Israël en guerre - Jour 368

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Le patriarche latin de Jérusalem arbore un keffieh à Bethléem ; un pasteur accuse Israël de « génocide »

Pierbattista Pizzaballa a prononcé l'homélie à l'église de la Nativité ; "Nous n'avons pas le goût aux célébrations alors que Gaza connaît un génocide et même ici en Cisjordanie," a déclaré Mitri Raheb

Le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa, arrive à la procession qui a lieu à l'église de la Nativité la veille de Noël, à Bethléem, en Cisjordanie, le 24 décembre 2023. (Crédit : Wisam Hashlamoun/Flash90)
Le patriarche latin de Jérusalem, Pierbattista Pizzaballa, arrive à la procession qui a lieu à l'église de la Nativité la veille de Noël, à Bethléem, en Cisjordanie, le 24 décembre 2023. (Crédit : Wisam Hashlamoun/Flash90)

Les combats en cours à Gaza, entre l’armée israélienne et le groupe terroriste palestinien qui a mené des massacres barbares le 7 octobre, ont jeté une ombre sur Bethléem à la veille de la fête de Noël, dimanche.

La région a plongé dans la guerre depuis le 7 octobre, jour de la fête de Simchat Torah, – lorsque des milliers de terroristes palestiniens du Hamas avaient franchi la frontière séparant l’État juif de l’enclave côtière pour semer la désolation dans tout le sud d’Israël, en tuant notamment environ 1 200 personnes, des civils en majorité, et en kidnappant près de 250 otages, dont environ 120 sont encore retenus en otages dans la bande. Une vingtaine d’entre eux ne seraient plus en vie.

Israël a depuis juré d’anéantir le Hamas, le groupe terroriste qui gouverne la bande de Gaza depuis 2007. Or, les scènes de dévastation dans le territoire palestinien – où les terroristes sont largement accusés de se mêler délibérément aux civils – ainsi que le nombre de civils tués lors de cette offensive (plus de 20 000), un chiffre diffusé par le Hamas qui reste néanmoins invérifiable, ont retourné l’opinion publique internationale, peinée au tout début par l’assaut sans précédent du 7 octobre, contre Israël.

Le Hamas, dans son bilan meurtrier, ne fait pas la différence entre civils et combattants. De son côté, l’armée israélienne dit avoir tué plus de 8 000 membres appartenant au groupe et aux autres factions terroristes qui lui sont alliées.

Les célébrations de Noël ont ainsi été largement annulées par la ville palestinienne qui, selon la tradition, serait le lieu de naissance de Jésus-Christ – et où le patriarche latin de Jérusalem, religieux catholique de premier plan et flanqué d’un keffieh noir et blanc, symbole traditionnellement utilisé par les Palestiniens, a prononcé son homélie.

« En ce moment, nous ne pouvons que penser à tous ceux qui, dans cette guerre, ont été laissés sans rien, déplacés, seuls, touchés dans leurs affections les plus chères, paralysés par leur chagrin. Mes pensées vont à tous, sans distinction, Palestiniens et Israéliens, à tous ceux qui sont touchés par cette guerre, à tous ceux qui sont en deuil, qui pleurent et qui attendent un signe de proximité et de chaleur. Ce soir, je me souviens des otages enlevés à leurs familles. Je me souviens de ceux qui croupissent dans les prisons sans procès. Mes pensées vont en particulier à Gaza et à ses deux millions d’habitants », a déclaré dimanche Pierbattista Pizzaballa à l’église de la Nativité.

« C’est la situation dans laquelle vit depuis trop longtemps le peuple palestinien qui, bien que vivant sur sa propre terre, se voit constamment dire : ‘il n’y a pas de place pour vous’, et qui attend depuis des décennies que la communauté internationale trouve des solutions pour mettre fin à l’occupation, sous laquelle il est contraint de vivre, » a-t-il indiqué devant quelques centaines de fidèles réunis dans l’église Sainte-Catherine, une enceinte située dans l’église de la Nativité.

