Le Centre européen du judaïsme ouvrirait entre Hanoukka et Pessah à Paris
Le projet comprend une synagogue de 600 places, dont 200 pour les femmes en mezzanine, qui sera encadrée par deux bâtiments de cinq et sept étages : des bureaux et surtout un pôle culturel de 2 500 m² comprenant des salles de spectacle et d'exposition
« Faut-il construire à un moment où tant de Juifs ont décidé de quitter la France ? » Le Consistoire a tranché la question en faisant sortir de terre à Paris le Centre européen du judaïsme, complexe religieux et culturel à l’ampleur contestée par certains.
Porte de Courcelles dans le XVIIe arrondissement, le projet n’est encore guère identifiable derrière les clôtures de chantier, mais le bâtiment prend de la hauteur, et des ouvriers s’y activent en nombre.
C’est ici que doit être inauguré le Centre européen du judaïsme (CEJ), qui comprendra trois entités sur une surface de près de 5 000 m². Une synagogue de 600 places, dont 200 pour les femmes en mezzanine, sera encadrée par deux bâtiments de cinq et sept étages : des bureaux et surtout un pôle culturel de 2 500 m² comprenant des salles de spectacle et d’exposition.
Le coût est d’au moins 10 millions d’euros, dont quelque 2,7 millions supportés par des fonds publics (État et région) pour la partie culturelle. La ville de Paris a mis le terrain, de 1 650 m², à disposition du Consistoire, la principale instance du judaïsme français, qui porte le projet. Les emprunts, et surtout les dons, doivent permettre de couvrir au moins sept millions d’euros.
« Avec votre aide, nous allons finir de construire ! » a lancé cette semaine le président du Consistoire, Joël Mergui, lors d’une « soirée des fondateurs », autrement dit des mécènes, parmi lesquels Sidney Toledano, le PDG de Christian Dior Couture. En prédisant une inauguration entre Hanoukka, la fête des lumières, en décembre prochain, et Pessah, la Pâque juive, au printemps 2018.
Dans les cartons de longue date, le projet a été vraiment lancé au printemps 2015. Soit quelques semaines après l’attaque jihadiste qui a fait quatre morts dans un supermarché casher de la porte de Vincennes. L’émigration vers Israël, l’alyah, s’est nourrie de ce climat d’insécurité, atteignant environ 40 000 départs en dix ans depuis la France, soit un dixième de la communauté.
Hidalgo et Collomb en soutien
Dans ce contexte, « faut-il construire ? », s’est interrogé lui-même Joël Mergui. Mais beaucoup de Juifs « sont là, restent là », entre « résistance » et « espoir ». « Tant que l’État soutient la communauté juive dans son projet, la protège quand elle est attaquée, la communauté juive a le devoir de croire en son avenir », fait valoir le responsable.
De fait, les pouvoirs publics ne mégotent pas leur soutien au CEJ. Ce centre « va apporter des éléments de réponse à une communauté juive qui est ici chez elle », a souligné lors de la « soirée des fondateurs » la maire de Paris, Anne Hidalgo. Un « beau projet », a abondé le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, qui permettra de « mesurer combien l’identité française doit à l’apport de la culture juive ».
Le choix de l’arrondissement ne doit rien au hasard : le centre de gravité du judaïsme en Île-de-France s’est très sensiblement déplacé de l’Est populaire vers l’Ouest, plus cossu et jugé plus sûr. Le XVIIe arrondissement est prisé par la communauté, qui y trouve pléthore de commerces casher.
Si le besoin d’une synagogue à cet endroit n’est pas contesté, la dimension du centre fait moins l’unanimité.
« On peut construire un bâtiment énorme, mais après il faut le maintenir en activité », relève un bon connaisseur du dossier. D’autant que, souligne-t-il, la capitale abrite déjà un Centre communautaire de Paris qui se veut un « espace culturel juif ouvert à tous », dans le Xe arrondissement, sans parler du Centre Fleg piloté par le Consistoire pour les étudiants dans le VIe.
L’association Avenir du judaïsme, critique à l’égard du Consistoire, doute que le CEJ, « marqué par l’orthodoxie » au risque d’un « fonctionnement en vase clos », puisse répondre aux besoins de la population, juive ou non.
« On habille ça en centre européen mais ce n’est pas un centre, c’est une synagogue », regrette un responsable de ce collectif, qui aimerait que « le public puisse accéder à la philosophie et à la pensée juives de manière ouverte ».