Le suprématiste blanc adoré par le président Harding – et Hitler – en 1920
L'historien Lothrop Stoddard avait aidé à fonder le mouvement "nordique" pour se battre contre "le flot montant des peuples de couleur" aux Etats-Unis et à l'étranger
Peu d’entre nous connaissent – sans parler de savoir comment prononcer – le nom de Lothrop Stoddard. A l’apogée de sa renommée, dans les années 1920, les écrits de Stoddard avaient pourtant transformé le Ku Klux Kan et vulgarisé le mouvement « nordique » en faveur de la suprématie blanche mondiale. Tandis que certains Américains qualifient dorénavant les émeutes survenues le 6 janvier au Capitole de Washington de « suprématisme blanc en action », son héritage est encore bien présent aux Etats-Unis et sa vie même doit pouvoir nous servir à tous de mise en garde.
Admiré par le président Warren Harding comme par Adolf Hitler, Theodore Lothrop Stoddard était né en 1883 à Brookline, dans le Massachusetts. Eduqué au collège de Harvard et à l’université de Boston, le livre fondateur de cet historien et journaliste s’était appelé « Le flot montant des peuples de couleur contre la suprématie mondiale des Blancs ».
« C’est très précisément la détermination à se débarrasser de la gouvernance Blanche qui semble se propager comme un feu de broussailles chez les peuples de couleur aujourd’hui », avait écrit Stoddard dans ce tome publié en 1921.
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Pour Stoddard, deux facteurs définissaient une civilisation : La race et l’hérédité. Inventant le terme untermensch – qui devait plus tard être adopté par les nazis – Stoddard avait rejeté totalement l’idée du métissage et il estimait qu’il devait être interdit aux peuples « inférieurs » de procréer.
Avec le déclin du colonialisme, avait écrit Stoddard, le monde allait affronter l’explosion d’une population non-Blanche. Il avait admis que les Blancs devraient « abandonner » certaines parties du monde en devenant une minorité.
Stoddard méprisait tout particulièrement les Noirs, estimant qu’ils manquaient de civilisation. Sa haine des Juifs provenait – en partie – de sa croyance que ces derniers possédaient du « sang noir » et qu’ils empoisonnaient son Amérique nordique par le biais des mariages mixtes.
« Les Etats-Unis ont été envahis de hordes de migrants venus des montagnes et de Méditerranée, sans même parler des éléments asiatiques comme les Levantins et les Juifs », avait noté Stoddard. Il croyait que les Noirs « resteront des sauvages » et que les « croisements avec les Noirs sont tous funestes, sans exception ».
Le livre de Stoddard avait été réimprimé à dix reprises en l’espace de deux ans. Parmi ceux qui avaient lu l’ouvrage et l’avaient apprécié, le président américain Warren Harding, qui avait rendu hommage à l’auteur dans un discours prononcé en 1921 lors d’une cérémonie célébrant les 50 ans de la fondation de Birmingham, en Alabama.
Au cours de son allocution, Harding avait évoqué le « problème racial » aux Etats-Unis et à l’étranger. Selon le président américain, « des différences fondamentales, éternelles et inéluctables » existaient entre les races. Harding avait recommandé aux états du sud de s’assurer que les communautés afro-américaines ne deviendraient pas « de vastes réservoirs d’ignorance ».
« Le pedigree de Judas »
En 1923, le magazine Hearst International avait révélé que non seulement Stoddard était membre du Ku Klux Klan mais qu’il était, de surcroît, le conseiller secret du groupe. Stoddard avait répliqué en qualifiant le magazine « d’entreprise juive radicale ».
Pendant les trois années suivantes, Stoddard avait continué à prendre pour cible les Juifs. En 1926, il avait publié un article appelé « le Pedigree de Judas », affirmant que les Juifs étaient une race « inventée ».
« C’est de leur séjour en Egypte et après que datent les premières traces de sang noir chez les Juifs », avait écrit Stoddard. « Il est temps de découvrir quel sang ou sangs coulent dans les veines des Juifs ».
L’objectif poursuivi par Stoddard était de « se débarrasser de la fiction qui dit du Juif moderne qu’il est le vrai descendant des anciens Hébreux ».
Si les séfarades avaient des liens de parenté avec les anciens Hébreux, avait-il estimé dans son livre, les ashkénazes étaient un « mélange racial ».
