Les 12 projets clés du nouveau gouvernement
Les accords entre le Likud et ses partenaires prévoient, entre autres, la peine de mort pour les terroristes, la promotion de l’annexion, les discriminations anti-LGBT
Le nouveau Premier ministre Benjamin Netanyahu a annoncé, mercredi soir, qu’il pouvait former un gouvernement avec ses alliés d’extrême droite et ultra-orthodoxes. Il lui reste toutefois encore à finaliser les accords de coalition avec ses partenaires.
Le bloc de Netanyahu est composé de son parti de droite, le Likud, de ses alliés ultra-orthodoxes de longue date, Shas et Yahadouth HaTorah, et des partis d’extrême droite HaTzionout HaDatit, Otzma Yehudit et Noam.
Aucun des partis n’a encore signé d’accord de coalition final avec le Likud, même si Otzma Yehudit et HaTzionout HaDatit ont annoncé jeudi avoir conclu des ententes avec le parti de Netanyahu.
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Netanyahu a jusqu’au 2 janvier pour conclure officiellement des accords avec ses partenaires de coalition avant que le nouveau gouvernement ne prête serment.
Quelques détails de ces accords ont fuité ces derniers jours, mais ils n’ont pas été confirmés et sont encore susceptibles de changer.
Voici 12 points emblématiques de ces projets d’accords :
Mettre fin à l’interdiction des députés qui se livrent à de l’incitation au racisme
Otzma Yehudit, avec à sa tête le député d’extrême droite Itamar Ben Gvir, a déclaré être parvenu à un accord pour proposer une loi mettant fin à l’interdiction faite aux personnes qui incitent au racisme de siéger à la Knesset.
Selon le parti, une loi viendrait supprimer la clause de la Loi fondamentale – quasi-constitutionnelle – d’Israël disposant que ceux qui incitent au racisme sont inéligibles au Parlement.
Cette clause a été introduite par la Knesset en 1985 et a notamment empêché le parti raciste Kach – dirigé par le rabbin extrémiste Meir Kahane, dont Ben Gvir est un disciple – de siéger au Parlement.
Otzma Yehudit a déclaré que les informations selon lesquelles il aurait demandé la suppression d’une clause disqualifiant ceux qui rejettent Israël en tant qu’État juif et démocratique étaient infondées.
Peine de mort pour les terroristes
Otzma Yehudit a également déclaré que le Likud avait accepté sa demande d’une loi imposant la peine de mort aux terroristes, ainsi qu’un engagement à adopter la mesure avant qu’Israël n’approuve son budget pour 2023.
Une clause de l’accord de coalition évoque « l’intensification des attentats terroristes visant à nuire à Israël en tant qu’Etat juif, et la nécessité de remporter une victoire décisive contre les terroristes », comme motifs pour imposer la peine de mort, a déclaré Otzma Yehudit dans un communiqué.
La peine capitale pour les terroristes est une revendication récurrente des députés de droite, mais qui n’avait jusqu’à présent jamais réuni suffisamment de soutiens.
En théorie, la peine de mort est légale en Israël, mais elle n’a été utilisée qu’une seule fois depuis la fondation de l’État, à l’encontre du criminel de guerre nazi Adolf Eichmann.
La déclaration ne dit pas quels types de faits terroristes seront passibles de la peine capitale.
La définition israélienne du terrorisme est déjà critiquée dans la mesure où elle comprend un large éventail d’actions, y compris le jet de pierres sur des soldats lourdement armés.
Ce point n’a pas été confirmé par le Likud.
Annexion de la Cisjordanie
Un reportage de la Douzième chaîne diffusé jeudi a indiqué que le Likud et HaTzionout HaDatit étaient convenus d’annexer des terres de Cisjordanie.
Cependant, l’engagement est formulé en des termes vagues, ce qui pourrait permettre à Netanyahu de ne rien en faire en pratique.
Le texte de l’accord stipule que le peuple juif « a un droit naturel sur la Terre d’Israël », selon la Douzième chaîne.
« Guidé par notre foi en ce droit, le Premier ministre veillera à la formulation et à la promotion des politiques dans le cadre de l’application de la souveraineté en Judée-Samarie », indique la clause de l’accord de coalition, qui emploie le terme biblique pour désigner la Cisjordanie.
