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L’Allemagne veut identifier des milliers de handicapés tués par les nazis

Le projet scientifique repose sur la découverte en 2014 de sections de cerveaux de personnes tués sous le règne d'Hitler

Un bus et son chauffeur photographiés devant le centre d'extermination Hartheim d'Allemagne en 1940, où des handicapés physiques et/ou mentaux étaient "euthanasiés" par le programme secret T4. (Crédit : domaine public)
Un bus et son chauffeur photographiés devant le centre d'extermination Hartheim d'Allemagne en 1940, où des handicapés physiques et/ou mentaux étaient "euthanasiés" par le programme secret T4. (Crédit : domaine public)

L’institut allemand Max Planck va entamer en juin l’identification de milliers de restes de handicapés et malades exterminés sous le IIIe Reich, ultime étape dans l’inventaire de cet épisode infamant pour la médecine et la science allemandes.

« Peut-on reconstruire l’identité de ces victimes ? […] Dans quelle mesure les échantillons ont-ils été utilisés pour la recherche » pendant la guerre, mais aussi « jusque dans les années 1990 ? », s’interroge l’institut dans un communiqué.

Cette tâche colossale, qui ravive nombre de questions embarrassantes sur la science allemande, vise à établir en trois ans la première base de données des victimes du programme dit « T4 », entamé début 1940 et cyniquement baptisé « programme d’euthanasie » par ses concepteurs nazis.

Ce recensement « intègrera des données biographiques basiques concernant les victimes, leur traitement institutionnel et les critères utilisés pour les sélectionner », explique la société Max Planck, qui chapeaute plusieurs instituts spécialisés.

Le siège de la société Max Planck, à Munich, en 2007. (Crédit : Maximilian Dörrbecker/CC BY-SA 2.5/WikiCommons)
Le siège de la société Max Planck, à Munich, en 2007. (Crédit : Maximilian Dörrbecker/CC BY-SA 2.5/WikiCommons)

« La cause de leur mort sera aussi documentée, de même que les données sur le prélèvement de leur cerveau, le chemin qu’ont suivi les échantillons et les recherches menées sur eux », poursuit cet institut basé à Munich, qui alloue 1,5 million d’euros à ce projet.

Peu de sanctions

Entre janvier 1940 et août 1941, plus de 70 000 personnes ont été gazées dans six lieux dédiés prévus par le programme « T4 », conçu par une soixantaine de bureaucrates et de médecins pour éliminer les handicapés mentaux ou physiques considérés comme une charge pour la société.

Face aux protestations publiques, le programme a officiellement été arrêté mais les meurtres ont continué sous d’autres formes – privations de nourriture, négligence, injections de doses létales d’antidouleurs par de prétendus soignants.

On évalue à plus de 300 000 personnes le nombre de victimes totales de ces massacres, jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale en 1945. D’autres ont également subi des expériences médicales et des stérilisations forcées en raison de leur infériorité génétique supposée.

Mais les sanctions judiciaires ont été rares et la plupart des professionnels impliqués ont simplement poursuivi leur carrière après guerre. La Société Kaiser-Wilhelm (KWI), prestigieux institut scientifique qui utilisait les tissus biologiques des victimes pour ses recherches, est de son côté devenue en 1948 la Société Max Planck.

Mémoire tardive

Après des décennies d’oubli, le scandale a resurgi dans les années 1980, avec la démonstration par le journaliste Götz Aly qu’une partie des tissus cérébraux collectés par Julius Hallervorden, ancien médecin chef de la KWI puis de l’Institut Max Planck, appartenait à 38 enfants exterminés en 1940 dans le cadre du programme d’euthanasie.

Julius Hallervorden , neuro-scientifique et membre du parti nazi, en 1935. Il a mené des recherches avec des cerveaux provenant des victimes du programme d'euthanasie involontaire des nazis jusque dans les années 1960.
Julius Hallervorden , neuro-scientifique et membre du parti nazi, en 1935. Il a mené des recherches avec des cerveaux provenant des victimes du programme d’euthanasie involontaire des nazis jusque dans les années 1960.

Pour des raisons éthiques, la société Max Planck décide en 1989 d’enterrer tous les restes biologiques appartenant à des victimes du nazisme et charge pour la première fois un groupe d’historiens, en 1997, de faire la lumière sur le rôle de la Société Kaiser-Wilhelm sous le IIIe Reich.

« La forme la plus honnête d’excuse consiste à révéler la culpabilité », déclarait en 2001 le président de l’Institut, Hubert Markl, en demandant pardon aux victimes des expérimentations nazies.

Mais en 2015, une archiviste découvre une boîte contenant une centaine d’échantillons de cerveaux, issus de la collection personnelle de Julius Hallervoden.

Lançant un audit, la Société Max Planck découvre que ses consignes de 1989 ont été inégalement appliquées et s’attache alors à collecter tous les restes provenant de victimes du nazisme.

Cette enquête tardive fait écho au travail de mémoire, lui aussi tardif, mené par l’Allemagne sur le « programme d’euthanasie » : les familles des victimes, mobilisées depuis des décennies, ont dû attendre 2014 pour voir ériger à Berlin un mémorial dédié à ces hommes, femmes et enfants massacrés en secret.

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