Le roi du reggaeton, Daddy Yankee, fait grimper la température à Rishon Lezion
Le chanteur ayant popularisé le genre mêlant rap espagnol et rythmes dancehall dans le monde entier avec son tube "Gasolina" a fait vibrer et remuer le public de Rishon Lezion

En 2004, je tentais d’amadouer et de tirer ma petite amie de la piste de danse dans une ancienne usine de torpilles de Virginie afin de la demander en mariage. Pour cela, j’avais prévu qu’elle passe devant une certaine œuvre d’art à minuit pile, mais mon plan élaboré a failli être gâché par un chanteur portoricain alors peu connu appelé Daddy Yankee, dont le tube « Gasolina » avait scotché, à ce moment inopportun, ma future femme au dance floor avec son mélange ultra-vitaminé de rythmes latins et hip hop.
Mercredi soir, je me suis à nouveau retrouvé à tenter d’échafauder un moyen de l’arracher à la piste de danse pendant la même chanson, mais cette fois-ci non pas pour la demander en mariage, mais pour s’assurer qu’on ne reste pas coincés dans les embouteillages et qu’on rentre à temps chez nous pour la baby-sitter.
Je n’aurais pas dû m’inquiéter. Entre sa première chanson « Con Calma » et le rappel, un peu plus d’une heure s’est écoulée. Daddy Yankee a certes montré qu’il n’était plus aussi jeune, mais il est toujours aussi pro.
C’est le style de l’artiste, qui en à peine 15 ans a réussi à populariser le genre musical appelé reggaeton, en en devenant un des pionniers et son icône la plus célèbre, enchaînant les tubes et engrangeant des milliards de vues sur YouTube. Et comme il l’a montré mercredi soir à Rishon Lezion, le roi du reggaeton réinvente encore le genre, le mêlant à la musique trap, à des rythmes d’inspiration afro-cubain et le parsemant d’EDM.

Combinant phrases rappées en espagnol et mix de dancehall syncopé, Daddy Yankee a prouvé qu’il savait encore mettre l’ambiance et faire danser les gens.
Entouré d’un DJ, d’une équipe de danseurs, d’un chanteur et d’un chauffeur de salle, tous habillés de vêtements siglés Daddy Yankee et appuyé par une dose raisonnable d’effets pyrotechniques et d’écrans géants, le rappeur a rapidement passé en revue son répertoire, de ses premiers tubes comme « Limbo » à ses dernières collaborations comme « Mayor Que Yo », faisant danser ses fans sous une chaleur étouffante.
Même si une grande partie du public portait encore des couches quand « Gasolina » est sorti, la chanson a réussi à donner un second souffle à la foule.
L’excitation suscitée par le tube a rapidement été éclipsée par celle déclenchée par « Despacito », le méga tube planétaire de 2017 sur lequel il accompagne Luis Fonzi. La chanson est, de très loin, celle qui a enregistré le plus de vues sur YouTube, à savoir 6,2 milliards (soit presque une vue par habitant de la planète, même si je suis sûr que mes enfants sont responsables d’au moins un milliard d’entre elles).
La plupart des chansons connues interprétées lors du concert étaient, en réalité, des collaborations avec d’autres artistes, une tendance chez le chanteur ces dernières années, lui qui n’a pas sorti d’albums depuis son « King Daddy » en 2013. Le fait est sans doute révélateur de la nouvelle industrie musicale, dans laquelle les chansons en streaming ont supplanté les albums et où les recettes sont surtout réalisées lors des tournées.
Le concert, son troisième en Israël depuis 2015, était l’avant-dernier de sa tournée Con Calma, d’après sa reprise en espagnol du tube de rap dancehall de 1992, « Informer » du rappeur canadien Snow, peut-être l’un des rares à rapper plus vite que Daddy Yankee.
Entre les chansons, néanmoins Daddy Yankee a suffisamment ralenti son débit pour discuter avec le public. Contrairement à d’autres artistes qui se soucient peu d’évoquer l’endroit où ils sont, il a donné à ses fans ce qu’ils voulaient, répétant « Israël » et « Tel Aviv » (mais pas Rishon Lezion, cela étant) et réagissant aux différents drapeaux d’Amérique latine brandis par la foule.
« À chaque fois que je viens ici, je me sens chez moi », a-t-il lancé sous les clameurs, remerciant sans arrêt le public en espagnol, en anglais et en hébreu.

« Todah Raba » s’avère être la seule expression qu’il semble avoir retenue en hébreu après trois visites en quatre ans. Il tentait de combler son manque de connaissances avec de l’espagnol, comme quand il a lancé « Shalom de la henta« .
« J’apprends », a-t-il plaisanté.
Mais comme il l’a prouvé à d’innombrables reprises en faisant se trémousser des Américains, des Européens et d’autres non hispanophones sur de la musique qu’ils ne comprenaient pas (son premier tube parlait d’essence et d’un chat qui est en fait une voiture, qui est en réalité une femme ; quant à son plus gros titre, il s’agit d’une description imagée d’une relation sexuelle), ce qu’on dit importe moins que le rythme sur lequel on le dit.