiaux. On y voit des hommes coiffés d’une kippa embrasser des proches sur la joue lors d’une fête, une femme au téléphone, des enfants et des adultes se régaler dans une pizzeria.
« Ce que je recherche, ce sont ces images qui racontent une histoire simple et authentique, un instantané, parfois décalé, une pose maladroite », explique Edelstein.
« Il n’y a plus d’images comme celles-là, le monde est tellement sophistiqué, à l’image de nos téléphones, qui nous permettent de supprimer tout ce qui raconte une histoire que nous préférons oublier ou présenter différemment. Quand nous prenions des photos avec des pellicules, il fallait du temps et de l’argent pour les faire développer. Même si nous détestions une photo, nous avions tendance à la garder, même dans une boîte, quelque part. Ce sont ces photos qui m’intéressent. »
Aujourd’hui âgée de 56 ans, Edelstein a grandi à Wayne, dans le New Jersey, dans une famille juive qui observait scrupuleusement toutes les fêtes et le Shabbat.
« J’ai été élevée dans un cadre juif sain, mais cela ne s’est pas fait sans quelques gênes et difficultés », confie-t-elle. En témoignent les déclarations, dans un journal local, de celui qui était alors chef du conseil scolaire et est devenu plus tard maire, demandant à la population de ne pas voter pour les candidats juifs aux élections scolaires au motif qu’ils annuleraient Noël. »

« La façon dont les gens parlent des femmes juives en particulier, avec par exemple le mot JAP [‘jewish american princess’ ; un terme péjoratif utilisé pour décrire les jeunes femmes juives], est vraiment répugnante. Quelque part, je crois que j’avais besoin de me dissocier de cette identité afin de ne pas être réduite à ce que les gens associaient à cette identité », admet-elle.
Lorsqu’elle s’installe à Los Angeles en 1991, elle envisage de changer de nom pour faire carrière. Mais elle se ravise, convaincue que cela aurait entaché son succès. Hitler aurait alors gagné, précise-t-elle.
Elle connait l’antisémitisme durant sa carrière, reléguée en début de carrière dans une catégorie « ethnique » un peu floue, parfois rejetée d’un casting parce qu’il y avait déjà un acteur juif dans la distribution – et que deux Juifs, pour certains, c’est un Juif de trop.
Il y a de cela quelques années, Edelstein publie sur Instagram une vieille photo d’elle avec sa mère et ses deux frères et sœurs, à l’occasion de l’anniversaire de sa mère. La photo a pour cadre le mur Occidental, à Jérusalem. Certains se déchaînent et profèrent des menaces de mort en commentaire. Elle les supprime.
« Ces derniers temps, peindre une kippa est presque devenu un geste radical, sans parler de peindre un logo d’El Al ou même simplement des visages juifs. C’est devenu audacieux, sinon risqué, d’être simplement juif, publiquement », affirme-t-elle.

Pour autant, elle n’a pas eu peur d’exposer ses œuvres centrées sur la judéité. Elle est surtout préoccupée par la réception du projet.
« Les actrices sont des personnes que les gens aiment et détestent à la fois. Il est très difficile de savoir quelle sera la réaction du public. Mais je me suis sentie très soutenue par l’ensemble de la communauté artistique, du moins celle dans laquelle j’évolue », nuance-t-elle.
Edelstein aimait dessiner lorsqu’elle était enfant et adolescente, mais elle n’a pas continué après le lycée. Ce n’est qu’avec le confinement lié à la pandémie qu’elle s’y est remise. Cela a commencé par l’achat de livres de coloriage pour adultes, pour tuer le temps, mais elle n’aimait pas trop les images qu’ils contenaient et elle a décidé de créer les siennes.
Son mari, Robert Russell, lui-même artiste, l’a poussée à en faire plus, et les images ont gagné en taille, jusqu’à ce qu’elle passe du feutre à l’aquarelle.
Russell l’a toujours encouragée à suivre ses aspirations artistiques.
Dès le début de leur relation, il lui demande de dessiner quelque chose pour lui. Déjà fan de l’utilisation de la photographie, elle lui offre un dessin d’elle-même enfant, âgée de quatre ans, assise sur la plage avec un crabe. (Il lui offre un tableau représentant deux colombes pour leur deuxième rendez-vous.)
« Soudain, j’ai réalisé que je pouvais faire ce genre de choses, non pas parce qu’on m’y avait autorisée, mais parce que je l’avais toujours fait », confie Edelstein.
Elle entend bien continuer à jouer, écrire et réaliser, en parallèle avec sa nouvelle carrière. Edelstein aimerait adjoindre ses dessins à une Haggadah de Pessah qu’elle a écrite pour sa famille et qu’elle met à jour chaque année. Si elle publiait cette Haggadah, les dessins pourraient faire du livre du Seder une sorte de livre de coloriage pour les enfants.
« J’ai beaucoup d’énergie, tout m’intéresse », dit-elle.
« Ce sont les différents aspects d’une seule et même chose, toutes les manières dont mon corps porte les idées. Elles se nourrissent l’une
l’autre. »