L’accord stipule cependant que Netanyahu le fera « le moment venu, en prenant en considération les intérêts nationaux et internationaux de l’État d’Israël ».
Le texte ne dit pas clairement si l’accord concerne l’ensemble de la Cisjordanie ou seulement certaines parties.
Aucun des deux partis concernés n’a confirmé cette information.
La déclaration publiée mercredi par HaTzionout HaDatit, reprenant les points clés de leur accord, ne mentionne pas l’annexion, mais précise que les parties ont convenu de faire le nécessaire pour légaliser les avant-postes sauvages et développer les infrastructures en Cisjordanie.
Subvention des études religieuses
Selon un exemplaire largement diffusé d’un accord non signé entre Yahadout HaTorah et le Likud, les deux parties ont convenu que « l’indépendance, le statut unique et le budget relatif » des écoles ultra-orthodoxes seront préservés, et que le prochain ministre de l’Éducation prorogera l’exemption permettant à certaines institutions haredim de ne pas enseigner les matières du tronc commun, comme l’anglais ou les mathématiques.
Cet accord contient une clause stipulant que le gouvernement donnera la priorité à la construction de nouvelles écoles dans les communautés ultra-orthodoxes et augmentera significativement les subventions des établissements d’enseignement, en alignant notamment les salaires de leurs enseignants sur la grille des salaires des écoles non haredi.
HaTzionout HaDatit a déclaré s’être entendu avec le Likud pour faire adopter une loi fondamentale quasi-constitutionnelle déclarant que
« l’étude de la Torah est un principe fondamental des origines du peuple juif ».
HaTzionout HaDatit n’a pas donné plus de détails sur ce projet de loi, que certains des partenaires ultra-orthodoxes de Netanyahu soutiennent afin d’obtenir l’exemption officielle du service militaire pour les étudiants de yeshiva.
Contrôler le système judiciaire, la priorité
Les accords de coalition entre le Likud et ses partenaires exigeront que tous les partis du nouveau gouvernement accordent une « priorité absolue » au projet de loi visant à réformer le système judiciaire, indiquent les projets de propositions.
« Tous les partis de la coalition soutiendront les projets de loi, y compris les lois fondamentales et amendements aux lois fondamentales proposés par le ministre de la Justice », stipule l’accord du Likud avec Yahadout Hatorah, selon une formulation qui devrait vraisemblablement se retrouver dans les accords des autres partis.
Le prochain ministre de la Justice devrait être un député du Likud.
L’accord contient également un engagement à promouvoir la clause dite « dérogatoire », mesure très controversée qui permettrait à la Knesset de contourner ou annuler des décisions judiciaires défavorables aux projets de loi et décisions gouvernementales.
Les détails publiés jusqu’à présent ne précisent pas combien de députés seraient nécessaires pour annuler les décisions de la Cour suprême et légiférer de nouveau sur les lois jugées anti-démocratiques.
La droite cherche depuis longtemps à réformer le système d’équilibres et de contrepoids entre les branches judiciaire et politique, pour subordonner le pouvoir judiciaire aux politiciens, affaiblir la Cour suprême et donner plus de pouvoir aux politiciens en matière de nomination judiciaire.
HaTzionout HaDatit a déclaré s’être mis d’accord avec le Likud pour imposer « une réforme significative et historique » du système judiciaire.
Un risque de discriminations anti-LGBT
L’accord de Yahadout HaTorah stipule que les lois seront modifiées pour permettre aux fournisseurs de services de refuser des clients « en raison de croyances religieuses » – référence probable à la communauté LGBT – « à condition que le service ou le produit ne soit pas unique et qu’une alternative similaire puisse être obtenue à proximité géographique et pour un prix similaire ».
L’accord de HaTzionout HaDatit évoque l’amendement d’une loi pour permettre aux chefs d’entreprises de refuser leurs services sur la base de leurs « croyances religieuses », a indiqué le radiodiffuseur public Kan. Cela permettrait aux salles d’événements de refuser d’accueillir des événements LGBT, par exemple.
