Israël en guerre - Jour 472

Rechercher
Analyse

Le slogan ‘Mort à l’Angleterre’ souligne les enjeux du vote iranien

Les conservateurs iraniens utilisent un rapport de la BBC perse pour dénoncer une intervention extérieure dans les élections

Avi Issacharoff est notre spécialiste du Moyen Orient. Il remplit le même rôle pour Walla, premier portail d'infos en Israël. Il est régulièrement invité à la radio et à la télévision. Jusqu'en 2012, Avi était journaliste et commentateur des affaires arabes pour Haaretz. Il enseigne l'histoire palestinienne moderne à l'université de Tel Aviv et est le coauteur de la série Fauda. Né à Jérusalem , Avi est diplômé de l'université Ben Gourion et de l'université de Tel Aviv en étude du Moyen Orient. Parlant couramment l'arabe, il était le correspondant de la radio publique et a couvert le conflit israélo-palestinien, la guerre en Irak et l'actualité des pays arabes entre 2003 et 2006. Il a réalisé et monté des courts-métrages documentaires sur le Moyen Orient. En 2002, il remporte le prix du "meilleur journaliste" de la radio israélienne pour sa couverture de la deuxième Intifada. En 2004, il coécrit avec Amos Harel "La septième guerre. Comment nous avons gagné et perdu la guerre avec les Palestiniens". En 2005, le livre remporte un prix de l'Institut d'études stratégiques pour la meilleure recherche sur les questions de sécurité en Israël. En 2008, Issacharoff et Harel ont publié leur deuxième livre, "34 Jours - L'histoire de la Deuxième Guerre du Liban", qui a remporté le même prix

Une jeune fille iranienne tient une affiche avec un portrait du président Hassan Rouhani (à gauche), ledéfunt leader, l'ayatollah Ruhollah Khomeini et l'ayatollah Ali Khamenei, lors des célébrations sur la place Azadi de Téhéran (Place de la Liberté) pour marquer le 37e anniversaire de la révolution islamique le 11 février 2016 (Crédit : AFP / ATTA KENARE)
Une jeune fille iranienne tient une affiche avec un portrait du président Hassan Rouhani (à gauche), ledéfunt leader, l'ayatollah Ruhollah Khomeini et l'ayatollah Ali Khamenei, lors des célébrations sur la place Azadi de Téhéran (Place de la Liberté) pour marquer le 37e anniversaire de la révolution islamique le 11 février 2016 (Crédit : AFP / ATTA KENARE)

Le chef suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei avait du mal à se retenir mercredi. Préoccupé par la ferveur dans les médias du pays et sur les médias sociaux qui augmentaient tandis que les élections de vendredi se rapprochaient. Peut-être aussi inquiet au sujet de l’espoir naissant au sein de la population que les résultats apportent des changements significatifs, Khamenei a déclaré clairement ce qu’était la direction « souhaitable » à suivre.

Dans un de ses nombreux messages sur Twitter, Khamenei a mis en garde contre un complot mis en place par des éléments occidentaux contre l’Iran dont le but était d’influencer les résultats de l’élection de vendredi pour élire le Parlement et l’Assemblée des Experts (le groupe de 88 théologiens islamiques chargés d’élire et de renvoyer le chef suprême chef de l’Iran et de superviser son travail).

Bien que Khamenei, 76 ans, n’ait désigné aucun des candidats spécifiques, il était évident qu’il faisait allusion à sa crainte que le camp de l’ancien président Akbar Hashemi Rafsanjani et son allié actuel, le président sortant Hassan Rouhani – qui sont tous deux considérés comme des membres les plus modérés régissant l’échelon politique de l’Iran – deviennent plus forts.

Les tensions entre les conservateurs iraniens, les modérés et les réformateurs (s’il en reste après que Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi ont été démis de leurs fonctions en 2009) ne sont pas une nouvelle chose. Pourtant, ces élections semblent avoir pris une dimension plus personnelle cette fois-ci, avec l’ajout des différences idéologiques entre les camps.

La conclusion de l’accord nucléaire entre l’Iran et l’Occident a incontestablement renforcé la stature des modérés, dirigé par Rafsandjani et Rouhani, dans l’opinion publique iranienne et dans les échelons du gouvernement. Rouhani a promis pendant sa campagne présidentielle, il y a environ deux ans et demi, qu’il améliorerait la situation économique de l’Iran, et il semble que la levée des sanctions de l’Occident imposées sur Téhéran pourrait en effet conduire à un tel changement (qui, il convient de le souligner, n’a pas encore été ressenti).

Pourtant, Rouhani est également considéré comme le candidat favori de l’Occident, et en particulier de la Maison Blanche, malgré son passé de « fils de la révolution » et son dévouement aux institutions de la ‘révolution’.

Khamenei, qui n’est plus tout jeune, pour rester diplomate, sait que si Rouhani et Rafsandjani réussissent à accroître leur influence dans le Majlis (parlement), et à l’Assemblée des experts, les deux hommes et leur camp détermineront l’identité de son successeur.