« Nous n’avons pas le goût aux célébrations alors que Gaza connaît un génocide et même ici en Cisjordanie, nous pleurons de jeunes gens tués par les Israéliens et d’autres détenus chaque jour », dit à l’AFP Mitri Raheb, pasteur d’une église luthérienne de Bethléem. « Tout ce que nous voulons pour Noël c’est un cessez-le-feu, durable, pour mettre fin à cette atrocité », dit Mitri Raheb. « Bethléem a donné Jésus au monde. Il est grand temps que le monde donne la paix à Bethléem et à Gaza ».

Face au bâtiment, une œuvre d’art évoquant le drame de Gaza a été installée à terre, en lieu et place de la crèche grandeur nature et du colossal sapin : Marie et Joseph, statues grises, au milieu d’un fatras de débris et de tôle, derrière des barbelés. Sur l’immeuble d’à côté, une grande banderole : « Arrêtez le génocide, arrêtez le déplacement, levez le blocus » : « les cloches de Bethléem sonnent pour un cessez-le-feu à Gaza ».

La parade de scouts, qui réveille habituellement la ville à coups de cornemuses et tambourins, a laissé place à un défilé silencieux en début d’après-midi. « Nous voulons la vie, pas la mort », proclamait une des banderoles tenues par des enfants.

Des scouts palestiniens brandissent des panneaux en solidarité avec les Palestiniens dans la bande de Gaza et appelant à la fin de la guerre entre Israël et le Hamas à Bethléem, en Cisjordanie, le 24 décembre 2023. (Crédit : AP/Mahmoud Illean)

Dans la matinée, un immense drapeau palestinien a été déplié sur la place de la Mangeoire, tenu par chaque bout par des adultes et des enfants, chrétiens et musulmans.

Dans le territoire palestinien, contrôlé par le Hamas depuis 2007 après qu’il en eût férocement chassé son rival du Fatah, des chrétiens, dont le nombre est estimé à un petit millier, ont pris refuge dans des églises qui, selon le patriarcat latin de Jérusalem, n’ont pas été épargnées par les combats.

« Toutes les célébrations de Noël ont été annulées », a déclaré sœur Nabila Salah, de la sainte église catholique à Gaza. « Comment pourrions-nous nous réjouir alors que nous… entendons le bruit des chars et le bruit des bombardements au lieu du tintement des cloches ? »

Dans un hôpital de Khan Younès, dans le sud de la bande – c’est là où se sont concentrés récemment les combats car le Hamas est accusé de prendre position dans des infrastructures civiles dont des hôpitaux – Fadi Sayegh, venu pour une dialyse et dont la famille avait reçu l’autorisation de se rendre à Bethléem pour la fête, a expliqué qu’il ne célébrerait pas Noël, cette année.

« Il n’y a pas de joie. Pas d’arbre de Noël, pas de décoration, pas de dîner de famille, pas de fête », a-t-il expliqué. « Je prie pour que cette guerre se termine rapidement ».

Le pape François avec une statue de l’enfant Jésus alors d’une messe de minuit organisée à la Basilique Saint Pierre du Vatican, le 24 décembre 2023. (Crédit : AP/Gregorio Borgia)

« Ce soir, nos cœurs sont à Bethléem où le prince de la paix est, une fois de plus, rejeté par la logique futile de la guerre, par l’affrontement des armes qui, aujourd’hui encore, l’empêche de trouver sa place dans ce bas monde », a dit le pape François au début de sa messe de minuit, qui a eu lieu à la basilique Saint-Pierre, au Vatican.

Pendant la bénédiction traditionnelle de l’Angelus, sur la place Saint-Pierre, en milieu de journée, le souverain pontife avait évoqué les souffrances de la guerre pour les peuples, se souvenant de combats spécifiques sur le territoire ukrainien et des frappes israéliennes à Gaza ainsi que du « siège » que l’armée avait imposée immédiatement après l’attaque perpétrée par le Hamas et qui a depuis été partiellement levé.

« Nous nous tenons aux côtés de nos frères et de nos sœurs qui souffrent de la guerre. Nous pensons à la Palestine, à Israël, à l’Ukraine. Nous pensons également à ceux qui vivent dans la misère, dans la faim, dans l’esclavage », a dit François. « Puisse ce Dieu qui s’est doté lui-même d’un cœur humain insuffler l’Humanité dans le cœur des hommes », a-t-il ajouté.