En vertu de la loi actuelle, un tel refus est passible d’une lourde amende.
Le parti Noam, dirigé par Avi Maoz, s’est présenté avec un programme ouvertement anti-LGBT et anti-pluraliste. Maoz a, par ailleurs, dénoncé la présence des femmes dans l’armée israélienne.
Dans le prochain gouvernement, Maoz sera à la tête d’un service du cabinet du Premier ministre chargé de « l’identité nationale juive » d’Israël.
Dans le cadre de ces fonctions, Maoz devrait prendre le contrôle d’une unité du ministère de l’Éducation chargée d’approuver les fournisseurs externes des services éducatifs, qui jouent un rôle essentiel dans la mise en oeuvre des programmes des écoles publiques. Particulièrement répandus dans les écoles laïques, ces prestataires couvrent une large gamme de sujets allant de la santé sexuelle à la préparation à la bar-mitsva.
Une nouvelle division du Shin Bet dédiée à la criminalité dans les communautés arabes
Otzma Yehudit et le Likud ont convenu de créer une nouvelle division au sein de l’agence de sécurité intérieure du Shin Bet, dédiée à la lutte contre la criminalité dans les communautés arabes, a déclaré Otzma Yehudit.
Son chef, Ben Gvir, tient un discours ouvertement anti-arabe et a plusieurs fois appelé à la déportation des Arabes jugés « déloyaux » envers l’État.
Les violences meurtrières au sein de la société arabe sont un fléau qui n’a fait que se développer ces dernières années.
Depuis le début de cette année, 113 membres de la communauté arabe ont été tués, selon Abraham Initiatives, qui documente ces violences.
L’accord concernant la création d’une nouvelle unité au sein du Shin Bet a suscité une vive colère au sein des communautés arabes, plusieurs groupes de défense des droits civils accusant le gouvernement de discrimination et de négligence.
Ben Gvir devrait diriger le ministère de la Sécurité nationale dans le prochain gouvernement. On lui a promis un pouvoir étendu sur la police, ainsi que le contrôle de l’unité de la police des frontières de Cisjordanie, de Tsahal.
La presse israélienne s’est fait l’écho ces dernières semaines du risque d’avoir « deux » armées en Cisjordanie avec d’un côté l’armée et de l’autre les garde-frontières.
Pour Amir Avivi, brigadier général de réserve et directeur d’un réseau réunissant des ex-responsables de la sécurité, « c’est bien l’armée qui commande » en Cisjordanie. « Je ne vois aucun scénario dans lequel Ben Gvir pourrait y diriger les opérations de gardes-frontières », dit-il à l’AFP.
Au moins trois hauts diplomates occidentaux ont indiqué à l’AFP s’inquiéter de l’arrivée d’Itamar Ben Gvir à la tête de la police, qui compte des unités de la force paramilitaire des gardes-frontières déployées en Cisjordanie, après une année déjà tendue.
Des projets pour « judaïser » certains secteurs
HaTzionout HaDatit a déclaré avoir conclu des accords avec le Likud pour élaborer des projets visant à « judaïser » la Galilée et le Neguev, qui abritent tous deux d’importantes communautés arabes.
Le parti ultra-orthodoxe Shas serait sur le point de prendre le contrôle des centres communautaires israéliens, connus sous le nom de matnasim. Ces centres sont un élément central de nombreuses communautés, offrant des programmes éducatifs, des activités pour les jeunes et des formations sportives.
Selon le quotidien économique Globes, le chef du Shas, Aryeh Deri, souhaite contrôler les centres communautaires afin d’exercer plus d’influence dans les villes qui les abritent, en particulier dans les zones périphériques.
HaTzionout HaDatit a également déclaré avoir obtenu un budget de l’ordre de quelques centaines de millions de shekels pour « renforcer l’identité juive ».
Financement par l’État d’événements non mixtes
Selon le projet d’accord, Yahadout HaTorah a obtenu un accord pour autoriser le financement public d’événements non mixtes, que le parti ultra-orthodoxe juge respectueux de ses électeurs, profondément religieux.
Une telle ségrégation entre les sexes est actuellement illégale, mais le projet d’accord aurait pour effet de légaliser cette pratique.