Le conservateur Khamenei et ses proches collaborateurs dans le Majlis, dans l’Assemblée des experts et dans l’establishment de la défense craignent également qu’une victoire des « modérés » donne lieu à une effervescence sociale plus complète, comme celle qui a eu lieu en 2009, qui mènerait à l’affaiblissement du camp conservateur. Alors qu’une véritable révolution de printemps de style arabe ne semble pas être à l’horizon, des changements importants en interne pourraient conduire à un autre Iran – un Iran que le camp conservateur est désireux d’éviter.

Khamenei et ses supporters dans le camp conservateur ne sont pas les seuls qui se rendent compte de l’importance de cette élection. Téhéran semblait particulièrement turbulent et festif à mesure que le jour du scrutin approchait.

Les affiches de candidats pour l’Assemblée des experts et le Majlis remplissaient les rues de la capitale : sur les arbres, les panneaux d’affichage, les maisons et partout ailleurs. Les volontaires des deux camps se faufilait parmi le trafic et s’arrêtait aux intersections, pour distribuer des tracts portant les photos et les noms des candidats. Les jeunes et les passants qui ont été interrogés par les médias occidentaux comme la CNN ont déclaré qu’ils espéraient qu’une victoire du camp modéré permettrait d’améliorer leur situation économique.

De l’autre côté, les partisans du camp conservateur ont organisé un rassemblement émouvant dans un théâtre de Téhéran mercredi. Le message central du rassemblement était l’opposition des participants à une campagne qui a fait le tour des médias sociaux iraniens intitulée : « Non à ces cinq », qui exige que les gens votent pour les modérés, afin de pousser au retrait par l’Assemblée des experts de cinq ayatollahs qui sont considérés comme étant les dirigeants du camp conservateur de l’Iran.

Les personnes présentes au rassemblement ont crié : « mort à l’Amérique » et « mort à l’Angleterre » et ont insisté sur le fait que « l’Angleterre cherche à intervenir dans les élections ».

On ne sait pas qui a lancé la campagne « Non à ces cinq ». Les porte-paroles pour le camp conservateur affirment que c’est le gouvernement de « l’Angleterre » – en d’autres termes, la Grande-Bretagne – qui est derrière elle. Ils considèrent que la Grande-Bretagne ainsi que les opposants au régime se sont rassemblés dans un effort pour éliminer tout le camp conservateur de l’échelon supérieur de l’Assemblée des experts.

L’opposition dans l’assemblée se concentre sur deux camps principaux. Le premier est le camp modéré dirigé par Rafsandjani, l’ancien président iranien et le président de l’assemblée. Rafsandjani a compilé une liste de 16 candidats parmi ses proches collaborateurs, dans un effort visant à renforcer son camp. Le président Rouhani et le ministre des Renseignements Mahmoud Alavi sont sur cette liste.

Le camp conservateur est dirigé par l’ayatollah Ahmad Jannati, un imam radical qui est aussi le secrétaire du Conseil des Gardiens (qui a disqualifié de nombreux candidats « indignes »). Sa liste comprend certains des religieux les plus extrêmes de l’Iran, comme l’ayatollah Mohammad-Taghi Mesbah-Yazdi (le leader éminent du Steadfast Front [le Front indéfectible], un groupe conservateur extrêmement radical) et l’ayatollah Mohammad Yazdi, le président par intérim de l’Assemblée des experts, ainsi que plusieurs autres hauts fonctionnaires.

L'ancien chef de la justice iranienne Mohammad Yazdi assistant à une session de l'Assemblée des experts dans la capitale Téhéran, le 10 mars, 2015 (Crédit : AFP / BEHROUZ MEHRI)
L’ancien chef de la justice iranienne Mohammad Yazdi assistant à une session de l’Assemblée des experts dans la capitale Téhéran, le 10 mars, 2015 (Crédit : AFP / BEHROUZ MEHRI)

Pourquoi cette allégation d’intervention « anglaise » ? Le service perse de la BBC, ainsi que plusieurs opposants au régime, avaient rapporté qu’une victoire de la liste de Rafsanjani conduirait à l’expulsion des trois ayatollahs conservateurs de haut rang et deux autres ayatollahs – Ahmad Hatami, le prédicateur de premier plan dans les mosquées de Téhéran le vendredi et Ahmad Alamolhoda, son homologue à Mashhad. Cinq en tout. Ces rapports ont conduit à une contre-campagne affirmant que le gouvernement britannique a tenté, par le biais de la BBC, d’influencer les résultats des élections et que donc les partisans du camp modéré étaient en fait des agents anglais.

Alors que les élections pour le Majlis, qui dispose de 290 délégués, ne sont pas aussi orageuses qu’on pourrait le croire, elles sont tout de même importantes pour les deux parties, et surtout pour Rouhani. Si le camp conservateur se renforce, le Majlis va essayer de limiter les actions du gouvernement et de son président relativement modéré. Si les modérés gagnaient, nous pourrions voir une plus grande ouverture vers l’Occident – dans une certaine mesure.

