L’allemand Anselm Kiefer dit se sentir menacé par l’extrême droite
"Il est incompréhensible qu'aujourd'hui se produisent des choses qui se sont produites en 1933", déplore l'artiste
L’artiste contemporain allemand Anselm Kiefer, connu pour son travail monumental qui affronte le passé nazi de son pays, a confié mercredi se sentir menacé par la montée du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), en Allemagne.
Le plasticien, réputé pour ses immenses paysages de ruines recouverts de plomb ou hérissés de paille, de cendre et de végétaux, est à l’affiche d’une exposition ce printemps à Amsterdam avec de nouvelles oeuvres.
« Je me sens menacé », a-t-il confié, interrogé sur le succès de l’AfD, devenu la seconde force politique à la chambre des députés en Allemagne, après avoir doublé son score aux législatives.
La guerre et la mort ne sont jamais loin dans les oeuvres d’Anselm Kiefer, né en 1945 dans le sud-ouest bombardé de l’Allemagne.
Dans le hall du Stedelijk Museum d’Amsterdam, qui organise l’exposition avec son voisin, le musée Van Gogh, trône une oeuvre monumentale de plus de 24 mètres de long, composée de peinture, d’argile, de feuilles d’or, de pétales de roses séchées. Et d’uniformes.
« Je ne fais pas d’exposition contre la guerre. Je fais ce qui est en moi, ce qui doit sortir. Et cela concerne toutes sortes de choses, la mort, la guerre », confie l’artiste, qui fête son 80e anniversaire samedi.
![Anselm Kiefer, Für Paul Celan, Aschenblume [For Paul Celan, The Ashflower], 2006, Renate Graff collection (photo credit: Tel Aviv Museum of Art)](https://static-cdn.toi-media.com/fr/uploads/2012/04/Ki_L.jpg)
« Quand je travaille, je n’illustre jamais d’événements politiques », déclare l’Allemand, mais il dit être « bien informé ».
« On parle de la guerre en Ukraine, mais tout est en moi. Et puis c’est logique que ça ressorte d’une manière plus substantielle », affirme-t-il auprès de l’AFP.
« Déclaration anti-guerre »
L’exposition est intitulée « Sag mir wo die Blumen sind » (Where have all the flowers gone), du nom d’une chanson dont il a emprunté une phrase, figurant sur son oeuvre de 24m: « Quand allons nous comprendre ? ».
« Cette phrase rend la chanson philosophique, parce qu’il est incompréhensible qu’aujourd’hui se produisent des choses qui se sont produites en 1933 », explique l’artiste, faisant référence à l’arrivée des nazis au pouvoir avant la Seconde guerre mondiale.
« Et cette phrase, je l’ai accrochée au mur pour cela. Donc, cela ressemble un peu à une déclaration anti-guerre », poursuit l’Allemand au crâne dégarni, vêtu de noir hormis une large chemise blanche.
A travers l’exposition qui s’ouvre vendredi, les deux musées amstellodamois, situés sur la même place, mettent en lumière l’influence de Vincent van Gogh sur l’œuvre de l’Allemand.

A 18 ans, Anselm Kiefer reçoit une bourse et décide de la consacrer au maître néerlandais, dont il retrace le chemin des Pays-Bas jusqu’en France. Au fil de sa carrière, Van Gogh restera une source d’inspiration.
« J’ai toujours été influencé par Van Gogh, depuis que j’ai sept, huit, neuf, dix ans. Et au début des années 60, j’ai voyagé sur les traces de Van Gogh », explique M. Kiefer.
Durant ce voyage, il dort même « dans une botte de foin », confie-t-il, amusé.
Sur les murs du musée Van Gogh figurent actuellement d’énormes tableaux de l’Allemand, représentant à sa façon les célèbres tournesols, corbeaux et champs de blé du Néerlandais, avec de vraies végétaux séchés et de la feuille d’or, élément omniprésent dans cette exposition.
Anselm Kiefer, installé en France depuis 1993, est également le créateur d’installations et de sculptures démesurées mêlant mythologie antique et Kabbale, chamanisme, astrophysique et poésie – il se dit être un alchimiste.
Sur l’une de ses oeuvres, la couleur éclatante de la feuille d’or réveille un sentiment presque optimiste après la noirceur de la guerre et de la mort.
Mais l’artiste se dit « ni optimiste, ni pessimiste » et, dans tous les cas, « l’or n’est pas une chose positive ».