Le projet confirme de précédentes informations sur les demandes de Yahadout HaTorah de resserrer de manière significative le contrôle orthodoxe sur les institutions religieuses et d’appliquer la religion aux affaires civiles, ainsi qu’une série de demandes en matière d’éducation et de bien-être, entre autres.
Exemption des ultra-orthodoxes de l’obligation du service militaire
Yahadout HaTorah a également obtenu la promesse de légiférer sur de nouvelles exemptions militaires pour l’étude religieuse à plein-temps et d’adopter une loi fondamentale quasi-constitutionnelle à propos de la Torah.
Yahadout HaTorah a subordonné son soutien au budget de l’Etat à deux conditions.
Le parti a fait pression pour qu’un projet de loi officialise l’exemption générale du service militaire obligatoire des étudiants à temps-plein des yeshivot.
Le service militaire est obligatoire pour la plupart des hommes juifs israéliens, mais les ultra-orthodoxes bénéficient souvent d’exemptions afin de poursuivre leurs études religieuses. Mais certains Haredim extrémistes refusent même d’aller réclamer une telle exemption, ce qui conduit souvent à des arrestations.
Ces exemptions agacent les Israéliens laïcs, mais les communautés ultra-orthodoxes résistent depuis longtemps.
La question fait l’objet d’une bataille législative qui dure depuis plusieurs années. Les réfractaires à la conscription sont parfois arrêtés, ce qui suscite de vives protestations, parfois violentes.
Les conversions et la loi du retour
HaTzionout HaDatit a déclaré avoir accepté de modifier la Loi du retour en raison des « difficultés et failles créées par la clause des petits-enfants ».
Le parti d’extrême droite et d’autres factions du bloc de Netanyahu préconisent la suppression de cette clause, qui permet à toute personne ayant au moins un grand-parent juif de se voir reconnaître la nationalité israélienne tant qu’elle ne pratique pas une autre religion.
Les députés religieux estiment que cette clause conduit à la dilution du caractère juif d’Israël en autorisant les immigrants qui ne sont pas considérés comme juifs en vertu de la loi orthodoxe (halakha).
La Loi du retour est une pierre angulaire de la relation d’Israël avec sa diaspora.
Yahadout HaTorah fait également campagne pour durcir les normes d’immigration juive en Israël.
L’opposition et plusieurs députés du Likud se sont opposés à ces projets.
Aussi, plutôt que d’énoncer des changements spécifiques à la loi du retour, l’accord entre le Likud et Yahadout HaTorah soulève les questions liées à la clause des petits-enfants et s’engage à établir rapidement un comité pour évoquer les réformes nécessaires. Le comité comprendra des représentants de tous les partis de la coalition.
L’accord contient également une clause réaffirmant que seules les conversions orthodoxes effectuées par l’intermédiaire du Grand Rabbinat seront acceptées en Israël.
Les critiques du système actuel, dont l’ex-ministre des Affaires religieuses Matan Kahana, estiment qu’il doit être libéralisé pour encourager la conversion parmi les immigrants non reconnus comme juifs par la loi orthodoxe.
HaTzionout HaDatit a également déclaré avoir obtenu un budget de l’ordre de quelques centaines de millions de shekels pour « renforcer l’identité juive ».
Appui aux implantations
La Treizième chaîne a indiqué que les partis avaient convenu de reconnaître plusieurs avant-postes aujourd’hui considérés comme illégaux dans les 60 jours suivant la prestation de serment du gouvernement.
Les autorités se sont engagées à raccorder les avant-postes aux infrastructures, notamment à l’eau et à l’électricité.
Selon une information non sourcée, le gouvernement accordera quelque 300 millions de shekels à un fonds pour les implantations pour les quatre prochaines années.
Otzma Yehudit assure avoir obtenu 150 millions de shekels pour planter des oliviers en Cisjordanie et « mettre un terme au contrôle palestinien de la terre ».
La Douzième chaine a déclaré que HaTzionout HaDatit avait obtenu un accord pour que les résidents d’implantations des « zones à haut risque » bénéficient d’allégements fiscaux l’an prochain.
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