A New York City, le cardinal Timothy Dolan a rappelé à ses fidèles de prier pour le Moyen-Orient ravagé par la guerre à Noël, avant une messe qui était organisée à la cathédrale St. Patrick.

« Alors que nous accueillons Noël, nos cœurs sont toujours en Terre sainte », a-t-il dit. « La Terre sainte est plongée dans l’ombre, la Terre sainte souffre, la Terre sainte est assaillie par la violence, par la haine, par la vengeance. Ce qui ternit et ce qui menace d’étouffer toute la joie de Noël ».

Un prêtre devant l’église de la Nativité où, selon la tradition, Jésus serait né, à la veille de Noël, à Bethléem, en Cisjordanie, le 24 décembre 2023. (Crédit : AP /Mahmoud Illean)

Les fidèles, en Syrie, se sont rassemblés dans un pays qui souffre encore des suites d’une longue guerre civile et d’un blocus économique. Malgré les lumières festives et les décorations de Noël qui égayent aujourd’hui les maisons et les vitrines de Damas, la capitale du pays, les événements à Gaza et les combats qui continuent dans certaines parties du pays ont laissé une trace sur l’ambiance de la fête.

A Yabroud, une ville située au nord de Damas, les fidèles se sont rassemblés à la cathédrale St. Constantin et Hélène pour profiter des chœurs de Noël – les chants étaient interprétés par la chorale de la Joie de Damas.

« Tout le monde doit essayer, à la mesure de ce qui lui a été donné par Dieu, de faire se propager la joie pour aider à mettre un terme à toutes ces souffrances », a commenté Fadi Homsi, un membre du chœur.

L’armée jordanienne a annoncé que son armée de l’air avait largué des aides par voie aérienne aux environs 800 personnes qui ont trouvé refuge dans l’église Saint-Porphyre, dans le nord de Gaza.

L’Europe renforce sa sécurité

Les combats à Gaza ont aussi plané sur les festivités en Europe, où la peur d’attaques islamistes a obligé les fidèles et autres à prendre des mesures de précaution supplémentaires.

Les visites touristiques ont ainsi été interdites au sein de l’emblématique cathédrale de Cologne, en Allemagne, et les fidèles venus assister à la messe de minuit ont été fouillés avant d’entrer dans l’édifice après des informations qui avaient laissé craindre un attentat potentiel. Les responsables ont néanmoins exhorté les chrétiens à célébrer Noël et à ne pas céder à la peur.

L’évêque auxiliaire de la cathédrale, monseigneur Rolf Steinhaeuser, a salué les fidèles venus à la messe avec un sourire détendu et il a exprimé ses remerciements à la police pour ses efforts visant à sécuriser la messe – les forces de l’ordre avaient fouillé la cathédrale, samedi, avec le renfort de l’unité canine. Alors que plusieurs dizaines d’agents montaient la garde à l’extérieur, il a indiqué que cette messe « est probablement la plus sûre de toute l’Allemagne ».

La police devant la cathédrale de Cologne, en Allemagne, le 24 décembre 2023. (Crédit : INA FASSBENDER / AFP)

En Autriche, la police a annoncé, elle aussi, qu’elle avait renforcé la sécurité autour des églises et des marchés de Noël de Vienne, répondant apparemment aux mêmes informations portant sur une potentielle menace. Elle n’a apporté aucun détail supplémentaire mais l’agence de presse DPA a signalé, sans citer sa source, que la menace provenait d’un groupe islamiste.

L’imposante cathédrale de Cologne, dont les deux flèches s’élèvent à 157 mètres de hauteur, est une destination touristique majeure qui attire environ six millions de visiteurs par an. Elle accueille le Châsse des rois mages, un reliquaire d’or et d’argent qui conserverait les dépouilles des trois rois qui étaient venus rendre hommage à l’enfant Jésus, un récit figurant dans le nouveau testament.

La commissaire aux affaires intérieures de l’Union européenne, la Suédoise Ylva Johansson, avait averti, le 5 décembre, que l’Europe devait affronter « un risque très important d’attentat terroriste » pendant les fêtes de Noël en conséquence de la guerre qui oppose Israël et le groupe terroriste du Hamas. Johansson n’avait pas donné de détail sur les informations ayant entraîné cette mise en garde.

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