La même année, Stoddard avait publié un livre appelé « A Gallery of Jewish Types. » Imprimé dans un format magazine, présentant des portraits, l’ouvrage s’était concentré sur les différences entre les visages ashkénazes et séfarades. Stoddard s’y penchait aussi sur les caractéristiques selon lui « discordantes » apparaissant dans les traits des Juifs, s’attardant sur leurs « yeux mongoliens ».
Dans ses écrits et dans ses discours, Stoddard avait souvent affirmé que « les Juifs soutiennent et financent la NAACP. » Ce qui, avait-il continué, était bien la preuve de leur ascendance noire.
« Infériorité naturelle »
Stoddard avait toutefois connu une vive humiliation lors d’un débat qui, en 1929, l’avait opposé à la légende de l’avocat des droits civils W.E.B. Du Bois. Le sujet de la discussion était l’affirmation faite par les suprématistes blancs que les Noirs ne possèdent pas les mêmes « possibilités intellectuelles que les autres races ».
Comme Stoddard, Du Bois était originaire du Massachusetts. Il avait été le premier spécialiste afro-américain à obtenir un doctorat à Harvard et, en 1929, il était une personnalité admirée des mouvements populaires qui s’étendaient du Niagara à Harlem.
Cet événement avait été ultérieurement considéré comme « l’un des plus grands débats jamais organisés » et chacun des deux intervenants avait dû apporter une réponse à la question : « Les Noirs doivent-ils être encouragés à chercher l’égalité culturelle ? »
Du Bois avait parfaitement conscience à ce moment-là – et il avait eu raison – que le type de racisme exprimé par Stoddard paraîtrait ridicule sur scène. Le public de Chicago, comme il l’avait prédit, avait trouvé les arguments avancés par Stoddard plus drôles que crédibles.
Selon l’édition du journal Afro-American parue le lendemain, « 5 000 personnes acclament W.E.B. Du Bois et rient de Lothrop Stoddard. » Le Chicago Defender avait pour sa part estimé que « Du Bois a anéanti les théories culturelles avancées par son opposant au cours du débat. »
« Dans l’obscurité »
Au début des années 1930, Stoddard avait assisté à l’ascension du nazisme en Allemagne, un mouvement qui s’était inspiré des théories raciales exprimées dans ses ouvrages.
En 1939, Stoddard s’était rendu dans l’Allemagne nazie pour écrire un livre sur la gouvernance du Reich qui se trouvait au pouvoir depuis déjà six ans. Le régime lui avait permis de rencontrer Hitler, Himmler et d’autres responsables pour des entretiens.
Alfred Rosenberg, doyen des théories raciales nazies, était particulièrement épris du travail de Stoddard. A la cour de santé héréditaire de Berlin, l’Américain avait pris connaissance des initiatives de stérilisation forcée du gouvernement.
Comme Stoddard devait ultérieurement l’écrire, les lois raciales allemandes « éliminent les pires souches présentes dans la race allemande de manière scientifique et véritablement humanitaire ».
Concernant les Juifs, Stoddard avait déclaré que « le problème juif se règlera par l’élimination physique des Juifs eux-mêmes au sein du Troisième Reich ».
Après avoir passé quatre mois en Allemagne, Stoddard était reparti et il avait écrit son livre : « Into the Darkness: Nazi Germany Today. » Par « Into the Darkness » – « dans l’obscurité » – l’auteur s’était référé aux raids alliés sur l’Allemagne, et non aux plans génocidaires ourdis par le régime.
« Les nazis se réfèrent aux Juifs comme à une mischrasse [race mélangée] », avait écrit Stoddard. « Ce faisant, ils veulent évoquer un groupe qui, même s’il se distingue de manière consciente, est constitué de souches raciales largement diversifiées », avait noté le journaliste.
« C’est parce que ces souches sont considérées comme bien trop étrangères au sang allemand que les dites ‘lois de Nuremberg’ interdisent les mariages mixtes entre les Juifs et les Allemands », avait-il continué.
Au moment de la publication de l’ouvrage, en 1940, Stoddard et ses théories n’étaient plus guère en vogue. Sa mort en 1950 avait été à peine mentionnée par les journaux même si Stoddard devait inspirer un personnage dans « Gatsby le Magnifique » – un suprématiste blanc nommé Goddard et auteur du livre « The Rise of Colored Empires. »
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