Les 6 survivants qui allumeront les torches commémoratives pour Yom HaShoah
Le Président et le Premier ministre s'adresseront à la nation lors du lancement de la cérémonie ; les survivants rendront hommage aux 6 millions de juifs assassinés par les nazis
Quatre-vingts ans après le soulèvement du ghetto de Varsovie, au cours duquel quelques centaines de Juifs à peine armés avaient tenu tête à des milliers de soldats nazis pendant plus d’un mois, le mémorial national israélien de la Shoah, Yad Vashem, a choisi la résistance juive pendant la guerre comme thème pour Yom HaShoah, la journée annuelle du Souvenir des martyrs et des héros de la Shoah.
Yom HaShoah, un des jours les plus solennels du calendrier national, est célébré par les Israéliens, le 27e jour du mois hébraïque de Nisan et le jour du soulèvement du ghetto de Varsovie. Cette année, la journée de commémoration commence dans la soirée du 17 avril et se poursuit jusqu’au 18 avril.
Ni les combattants de l’insurrection ni les habitants du ghetto qui les avaient aidés n’avaient aucune illusion sur leurs chances de succès ou même de survie ; ils étaient largement inférieurs en nombre et en armement aux soldats allemands bien approvisionnés. Leur résistance avait été autant un acte de protestation contre l’oppression qu’une tentative de la vaincre.
Mais le soulèvement, qui avait été la plus grande révolte juive pendant la Seconde Guerre mondiale, est encore perçu par un grand nombre comme un moment fondateur de l’histoire juive, et il a été décrit par l’ancien premier ministre Naftali Bennett comme « l’apogée de l’héroïsme juif ».
Cette année, la cérémonie d’ouverture officielle de Yom HaShoah aura lieu le 17 avril à 20 heures sur la place du ghetto de Varsovie à Yad Vashem, sur le Mont du Souvenir de Jérusalem. Shoshana Weis s’exprimera au nom de ses compagnons survivants et Efraim Mol, survivant de la Shoah, récitera la prière El Maleh Rahamim pour les âmes des martyrs. Le président Isaac Herzog et le premier ministre Benjamin Netanyahu prononceront des discours.
Yad Vashem retransmettra la cérémonie en direct avec une traduction simultanée en anglais, français, espagnol, allemand, hébreu et russe via son site web. Yad Vashem proposera également une traduction simultanée en arabe sur la chaîne YouTube arabe de Yad Vashem. La retransmission en direct sera accessible en anglais et en hébreu sur Facebook.
Allumer le flambeau
Au cours de la cérémonie, six torches seront allumées par des survivants de la Shoah en mémoire des 6 millions de victimes juives de la machine à tuer nazie.
La première torche sera allumée par Tova Gutstein. Née à Varsovie en 1933, Tova Gutstein a été témoin des horreurs du ghetto de Varsovie à son plus jeune âge. Dès la création du ghetto en 1940, son père est envoyé aux travaux forcés, et Tova Gutstein va aider sa famille à survivre en se faufilant hors du ghetto pour mendier de la nourriture chez les Polonais de la région ou pour ramasser de quoi manger dans les champs.
Gutstein était à la recherche de nourriture au moment où l’insurrection du ghetto de Varsovie a éclaté. À son retour, elle a trouvé sa maison détruite et sa famille disparue. Pour échapper aux combats, elle a couru entre les cadavres qui gisaient dans la rue et elle a trouvé refuge dans la forêt, où elle a été recueillie par des partisans.
Après la guerre, elle a passé 18 mois dans un orphelinat avant de retrouver sa mère, ses sœurs et son frère dans un camp de personnes déplacées de la ville allemande d’Ulm. Elle s’est installée en Israël en 1948 et elle est devenue infirmière dans un hôpital. Aujourd’hui, elle aide activement les survivants de la Shoah.
Ben-Zion Raisch, né en 1932 à Cernauti, en Roumanie (aujourd’hui Chernivtsi, en Ukraine), allumera la deuxième torche.
Le père de Raisch a émigré en Palestine mandataire britannique en 1938 en raison de la montée de l’antisémitisme, laissant derrière lui leur mère, Raisch et son jeune frère.
En 1940, la ville a été occupée par les Soviétiques avant de passer aux mains des Roumains pour finalement tomber sous le contrôle des Allemands en 1941. La famille de Raisch a été envoyée au camp de concentration de Mărculești, puis transférée dans plusieurs ghettos. Là-bas, de nombreux prisonniers devaient mourir de froid, de faim et de maladie avec parmi eux le frère de Raisch, Poldy, âgé de trois ans.
Raisch et sa mère ont réussi à survivre jusqu’à ce que les Soviétiques reprennent le contrôle de la région en 1944. Ils ont ensuite rejoint leur père et mari en Israël en 1946. Raisch est devenu technicien radio au sein de Tsahal et, après son service militaire, il a étudié l’ingénierie électronique au Technion-Israel Institute of Technology. Pendant de nombreuses années, il a travaillé pour la société de technologie de défense Rafael et il a contribué au développement de la guerre électronique au sein d’une équipe qui a reçu deux prix de la Défense d’Israël.
