L’enquête sur les évasions de la prison de Giboa révèle « l’échec dangereux » de l’IPS
Une commission d'enquête a présenté un rapport de 400 pages qui fait état d'une série de fautes qui ont finalement permis la fuite audacieuse de 6 terroristes palestiniens en 2021
Une commission d’enquête gouvernementale qui a examiné l’évasion de détenus palestiniens qui s’étaient enfuis d’une prison du nord d’Israël a soumis son rapport final mercredi. Elle a recommandé le renvoi d’un responsable, pour le nord du pays, du Service israélien des prisons (IPS) et elle a demandé que des initiatives significatives soient prises pour améliorer les procédures opérationnelles du service.
Ce rapport de 400 pages a été remis au ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir. Il a détaillé les nombreux échecs et les lacunes opérationnelles survenant dans la gestion générale des prisonniers, notamment aux niveaux des renseignements, des transferts de détenus et du traitement plus général de ces derniers – autant de dysfonctionnements qui, selon la commission, ont finalement rendu l’évasion possible.
La commission d’enquête a vivement recommandé aux députés de prendre des initiatives pour développer le service des prisons, qui manque cruellement de ressources, et pour remettre à niveau ses procédures d’opérations, y compris en allouant des fonds qui permettront d’investir dans de nouveaux personnels, de former de nouveaux gardiens, de construire de nouveaux établissements pénitentiaires et d’y introduire des technologies avancées.
La commission a recommandé le renvoi de son poste d’Arik Yaakov, commandant du district du nord au sein de l’IPS, ajoutant qu’elle était défavorable à sa nomination à d’autres postes de commandement au sein du service. Yaakov devait rester à sa fonction jusqu’au mois de septembre 2023.
Aucune initiative à prendre n’a été recommandée à l’encontre de la commissaire de l’IPS, Katy Perry ou de son adjoint Moni Bitan.
Les détenus – avec parmi eux cinq membres du Jihad islamique et Zakaria Zubeidi, un membre du Fatah – s’étaient échappés de la prison de Gilboa aux premières heures de l’aube en date du 6 septembre 2021, empruntant un tunnel creusé dans une canalisation d’eaux usées pour s’échapper et un espace vide qui se trouvait sous le sol de l’établissement pénitentiaire. Plusieurs prisonniers avaient été condamnés à la prison à vie. Quatre fuyards avaient été capturés dans le nord d’Israël dans les sept premiers jours de leur évasion et deux autres étaient parvenus à rejoindre Jénine, une ville du nord de la Cisjordanie, restant cachés jusqu’à leur arrestation par les forces israéliennes.
Les prisonniers avaient creusé le tunnel pendant des mois avant leur fuite, utilisant des fourchettes, des débris et un morceau de ceintre en métal. Ils étaient ressortis sur une route située du côté sud de la prison et ils avaient été remarqués par des témoins qui avaient signalé la présence d’individus suspects. Il y avait eu aussi une tentative d’évasion dans le même établissement pénitentiaire en 2014, où les gardiens avaient découvert un tunnel qui avait été creusé sous des toilettes. Trois des prisonniers qui s’étaient échappés en 2021 avaient également été impliqués dans la tentative d’évasion de 2014.
Ce qui s’était passé en 2021 avait été un échec majeur et une humiliation pour l’IPS. Les faits avaient révélé toute une série de dysfonctionnements dans la prison, avec notamment l’incapacité de tirer les leçons de tentatives de fuite précédentes et la révélation de plusieurs fautes opérationnelles, avec des miradors restés vides et des gardiens qui s’étaient endormis.
Cette évasion avait aussi révélé des accusations de viol et d’abus sexuels de jeunes gardiennes de la part des prisonniers palestiniens – des faits dont les responsables avaient eu pourtant implicitement connaissance et un scandale qui avait entraîné une onde de choc dans la nation et qui a aussi donné lieu à une réévaluation de la présence des jeunes recrues de Tsahal au sein du Service israélien des prisons, où elles pouvaient faire leur service militaire.
Au mois de novembre, la commissaire de l’IPS, Perry, avait renvoyé Freddy Ben Shitrit de son poste de chef de la prison de Gilboa en raison de son « inaptitude à continuer à exercer ».
Le témoignage initial de Ben Shitrit en novembre 2021 avait fait les gros titres lorsqu’il avait affirmé que les soldates de Tsahal effectuant leur service militaire dans la prison en tant que gardiennes étaient « prostituées » aux détenus palestiniens. Lui-même n’était pas à la prison lorsque les incidents avaient eu lieu.
Son témoignage avait entraîné la réouverture d’une enquête sur ces accusations de harcèlement et d’agression sexuelle qui avaient été pour la toute première fois rendues publiques en 2018, mais qui avaient été largement laissées de côté jusqu’à l’ouverture de l’enquête sur l’évasion.
La commission d’enquête a largement travaillé sur l’évasion des détenus palestiniens mais elle est aussi entrée dans le détail de ce scandale de viols dans son rapport final.
Dans cette affaire, le parquet devrait mettre en examen l’ancien commandant Bassem Kashkosh et l’ancien agent des renseignements de la prison, Rani Basha, pour fraude, abus de confiance et incapacité de mener à bien leur mission et il devrait également inculper Mahmoud Atallah, un détenu palestinien qui avait été condamné pour terrorisme et qui est soupçonné d’avoir violé une gardienne et d’avoir violenté sexuellement deux autres. Les responsables de l’établissement pénitentiaire avaient, à ce moment-là, choisi de détourner le regard.
Dans son témoignage apporté devant la commission, Yaakov avait attribué la responsabilité de l’évasion des prisonniers à Ben Shitrit, affirmant que ce dernier avait « tout échoué ». Ben Shitrit « n’était même pas conscient de ce qui était en train de se passer. Cela n’aurait pu arriver nulle part ailleurs », avait-il ajouté, disant que Ben Shitrit était parvenu à « induire en erreur toute la structure de commandement de l’IPS ».
Perry, qui a été très critiquée et appelée à démissionner de son poste de directrice de l’IPS, avait elle aussi blâmé Ben Shitrit en disant qu’il était le seul responsable de l’évasion.
Dans leur rapport, les membres de la commission ont critiqué Ben Shitrit mais aussi Yaakov, déclarant que ce dernier « a failli à la fois dans ses actions, dans sa volonté de ne pas donner d’instruction à ses subordonnés comme il était pourtant supposé le faire, et dans sa mission qui consiste aussi en un travail de surveillance et de contrôle à des niveaux variés… qui relève de son domaine de compétence ».
La commission d’enquête a réuni plus de 50 témoignages et examiné plus de 60 000 documents de l’IPS et d’autres parties concernées, selon des informations.
Le président de la commission, Menachem Finkelstein, juge à la retraite qui avait été vice-premier magistrat de la Cour centrale de district et procureur militaire en chef, a qualifié l’évasion « d’échec grave et dangereux » de la part de l’IPS dans une conférence de presse qui a été organisée mercredi.
« Le Service israélien des prisons est une instance sécuritaire déterminante qui fait son travail avec dévouement. Nous avons découvert des dysfonctionnements dans l’organisation… Les détenus ont surpassé leurs gardiens en vigilance et en précision », a-t-il déclaré, ajoutant que les leçons de la tentative d’évasion de 2014 n’avaient jamais été tirées.
Perry a salué les conclusions de la commission, ajoutant qu’elle allait « étudier en profondeur » le rapport et corriger les défaillances identifiées.
Ben Gvir, de son côté, a remercié la commission pour son travail et il a indiqué qu’il examinerait le document avec le plus grand soin.