Cela pourrait être le moment de souligner que les modérés, même ceux qui sont considérés comme des réformateurs en Iran, ne sont pas des opposants au régime. Au contraire. Ils font tous partie de l’establishment « révolutionnaire » et sont fidèles à la « révolution ». Ils ne diffèrent que par leur opinion sur la meilleure façon d’assurer la survie du régime.

Des Iraniens qui se tiennent à l'extérieur d'une réunion des principaux partis conservateurs de l'Iran, avant les prochaines élections législatives, le 23 février, 2016 à la mosquée Motahari à Téhéran (Crédit : AFP / ATTA KENARE)
Des Iraniens qui se tiennent à l’extérieur d’une réunion des principaux partis conservateurs de l’Iran, avant les prochaines élections législatives, le 23 février, 2016 à la mosquée Motahari à Téhéran (Crédit : AFP / ATTA KENARE)

Ces élections peuvent préciser si le pari de la Maison Blanche sur l’accord nucléaire a réussi. Les responsables de Washington ont déclaré que la levée des sanctions de l’Iran pourrait conduire à une plus grande ouverture vers l’Occident et à un changement politique dans le pays. Le renforcement du camp modéré au détriment du camp conservateur pourrait être la preuve dont avait besoin le président Obama pour affirmer que sa politique controversée envers l’Iran était la bonne.

Mais en même temps, un échec du camp Rafsanjani-Rouhani serait la preuve pour ceux qui étaient opposés à l’accord avaient raison : que la levée des sanctions conduirait au renforcement de la position des conservateurs et à l’élimination de leurs rivaux.

Le système de vote joue en la faveur de ceux qui prétendent que l’accord nucléaire renforcera le camp conservateur. Il est difficile d’appeler ce qui se passe vendredi en Iran des élections complètement libres. Le Conseil des gardiens, dont le travail consiste à filtrer les candidats pour ces élections, a disqualifié des milliers de candidats au cours des dernières semaines, y compris Hassan Khomeini, l’un des principaux dirigeants des « modérés » et l’un des petit-fils de l’ayatollah Ruhollah Khomeini, le père de la révolution.

Ils ont disqualifié toutes les femmes qui souhaitaient se présenter pour l’Assemblée des experts. Des 12 000 candidats pour les Majlis, environ 55 % ont été disqualifiés. Des 801 personnes qui voulaient se présenter pour l’Assemblée des experts, seulement 166 ont été approuvés.

Qui sera le successeur ?

Qui, alors, succèdera à Khamenei, le moment venu ? Le Dr Raz Zimet, expert sur l’Iran à l’université de Tel-Aviv et un membre du forum Can Think, a noté les noms des deux membres du camp conservateur modéré : Sadeq Larijani, le chef de l’autorité judiciaire (et le frère d’Ali, le dirigeant du Majlis), et Mahmoud Hashemi Shahroudi, son prédécesseur à l’autorité judiciaire. Le camp conservateur radical espère aussi pousser l’un de ses premiers clercs au poste de chef suprême : Mesbah-Yazdi, Abbas Vaez-Tabassi ou Ahmad Hatami (le prédicateur de Téhéran). Les gardiens de la révolution, pour sûr, favorisent le camp conservateur radical.

Pendant ce temps, l’Iran est occupé avec d’autres questions. Un bon nombre de sociétés européennes cherchent à investir dans le pays et, bien sûr, faire du profit. Mais l’argent n’est pas encore arrivé. L’attitude de Washington envers Téhéran est prudente : pendant qu’il essayait de parvenir à un accord et mettre en œuvre la levée des sanctions, il examinait attentivement les efforts de l’Iran pour étendre son implication dans la région. L’Iran a effectivement investi dans la construction de la puissance du Hezbollah au Liban, et est actif en Syrie (bien sûr) ; en Irak, où les Iraniens mènent la guerre des milices chiites par derrière ; au Yémen ; et à Gaza et en Cisjordanie.

L'ambassadeur iranien au Liban Mohammad Fateh Ali en train de promettre des fonds pour les terroristes palestiniens, le 24 février 2016 (Crédit : Capture d'écran Memri)
L’ambassadeur iranien au Liban Mohammad Fateh Ali en train de promettre des fonds pour les terroristes palestiniens, le 24 février 2016 (Crédit : Capture d’écran Memri)

Cette semaine, l’ambassadeur d’Iran à Beyrouth a promis que son pays aiderait les familles des terroristes palestiniens tués pendant qu’ils menaient des attaques contre les Israéliens et ceux dont les maisons doivent être démolies. Il n’est pas certain que ces promesses soient tenues à la lumière des restrictions sur le transfert des « fonds soutenant le terrorisme ». La promesse a été faite par un personnage qui n’est pas particulièrement de haut rang en Iran.

Pourquoi ce diplomate iranien chiite prend-il la peine de faire une telle promesse, fournissant une excuse à la jeunesse palestinienne sunnite de perpétrer des attentats terroristes au cours desquels la plupart d’entre eux peuvent être tués ? De son point de vue, si plus de jeunes sunnites sont tués, cela pourrait également éroder davantage les relations entre Israël et les Palestiniens et entre l’Autorité palestinienne et la population palestinienne, ce qui serait une bonne chose pour lui.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.