La troisième torche sera allumée par Judith Sohlberg, née à Amsterdam en 1935. Suite à l’invasion des Pays-Bas par l’Allemagne en 1940, Sohlberg a été forcée de porter l’étoile jaune.
En 1943, Sohlberg et sa famille sont déportés au camp de transit de Westerbork, avant d’être envoyés à Bergen-Belsen. Là, à la demande de son père, elle va évoluer parmi les détenus malades, essayant de leur remonter le moral et de les encourager à se lever – consciente, comme son père avait l’habitude de le dire, que ceux qui ne parviendraient pas à se lever ne resteraient pas en vie.
En avril 1945, la famille s’est entassée dans un train avec d’autres prisonniers. Le train n’avait pas de destination précise et il voyageait entre les fronts Est et Ouest qui étaient adjacents. De nombreux prisonniers sont morts dans le train avant qu’il ne soit libéré deux semaines plus tard par l’Armée rouge, près de la ville de Tröbitz.
En Suisse, elle a retrouvé un ancien camarade de classe, Saul, qui a survécu à la guerre en se cachant chez des fermiers chrétiens. Ils se sont mariés et ils ont immigré tous les deux en Israël en 1959.
Robert Bonfil allumera la quatrième torche. Fils unique, il est né en 1937 à Karditsa, dans la région de Thessalie, en Grèce.
La Thessalie est occupée par l’Italie en 1941, et en 1943 les Allemands arrivent à Karditsa. Bonfil s’enfuit avec ses parents dans une charrette tirée par un âne, sous une pluie torrentielle, et il se cache dans toute une série de villages plus isolés les uns que les autres dans les montagnes, jouant au chat et à la souris avec les nazis.
Après le repli des Allemands, la famille est retournée à Karditsa où elle a appris que plusieurs membres de la famille de sa mère avaient été déportés à Auschwitz, où ils ont été assassinés.
Bonfilah a épousé une survivante de la Shoah originaire d’Allemagne et il a immigré avec sa famille en Israël en 1968. Il est professeur émérite d’histoire juive médiévale et de la Renaissance à l’Université hébraïque de Jérusalem.
Efim Gimelshtein allumera la cinquième torche. Né en 1935 en Biélorussie dans une famille traditionnelle parlant le yiddish, Efim Gimelshtein a perdu son père, enrôlé dans l’Armée rouge et mort au combat en 1941, lors de l’invasion de l’Union soviétique par les Allemands.
Entre 1941 et 1943, Gimelshtein est enfermé avec sa famille dans le ghetto de Minsk, où il parvient à survivre à la brutalité de la police et à plusieurs rafles tout en étant témoin de la violence, des meurtres, des exécutions publiques et même du gazage des Juifs qui y ont lieu.
En 1943, Gimelshtein se cache avec sa famille, en compagnie d’une vingtaine d’autres personnes, dans un bunker souterrain construit pour accueillir sept personnes. Ils y vivront pendant neuf mois. Lorsque Minsk sera libérée par les Soviétiques en 1944, seuls 13 des 26 personnes cachées dans le bunker auront survécu. Les survivants, qui pouvaient à peine marcher et souffraient de troubles de la vue dû au temps passé sous terre, mettront des mois à se rétablir à l’hôpital.
Gimelshtein a immigré en Israël en 1992 avec sa femme. Il est bénévole à Yad Vashem et raconte son histoire à des groupes d’étudiants russophones.
La sixième torche sera allumée par Malka Rendel, née à Nagyecsed, en Hongrie, cadette d’une famille orthodoxe de huit enfants. Son père mourra dans un accident avant sa naissance.
Dès l’arrivée des nazis à Nagyecsed en 1944, les commerces juifs ont été contraints de fermer leurs portes et les Juifs se sont vu imposer le port de l’étoile jaune. En mai de cette année-là, la famille est envoyée dans le ghetto de la ville voisine de Mateszalka, où toute la famille élargie vit dans un seul appartement. Trois semaines plus tard, ils sont déportés à Auschwitz.
À leur arrivée au camp, Rendel et deux de ses sœurs sont envoyées d’un côté, et le reste de sa famille immédiate de l’autre côté. Les trois sœurs sont les seuls membres de la famille à avoir survécu aux sélections.
Elles passeront le reste de la guerre aux travaux forcés, d’abord dans une carrière de pierres près du camp de concentration de Płaszów, puis dans une usine de fabrication de parachutes à Neustadt. À l’approche de l’Armée rouge, les sœurs sont envoyées au camp de concentration de Gross-Rosen lors d’une marche de la mort. De là, elles partent à Bergen-Belsen, où les deux sœurs de Rendel vont mourir. Elle reste hantée par le souvenir du spectacle de leurs corps jetés d’une fenêtre sur une pile de cadavres.
Après la libération, Rendel a été emmenée en Suède, pour y être hospitalisée. À sa sortie, elle a embarqué sur un bateau de réfugiés à destination de l’Israël pré-État, mais elle est capturée et incarcérée dans un camp de détention britannique à Chypre. Elle finit par réussir à immigrer en Israël, où elle devient enseignante. Après sa retraite, elle a enseigné l’hébreu aux olim hadashim [nouveaux immigrants].
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